– Le dispositif MonPsy est encore très récent : les psychologues sont rentrés dans le dispositif de conventionnement depuis février, les premières prescriptions et prises en charge ont eu lieu à partir d’avril, et nous ne disposons que de quelques mois de recul. Les premiers retours sont encourageants. Plus de 1 600 psychologues sont aujourd’hui conventionnés pour prendre en charge les patients. Les inscriptions continuent, et la dynamique est favorable : la quasi-totalité des départements étant aujourd’hui couverte. Près de 2 850 médecins ont déjà prescrit des prises en charge, pour un total de 5 500 séances. Je redis mon attachement à ce que cette prescription s’inscrive dans un parcours de soins organisé.
Un effort significatif d’information et d’accompagnement des professionnels concernés a été mis en place. Un mailing spécifique a été conduit en direction des médecins potentiellement prescripteurs. Nous accompagnons les psychologues choisissant de se conventionner. Nous travaillons également avec les ARS pour mieux faire connaître le dispositif. Les professionnels concernés attendaient depuis longtemps la possibilité de proposer des consultations de psychologues sans exposer les patients à des restes à charge.
Dans notre rapport, nous indiquons des éléments préoccupants sur l’impact des confinements successifs et de la crise sanitaire sur la santé mentale : en 2021, la prescription d’antidépresseurs chez les jeunes connaît une augmentation de près de 13 %. Ce signal d’alerte très net doit être pris en compte. Nous allons réengager une campagne d’accompagnement sur la santé mentale auprès des généralistes, afin de généraliser les bonnes pratiques concernant les prescriptions de consultations chez des psychologues ou l’usage de médicaments. Nous développons également les premiers secours en santé mentale dans les milieux universitaires et dans le monde du travail, afin de former à l’identification des troubles et d’améliorer l’accompagnement dans le système de soins.
Madame Lassarade, le rapport contient de nombreuses mesures sur la question de la prévention, notamment concernant la famille et les enfants. L’organisation du dépistage des cancers est une politique de prévention majeure, sur laquelle notre pays est en retard. Nous proposons, dans la continuité des rapports de l’IGAS, d’en simplifier l’organisation et les processus, et de systématiser les démarches d’« aller vers » dans les territoires, en direction des populations les plus éloignées du système de soins.
Concernant les enfants et la pédiatrie, il est nécessaire de soutenir le développement de maisons de santé de l’enfant comprenant des pédiatres ainsi que d’autres métiers de l’enfance, comme des orthophonistes et des orthoptistes. Nous partageons le diagnostic selon lequel la pédiatrie fait partie des spécialités en bas de l’échelle des spécialités dans ce pays, ce qui n’est pas normal. Dans l’avenant 9 à la convention médicale, signé en juillet 2021 et mis en œuvre depuis le mois d’avril 2022, nous avons fortement revalorisé le tarif des consultations pédiatriques, ce qui a provoqué une augmentation inédite de la rémunération annuelle des pédiatres, à hauteur de 5 000 euros en moyenne. Il est probable que l’histoire ne s’arrête pas là : nous devrons continuer cette politique de soutien à la pédiatrie, ainsi qu’à d’autres disciplines comme la psychiatrie : nous avons besoin de spécialités cliniques attractives.
Concernant la mortalité infantile, le diagnostic a été posé par les autorités sanitaires. Les causalités de cet indicateur, qui n’est pas orienté favorablement, sont sans doute multiples et difficiles à établir. Nous participerons à toutes les mesures d’accompagnement, mais je n’ai pas actuellement d’élément nouveau à vous fournir sur ce sujet.
Madame la rapporteure générale, je voudrais dissiper un malentendu : l’assurance maladie est consciente des difficultés traversées par notre système de santé, de la violence du choc porté par le covid et de ses effets à court ou à moyen terme sur la santé mentale ou les hospitalisations programmées. Plusieurs programmes de prévention ont été plus ou moins stoppés, l’activité des professionnels a été perturbée. Le choc est extrêmement fort, et nous en avons bien conscience, d’autant plus que le contexte était déjà relativement tendu.
Pour autant, ce phénomène n’est pas purement français. Dans la quasi-totalité des pays comparables à la France se posent les mêmes problèmes d’attractivité des professions de santé et de postes vacants. Ce n’est pas le système français lui-même qui est en cause : l’ensemble des systèmes de soin souffrent des effets à retardement du covid, notamment en ce qui concerne les ressources humaines.
Comme vous l’avez dit, nous sommes face à un énorme défi. Que faire ? L’assurance maladie, aux côtés des pouvoirs publics et des ministres ainsi que de l’ensemble des acteurs de santé, pense pouvoir apporter une série de réponses. Nous n’avons pas besoin d’inventer des choses complètement nouvelles ; nous devons au contraire déployer plus fortement et plus efficacement nos mesures. Pourquoi ne disposons-nous « que » de 3 500 assistants médicaux dans notre pays ? Le covid a perturbé le déploiement de cette nouvelle fonction, qui ne date que de deux ou trois ans, et il faut alléger les contraintes, améliorer les paramètres, davantage accompagner les médecins. Nous avons conscience qu’il faut les déployer au plus vite.
Nous avons tout de même deux fois plus de maisons de santé pluridisciplinaires en 2022 qu’en 2017, dans lesquelles 15 % des professionnels de santé en ville exercent actuellement, mais nous devons encore accélérer ce mouvement et ces solutions. Le Gouvernement lancera sûrement des consultations autour de ces thématiques, à propos desquelles notre rapport lance aux parlementaires toute une série de propositions.
Concernant les dispositifs numériques de prise en charge de la douleur et des patients, nous proposons d’identifier une troisième catégorie de produits de santé pris en charge, en plus des médicaments et des dispositifs médicaux. Nous proposons de réfléchir à une troisième catégorie appelée « thérapie digitale », réunissant les solutions numériques, comme des bases de données, des algorithmes ou des applications, qui deviennent, pour les professionnels de santé, des outils de prise en charge des patients. Nous tournons autour de ce problème en prenant en charge des dispositifs médicaux qui comportent de plus en plus souvent du numérique et de la télésurveillance, mais cela ne suffit pas, et nous proposons d’aller plus loin en identifiant cette nouvelle catégorie des « thérapies digitales », comprenant les solutions que vous avez évoquées, madame la rapporteure générale.
Monsieur Jomier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, M. Dussopt s’en est remis à la sagesse des parlementaires au sujet d’un amendement ayant pour objet la compensation par l’État des exonérations de cotisations sociales. Les exonérations prévues par le texte sont bien compensées à la sécurité sociale, comme c’est le cas de manière systématique. Ce qui est fait pour soutenir le pouvoir d’achat et l’emploi représente aussi potentiellement des gains de recettes pour la sécurité sociale et l’assurance maladie.
Il est temps de bâtir un cap concernant la téléconsultation. La situation particulière de l’été justifiait une dernière prolongation du remboursement à 100 % des téléconsultations, mais il faut maintenant, avec l’ensemble des acteurs, déterminer la place pérenne de ces solutions dans les parcours de soins.
Nous avons en tête d’avoir des temps de concertation avec les professionnels de santé. Nous avons échangé avec les pharmaciens, comme avec les syndicats des infirmiers libéraux, sur des sujets comme la vaccination ou l’accompagnement, et il est clair que nous aurons des temps de concertation avec les autres professionnels de santé. Plus largement, nous avons engagé un travail d’écoute et de partage avec l’ensemble des acteurs du système de santé, sans nous limiter au dialogue avec les partenaires syndicats, même s’il est fructueux.
Nous organisons le passage des dispositions de l’article 51 dans le droit commun. Le dispositif « Retrouve ton cap » de prévention de l’obésité chez les enfants et adolescents ainsi que le mécanisme de prise en charge de la télésurveillance ont tous les deux été expérimentés dans l’article 51, avant d’être intégrés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Les modes de financement des structures d’exercice coordonné que nous avons proposés dans le rapport sont nourris par les expérimentations menées dans les dispositifs d’incitation à une prise en charge partagée (IPEP) et de paiement en équipe de professionnels de santé en ville (PEPS), notamment autour des équipes de soin traitantes. Nous devrons voir comment tirer les leçons de ces expérimentations pour les inclure dans le droit commun de la convention médicale.
L’assurance maladie a suspendu, depuis mars 2020, l’ensemble des contrôles de tarification à l’activité, et ne les a pas repris, à la demande du ministère de la santé. Ces contrôles ont été suspendus dans l’ensemble des hôpitaux, donc à l’IHU de Marseille. Néanmoins, nous avons engagé depuis plusieurs semaines des échanges avec les hôpitaux de Marseille pour comprendre le niveau de facturation des hospitalisations de jour, qui nous semble plus élevé qu’ailleurs, et nous attendons des compléments d’explication, pour éventuellement engager les démarches nécessaires.
M. Alain Milon. – Merci pour ce rapport de qualité et sa synthèse passionnante.
J’avais deux premières questions, concernant l’IHU et concernant la politique conventionnelle, qui ont été posées. Sur cette dernière, je suis d’accord avec vous, il faut intégrer l’ensemble des professionnels de santé dans les travaux pré-négociation et en particulier les jeunes médecins qui se plaignent souvent de ne pas en faire partie.
J’en viens à ma dernière question, celle qui fâche. Je vous ai dit que j’avais apprécié vos propositions qui pourraient constituer un programme présidentiel. Beaucoup d’organismes officiel font individuellement des propositions pour améliorer la santé en France et, les vôtres étant particulièrement intéressantes : y a-t-il encore un intérêt à l’existence de la direction générale de la santé ?
Mme Pascale Gruny. – En tant que sénateur, le premier sujet qui nous remonte du terrain, c’est la santé. Dans mon département de l’Aisne, il faut jusqu’à une heure trente de voiture pour se rendre à un rendez-vous dentaire ou ophtalmologique. Le problème est exacerbé actuellement en période de vacances : les médecins partent en congé sans réussir à trouver de remplaçants. Les médecins ont aussi le droit de se reposer mais les remplaçants ne veulent pas travailler dans les cabinets les plus surchargés. La population ne supporte plus cette situation.
Vous avez parlé de la prévention ; elle ne peut se résumer au dépistage mais doit aussi empêcher réellement les pathologies. Les semelles orthopédiques sont par exemple essentielles pour éviter les problèmes de dos mais pourtant personne ne sait pas qu’elles sont remboursées sans aucun reste à charge.
Le problème est que la prévention n’est pas très vendeur pour un programme présidentiel car les effets se voient à long terme. C’est bien dommage. Dans ma région, nous sommes en train de travailler sur le bien vieillir. Une application est en cours de mise en œuvre pour que les personnes puissent s’évaluer à partir de 60 ans.
Enfin, permettez-moi de revenir sur le handicap. Compte tenu des restes à charge importants pour disposer d’un fauteuil roulant ou d’un chien guide d’aveugle, il est heureux que des associations soutiennent financièrement les personnes.
Mme Nadia Sollogoub. – A titre liminaire pour compléter ce qui vient d’être dit, je suis élue dans la Nièvre et dans quelques jours, nous n’aurons plus aucun dermatologue dans tout le département ! Le tableau est donc très inquiétant pour les populations. Il faut que les jeunes de nos territoires ruraux aient accès aux formations médicales pour ensuite revenir.
Je souhaitais vous poser deux questions précises. Tout d’abord, vous avez évoqué la démographie des infirmiers. Beaucoup d’infirmiers sont formés mais la difficulté réside dans le fait qu’ils s’arrêtent de travailler de plus en plus rapidement. À ma connaissance, 180 000 infirmiers diplômés n’exercent pas. Des actions sont-elles prévues pour rétablir le dialogue avec eux et les amener à exercer à nouveau leur profession ? Nous avons, en quelque sorte, un gisement précieux à ne pas oublier.
Certains dispositifs pour les médecins généralistes, comme la possibilité d’avoir des assistants médicaux, sont conditionnés à l’obligation de prendre de nouveaux patients. Or, ceux qui ont le plus besoin d’une équipe n’y ont pas accès car ils sont déjà à saturation. Les négociations sur ces points peuvent-elles être revues ?
Mme Annick Jacquemet. – Tout d’abord, quelles mesures est-il mis en œuvre pour lutter contre la redondance des examens ? Il y a là un important levier d’économies.
Ensuite, si vous me permettez cette analogie, les vétérinaires traitants ne peuvent pas s’occuper des autopsies, pour déterminer par exemple si un animal est mort foudroyé par la foudre, car il est beaucoup plus difficile de refuser certaines pressions pour les vétérinaires traitants qui connaissent bien les personnes qui font appel à eux. Est-il envisageable de prévoir un mécanisme similaire pour les arrêts de travail ou les renouvellements d’arrêt de travail, c’est-à-dire qu’ils ne puissent être délivrés par les médecins traitants pour éviter les demandes toujours délicates à refuser ?
Lorsque j’étais vice-présidente du département du Doubs, nous avons mis en place une structure de recyclage et de revente des aides techniques comme les fauteuils roulants en partenariat avec une entreprise d’insertion vers le travail. Toutefois, nous nous étions heurtés à un problème : aucune prise en charge par l’assurance maladie n’est prévue pour le matériel d’occasion. Quelles solutions peuvent-elles être apportées ?
M. Philippe Mouiller. – Tout d’abord sur le volet handicap, l’application du décret mettant en œuvre la réforme de la prise en charge des aides techniques soulève des interrogations que m’ont relayées les associations de personnes handicapées notamment sur la durée d’utilisation des fauteuils roulants.
Je voudrais aussi pointer les incohérences dans le transport des enfants handicapés. L’asurance maladie est le financeur dans le cadre des consultations médicales tandis que le département assure l’organisation et le financement à l’école. Dans le cadre de l’établissement d’accueil, c’est la dotation de l’établissement qui est mobilisée. Enfin, lors d’activités extérieures, ce sont les familles qui payent. Il faudrait apporter de la cohérence et de la coordination pour une meilleure efficience des moyens.
Pour revenir à la problématique de la fraude sociale, nous avions au Sénat déposé une proposition de loi sur les cartes vitales biométriques finalement modifiée en raison des expérimentations déjà en cours. Avez-vous des premiers éléments de bilan de ces dispositifs expérimentaux à nous communiquer ?