Intervention de Thomas Fatome

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 juillet 2022 à 9h05
Présentation du rapport « charges et produits » – Audition de M. Thomas Fatôme directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie

Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie :

– Maintenant que le dispositif a prouvé son efficacité, il s’agit de vaincre deux réticences principales qui entravent son déploiement. D’une part, le manque d’espace est un sujet majeur. Les médecins qui ne recrutent pas d’assistant médical nous expliquent qu’ils ne peuvent trouver la place dans leurs locaux pour installer un assistant. Ce problème appelle une réponse collective de la part des collectivités territoriales, de l’assurance maladie, des services de l’État ou des partenaires du secteur du logement pour accompagner les médecins dans leurs projets immobiliers. Les collectivités territoriales agissent déjà mais il faut renforcer et systématiser ces démarches. D’autre part, la peur de l’embauche est parfois présente chez les médecins. Que faire si cela se passe mal ? Nous voulons travailler sur ce sujet en simplifiant les déclarations sociales en lien avec l’Urssaf et éventuellement en agissant avec des dispositifs comme « action de santé libérale en équipe » (Asalee) au sein duquel l’assurance maladie salarie elle-même. Sans devenir un offreur de soins, l’assurance maladie peut devenir un intermédiaire pour faciliter l’intervention de l’assistant médical ou de l’infirmier dans le cabinet du médecin.

Nous allons également continuer de soutenir les médecins qui cumulent un emploi et une retraite. Aujourd’hui, 12 500 médecins libéraux sont en cumul emploi-retraite. C’est une ressource dont il n’est pas possible de se priver. Il faut faire connaitre davantage les règles favorables en matière de cotisations sociales.

Sur les fauteuils roulants et les aides techniques, je tiens à souligner que c’est un sujet pris en main par le ministère dans le cadre des travaux de Philippe Denormandie. Des avancées ont déjà eu lieu. Les ergothérapeutes peuvent par exemple prescrire des aides techniques. Un travail a aussi été engagé sur la rénovation de la nomenclature des fauteuils roulants. Des concertations ont été menées avec les fabricants et les associations. La réutilisation des fauteuils roulants fait partie de la discussion - dont l’aboutissement n’a pas encore eu lieu mais ne saurait trop tarder. Les modèles économiques ne sont en effet pas faciles à construire.

S’agissant des départs précoces d’infirmiers ou d’infirmières voire d’étudiants, c’est un sujet qui dépasse les seules compétences de l’assurance maladie. Nous agissons tout de même à deux égards. Premièrement, nous nous penchons sur les infirmiers libéraux pour déceler les tendances au-delà d’un phénomène mondial de ras-le-bol et de fatigue professionnels. En réalité, il n’existe pas de mouvement important de transfert d’infirmiers de l’hôpital vers le secteur libéral et inversement. Nos observations ne corroborent donc pas l’idée qu’il existerait une rupture récente de tendance. Deuxièmement, nous lançons un travail qualitatif pour comprendre pourquoi certains infirmiers ont quitté la profession avant leur retraite. Le ministère de la santé conduit aussi de son côté une enquête sur les infirmiers à l’hôpital. Ces travaux nous permettront de savoir ce que l’on peut faire pour inciter les infirmiers à demeurer dans leur activité. Nous avons beaucoup soutenu les infirmiers libéraux ces dernières années, avec par exemple le bilan de soins infirmiers (BSI), et il nous faut poursuivre.

Mme la sénatrice Jacquemet, je vous rejoins entièrement sur la redondance des examens médicaux. Dans le rapport, vous trouverez une étude approfondie sur l’évolution du volume d’actes de biologie qui montre qu’entre 2019 et 2021, une augmentation de 8 % des prescriptions par ordonnance a eu lieu sans aucune justification de santé publique. Nous souhaitons réenclencher une nouvelle discussion d’une convention avec les biologistes sur la qualité de la prescription. Le même travail doit être fait sur la redondance des examens de radiologie conformément au protocole pluriannuel avec les radiologues. Ces chantiers avaient plus ou moins été mis en sommeil avec la crise épidémique mais vont être redémarrés. Le rapport aborde aussi les produits de contraste en radiologie que nous payons très cher en France en raison de volumes très importants, de gaspillage ou d’un conditionnement inefficace...

Aujourd’hui, la prescription des arrêts de travail n’est pas réservée aux médecins traitants. Ce n’est pas non plus ce que nous proposons à l’avenir. En revanche, il s’agirait de reverser aux médecins traitants la possibilité de prescrire par téléconsultation ces arrêts de travail.

Monsieur le sénateur Mouiller, je tiens à souligner qu’au global le transport et le soins des personnes handicapées est un sujet majeur pour nous. De nombreuses actions ont été prises par exemple en lien avec les dentistes pour une meilleure prise en charge. Nous avons aussi intégré les équipes de Pascal Jacob sur le baromètre Handifaction de l’accès aux soins des personnes handicapées, lequel a été repris par l’Assurance maladie et sera publié régulièrement. La convention médicale comportera aussi de nouvelles mesures.

Je vous confirme qu’une expérimentation a été engagée de 2019 à 2021 pour dématérialiser la carte vitale sur deux territoires. Des enseignements ont déjà été tirés auprès des professionnels de santé. Ce dispositif est efficace. Le processus d’enregistrement des personnes et de vérification de l’identité fonctionne grâce à la combinaison de la reconnaissance faciale et de la pièce d’identité. Nous nous préparons dès lors à déployer cette expérimentation dans huit départements à la rentrée. Le ministre de la santé a annoncé hier le lancement d’une mission sur les conditions d’une carte vitale intégrant, cette fois-ci, de la biométrie. Nous y prendrons part en gardant à l’esprit la question de la fraude sociale mais aussi de l’intégration de la biométrie dans un processus fluide pour que les professionnels de santé ne soient pas réduits à être les contrôleurs de l’identité de leurs patients au détriment du soin.

Madame la Présidente, je ne reviens pas sur les sujets d’assistants médicaux mais je peux vous confirmer que notre volonté est d’assouplir ce dispositif.

L’ancien ministre de la santé Olivier Véran avait lancé un plan greffe doté de 210 millions d’euros. Nous avons mené des études médico-économiques sur la place de la greffe en comparaison à la dialyse qui ont sous-tendu les orientations de ce plan. Nous pourrons vous la faire parvenir si vous le souhaitez.

Sur le RIHN, je vous confirme que nous travaillons avec la Haute Autorité de santé pour qu’elle puisse engager une priorisation des travaux sur la base des retours des différents conseils nationaux professionnels (CNP). De notre côté, nous menons un travail avec les biologistes pour identifier les enveloppes qui permettraient le transfert des financements RIHN de l’hôpital vers la ville. Toutefois, le travail d’identification est un préalable.

Enfin, nous sommes très engagés sur les données de santé avec par exemple Data pathologies ou Epi-phare en partenariat avec l’ANSM mais j’aurai l’occasion d’y revenir plus précisément dans le cadre de votre mission d’information.

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