Intervention de Martine Filleul

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 juillet 2022 à 9h15

Photo de Martine FilleulMartine Filleul, rapporteure :

J'ai le plaisir de vous présenter deux axes de nos travaux : d'une part, le renforcement de la connaissance des flux de matières dangereuses dans notre pays, en particulier s'agissant des ammonitrates haut dosage et, d'autre part, la clarification des responsabilités dans la gestion de ces matières dans le secteur fluvial et maritime.

Le premier axe de notre rapport consiste à renforcer la surveillance des flux de transport de matières dangereuses, en particulier dans les ports fluviaux et maritimes.

La France, premier producteur de céréales en Europe, se caractérise par une forte consommation d'ammonitrates haut dosage, avec environ 1 500 kilotonnes consommées en moyenne chaque année, que ce soit en vrac, pour le tiers de la consommation environ, ou en sacs. Ces produits sont issus à la fois de notre production nationale, qui s'élève à 1 700 kilotonnes par an, et de l'importation, pour 290 kilotonnes par an. Une petite partie de notre production, de l'ordre 180 kilotonnes, est destinée aux exportations, qui sont effectuées à 80 % via nos ports maritimes.

Ces flux d'ammonitrates affectent l'ensemble des infrastructures de transport. S'agissant des importations, nous avons pu recueillir les informations suivantes : les ports maritimes sont la principale porte d'entrée des ammonitrates haut dosage ; ils enregistrent 45 % des importations. Sept ports sont concernés : d'une part, les grands ports maritimes de Rouen, de Nantes Saint-Nazaire ainsi que le grand port maritime de La Réunion et, d'autre part, les ports de commerce décentralisés de Saint-Malo, de Saint-Brieuc, des Sables-d'Olonne et de Rochefort. Vient ensuite la route, avec 38 % des importations d'ammonitrates haut dosage. Le transport fluvial représente environ 17 % de ces flux. Très peu d'importations sont, en revanche, réalisées par la voie ferroviaire. Au total, le transport fluvial et maritime accueille donc plus de 60 % des importations d'ammonitrates haut dosage.

Cependant, les importations ne représentant que 20 % de notre consommation d'ammonitrates haut dosage, cette photographie n'est que partielle et ne suffit pas à donner une image fidèle de l'ensemble des flux. Et pour cause, et c'est bien là le premier constat de notre rapport : il n'existe pas de système qui permette de suivre de manière précise et centralisée les flux d'ammonitrates haut dosage dans notre pays.

La voie d'eau est emblématique de cette lacune. Si le secteur fluvial ne constitue pas le point le plus sensible de la chaîne d'approvisionnement en ammonitrates, du fait de tonnages bien inférieurs à ceux que l'on constate dans les ports maritimes, le trafic y est particulièrement difficile à appréhender, d'autant plus qu'il n'existe pas de recensement exhaustif des ports intérieurs et que ceux-ci ne reposent pas sur un cadre juridique aussi précis que les ports maritimes.

En se fondant sur les conclusions de la mission du CGEDD-CGEIET, nous identifions toutefois des flux d'ammonitrates haut dosage sur le réseau grand gabarit, localisés sur la Seine, avec le port d'Elbeuf, la Moselle, avec les ports de Metz et Neuves-Maisons, ainsi que sur le Rhin, avec le port autonome de Strasbourg et le port d'Ottmarsheim, sans pouvoir les quantifier précisément.

La première recommandation de notre rapport est donc d'améliorer la connaissance des flux de matières dangereuses par voie maritime et fluviale, qui constitue un préalable indispensable pour mener une politique de prévention des risques efficace au sein de ces infrastructures.

Tout d'abord, si les ports maritimes disposent d'un système de surveillance du trafic de matières dangereuses formalisé, il serait nécessaire de faciliter l'agrégation des données au niveau national. Nous proposons, dans la lignée des recommandations du rapport du CGEDD, la mise en place d'un outil informatique unique de collecte des informations relatives au trafic de matières dangereuses dans les ports maritimes, qui serait interopérable avec le guichet unique maritime et portuaire.

S'agissant du secteur fluvial, nous constatons que la surveillance des flux de matières dangereuses est nettement moins organisée. Le code des transports prévoit une obligation d'annonce pour les navires transportant des matières dangereuses, applicable dans certains secteurs fluviaux définis localement. L'annonce doit notamment indiquer le type et la quantité de matière transportée et être adressée à Voies navigables de France. Nous constatons que cette mesure est appliquée de manière inégale sur le territoire : si elle semble bien mise en oeuvre sur certains axes, comme le Rhône et le Rhin, en vertu d'un accord international, ce n'est pas toujours le cas sur la Seine. D'ailleurs, l'administration indique disposer de peu d'informations sur l'application de cette mesure à l'échelle du territoire national.

Nous proposons donc de rendre plus effective l'obligation d'annonce concernant les navires transportant des matières dangereuses sur la voie fluviale, en élargissant localement son périmètre d'application.

En outre, nous souhaitons que les antennes territoriales de VNF transmettent ces informations aux administrations concernées afin de faciliter leur consolidation au niveau national. Pour ce faire, nous invitons le Gouvernement à doter VNF d'un outil informatique de gestion dématérialisée de ces opérations. Par ailleurs, nous l'alertons sur la nécessité de prendre en compte les charges induites par cette mission dans l'évolution des moyens financiers mais aussi humains de VNF, qui subit, depuis plusieurs années, une trajectoire de baisse de ses effectifs.

J'en viens à présent au deuxième axe de notre rapport : clarifier la répartition des responsabilités de la gestion des matières dangereuses dans le secteur fluvial et maritime.

Dans le transport fluvial, une multitude d'acteurs intervient, parmi lesquels les directions départementales des territoires (DDT), qui délivrent les autorisations de navigation des bateaux et assurent des missions de police de la navigation, les gendarmeries fluviales, qui contrôlent les navires en mouvement et, dans certains cas, les contrôleurs des transports terrestres issus des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).

L'organisation des ports fluviaux est, du reste, très souple en comparaison du secteur maritime, et ceux-ci ne disposent pas, par exemple, d'une autorité clairement investie d'un pouvoir de police des matières dangereuses. Partant de ces constats, le rapport du CGEDD-CGEIET a souligné la difficulté à identifier un « interlocuteur qui se sente globalement responsable pour le trafic de matières dangereuses » dans les ports fluviaux.

En comparaison, la répartition des responsabilités paraît bien plus lisible dans les ports maritimes : la police des matières dangereuses y est exercée par des agents de l'État affectés aux capitaineries, qui sont placées sous l'autorité de la direction du port, comme c'est le cas dans les grands ports maritimes, ou sous celle du préfet ou de l'autorité portuaire dans les ports décentralisés. Le rapport du CGEDD-CGEIET indique toutefois que certaines capitaineries des grands ports maritimes font parfois face à des situations ambiguës, dans lesquelles l'autorité portuaire ne se sent pas pleinement investie du pouvoir de police portuaire, tandis que la préfecture n'a que peu de responsabilités en la matière. Le rapport souligne, en outre, que les capitaineries se trouvent souvent isolées dans l'exercice de leurs missions, faute d'une véritable animation de leur réseau au niveau national.

Afin de clarifier la répartition des rôles et des responsabilités de chacun, nous proposons l'élaboration d'une instruction précisant les tâches respectives des services centraux et déconcentrés dans la gestion des matières dangereuses dans le secteur fluvial et maritime, indiquant également les modalités de coordination entre ces services.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion