Nous vous présentons aujourd'hui nos premières conclusions sur la gestion des risques liés au transport et au stockage de nitrate d'ammonium.
Je m'attacherai à vous faire part d'un certain nombre d'informations sur la gestion des risques liés aux produits à base de nitrate d'ammonium et à vous présenter la méthode dont nous sommes convenus, avec le président Longeot, Didier Mandelli et mes deux collègues rapporteurs Philippe Tabarot et Martine Filleul, pour présenter nos recommandations et conclure nos travaux. Je laisserai ensuite la parole à mes deux collègues, qui vous présenteront nos premières recommandations.
Comme l'a rappelé le président, nos travaux ont été lancés à la suite de la mission conjointe du CGEDD et du CGEIET, qui ont relevé certaines insuffisances dans la réglementation sur la prévention des risques liés au nitrate d'ammonium dans notre pays, au stade du transport, d'une part, et du stockage, d'autre part.
L'intérêt de ce travail a été renforcé lorsque le Gouvernement a annoncé son intention, en janvier 2022, de faire évoluer, à la baisse, les seuils fixés pour les différents régimes de stockage d'ammonitrates au sein de la réglementation des ICPE.
Sur le fond, tout d'abord, les ammonitrates d'usage agricole se divisent principalement en deux catégories : les ammonitrates à moyen dosage, qui présentent peu de risques, et les ammonitrates haut dosage, qui sont classés comme des matières dangereuses dans la réglementation internationale et nationale.
Ce dernier produit présente trois principaux risques : le premier, l'explosion, varie selon la teneur en nitrate d'ammonium des produits et la présence d'impuretés pouvant accélérer la décomposition. Le deuxième, la décomposition, induit des fumées nocives contenant de l'acide nitrique, de l'ammoniac et des oxydes d'azote. Le troisième est le risque terroriste, en particulier pour les produits à forte concentration en nitrate d'ammonium. Lors de l'attentat survenu dans le centre d'Oslo en 2011, le terroriste avait acquis une société à vocation agricole pour acheter plusieurs tonnes d'ammonitrates à haut dosage.
Sur le plan de l'accidentologie, 62 incidents liés au nitrate d'ammonium ont pu être recensés dans le monde depuis 1904, mais cette liste est loin d'être exhaustive. Parmi les incidents les plus graves, on distingue notamment trois explosions à la suite d'un amorçage, qui ont provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes ; seize explosions à la suite d'un incendie, provoquant là aussi des centaines de morts et parfois des milliers de blessés.
En France, depuis l'accident de Saint-Romain-en-Jarez de 2003, qui avait blessé 26 personnes, on n'a plus constaté aucun accident grave du fait de ce produit. Toutefois, les incidents mettant en cause du nitrate d'ammonium sont nombreux et apparaissent généralement dans des fermes agricoles ou au cours du transport par route.
L'élément le plus important à retenir est sans doute que, si la probabilité d'occurrence d'un accident est faible avec les ammonitrates, le danger reste très élevé. L'explosion survenue dans l'usine AZF de Toulouse en 2001 est encore présente dans toutes les têtes. Les 300 tonnes de nitrate d'ammonium - ce qui semble assez faible par rapport au volume global - impliquées dans l'explosion avaient entraîné 31 morts et plus de 2 000 blessés. Des dégâts matériels majeurs avaient également été recensés dans la ville de Toulouse, jusqu'à cinq kilomètres du lieu de l'explosion.
Autre chiffre intéressant s'agissant des installations où les accidents sont principalement constatés : deux tiers des incidents ont lieu sur des sites de stockage - pour 48 % d'entre eux - et sur des navires - pour 18 %.
J'en viens à la méthode retenue pour rendre nos conclusions. Au début de notre mission, nous pensions pouvoir vous dresser un panorama général de la gestion des risques liés au nitrate d'ammonium portant tant sur le transport que sur le stockage de ces produits. Toutefois, plusieurs éléments nous ont conduits à devoir reporter la présentation de nos recommandations sur le stockage agricole. Nous évoquerons donc aujourd'hui le seul transport.
D'abord, le conflit à l'Est de l'Europe, né de l'agression de l'Ukraine par la Russie, a entraîné une augmentation très importante du prix des engrais agricoles, du fait de la hausse des prix du gaz. Dans ce contexte, il nous a paru nécessaire d'assurer une stabilité du cadre légal et réglementaire applicable aux ammonitrates. L'objectif actuel doit être de garantir la continuité des approvisionnements, à des prix raisonnables si possible pour nos agriculteurs.
En ce sens, nous avons souhaité tenir compte des demandes unanimement exprimées par les professionnels des secteurs concernés, qui sont entièrement mobilisés sur l'enjeu de l'approvisionnement, pour garantir une situation normale lors des prochaines campagnes d'épandage. Je note que le Gouvernement a annoncé le report de la publication de plusieurs textes réglementaires relatifs au stockage d'ammonitrates, qui visaient à abaisser le seuil du régime de déclaration pour les ammonitrates haut dosage en vrac ou en grands sacs, dans la nomenclature des ICPE.
Ensuite et surtout, à ce jour, il nous manque toujours des données indispensables pour formuler des recommandations dans le domaine du stockage agricole. Nous avons, en effet, besoin de disposer d'une étude d'impact économique globale et d'une photographie précise de la situation actuelle des sites de stockage. Les premières données que nous avons recueillies auprès du ministère de la transition écologique et du ministère de l'intérieur ne suffisent pas, à l'heure actuelle, pour dresser une image fidèle de la situation et des enjeux.
Une seconde mission d'inspection a été demandée par le Gouvernement aux inspecteurs du CGEDD et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) afin d'évaluer les conséquences économiques d'un abaissement des seuils du régime de déclaration et du régime d'autorisation de la nomenclature des ICPE s'agissant des ammonitrates. Cette mission a démarré ses travaux en juin et doit durer six mois, jusqu'en décembre 2022, au plus tôt. Elle mettra à notre disposition des données précises.
Dans l'attente de ces éléments, indispensables pour éclairer notre travail de recommandations, nous avons choisi de disjoindre ce volet. C'est pourquoi mes collègues Philippe Tabarot et Martine Filleul concentreront leurs propos du jour sur la gestion des risques liés au transport, par voie maritime et fluviale, des ammonitrates.
S'agissant de la gestion des risques liés au stockage de ces produits, je vous donne rendez-vous un peu plus tard dans l'année, ainsi que je l'ai expliqué, lorsque nous aurons pu prendre connaissance des éléments de ce rapport et ajuster notre analyse, qui pourrait porter tant sur le seuil d'autorisation que sur le seuil de déclaration du régime ICPE.