Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Éloge funèbre d'olivier léonhardt sénateur de l'essonne

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Il venait tout juste d’avoir 58 ans. Il nous a quittés à l’issue d’un combat long de plusieurs années contre la maladie, un combat acharné qu’il a mené avec courage et détermination.

J’étais présent à la très belle cérémonie d’hommage organisée le 10 février dernier à Sainte-Geneviève-des-Bois, comme de nombreuses personnalités politiques et beaucoup d’habitants de sa commune et de l’Essonne. Au cours d’une intervention particulièrement émouvante, la présidente Laurence Rossignol a raconté de manière très personnelle, mais aussi très pudique, trente-cinq années d’amitié indéfectible avec Olivier Léonhardt. Le président Jean-Claude Requier est lui aussi intervenu, évoquant de façon très juste les valeurs humanistes, laïques et républicaines qu’Olivier Léonhardt avait en partage avec les autres membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE).

La passion de l’engagement politique a sans cesse guidé la vie d’Olivier Léonhardt. C’était pour lui une manière de servir un idéal au bénéfice de l’intérêt général et de ses concitoyens.

Il était né le 29 janvier 1964 à Suresnes, dans une famille juive laïque. Ses grands-parents – nous en avons parlé avec sa famille – avaient été victimes du nazisme. Ce drame familial est sans doute à la racine très profonde du combat permanent contre le racisme et l’antisémitisme qui a été le sien et qu’il est bon de rappeler en cet instant.

À l’âge de 20 ans, il fut, en 1984, l’un des cofondateurs de SOS Racisme, aux côtés de Malek Boutih, d’Harlem Désir et Julien Dray.

Olivier Léonhardt s’était également engagé dans la vie militante en participant au mouvement des jeunes socialistes, et ce dès le début des années 1980, à la veille de l’élection de François Mitterrand. Il était encore lycéen au lycée Turgot, puis étudiant à la faculté de Tolbiac. Les amitiés qu’il a nouées alors ont duré bien au-delà.

Son engagement militant au sein de la gauche socialiste se poursuivit par la découverte du Parlement, lorsque, en 1991, il accompagna à l’Assemblée nationale Julien Dray, devenu député de l’Essonne, en tant qu’attaché parlementaire.

Élu conseiller municipal de Sainte-Geneviève-des-Bois en 1995, Olivier Léonhardt en devint maire adjoint, puis maire en 2001. Il s’investit à fond dans ce qu’il considérait être le plus beau des mandats et fut réélu maire à deux reprises, en 2008 et en 2014, preuve d’un réel attachement des Génovéfains à son égard. Il ne renoncera à sa mairie qu’en 2017, après son élection au Sénat, pour se mettre en conformité avec la législation sur le cumul des mandats.

Comme l’a souligné en février notre collègue Laurence Rossignol, il s’était épanoui dans la fonction de maire, pour laquelle il était fait. À l’occasion de son départ de la mairie, il exprima avec beaucoup de justesse ce qu’incarne cette fonction, à savoir « une passion pour l’intérêt général », « l’amour de sa ville », mais aussi « le dévouement total pour nos concitoyens, dans tous les moments qui ponctuent leur quotidien ». Nombre d’entre nous qui avons connu cette vie de maire comprennent tout le sens de ces mots d’Olivier Léonhardt.

En seize ans de mandat, il transforma sa ville ; il la façonna en quelque sorte à son image, faite d’humanisme et de fraternité.

Défenseur acharné de son territoire au sein de la grande couronne de l’Île-de-France, Olivier Léonhardt avait compris que l’intercommunalité pouvait apporter une dimension supplémentaire à l’action publique. Pour autant, il a bataillé pour empêcher la constitution d’une intercommunalité géante – c’était la mode à l’époque ! – qui devait compter quelque 800 000 habitants, et il a présidé, à partir de 2008, une structure intercommunale à taille plus humaine, comme son nom le suggère : la communauté d’agglomération du Val d’Orge, devenue en 2016 Cœur d’Essonne Agglomération. Il y œuvra pour le développement d’activités économiques et culturelles, ainsi que d’emplois de proximité.

Toujours et partout, il a appliqué le principe de Jean Jaurès : « Partir du réel pour aller vers l’idéal ».

En septembre 2017, Olivier Léonhardt fit son entrée au Sénat. Il voyait dans le mandat parlementaire une occasion de prolonger ses combats locaux, notamment celui qu’il menait en faveur des départements de la grande couronne. L’élu des Yvelines que je suis n’est pas totalement indifférent à ce sujet, pas plus que mes collègues de l’Essonne, qui étaient autour de moi lors de la cérémonie que j’ai évoquée… Olivier Léonhardt voulait conforter la place de la grande couronne et améliorer les conditions de vie de ses habitants.

Il adhéra au groupe RDSE et devint membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qu’il a fait bénéficier de sa bonne connaissance des dossiers, notamment sur un sujet majeur pour lui : les transports.

Il s’est notamment investi dans les travaux préparatoires au projet de loi d’orientation des mobilités. Le développement des mobilités était en effet l’un de ses chevaux de bataille, avec une attention particulière portée aux problématiques des dessertes de proximité et du désenclavement géographique, qu’il voyait comme un moyen de réduire les inégalités territoriales.

En 2020, il rejoignit la commission des affaires sociales, dont je salue la présidente. J’ai le souvenir précis d’un entretien avec lui au sujet de l’égalité d’accès à la santé, qui était pour lui essentielle. Je me rappelle également sa gratitude pour un système de soins dont il appréciait la solidarité et la qualité.

Son état de santé ne lui permettait malheureusement pas toujours de participer autant qu’il l’aurait souhaité aux travaux du Sénat, mais il tenait à venir siéger parmi nous dès qu’il le pouvait.

Son combat en faveur des Kurdes a fait vibrer notre hémicycle. Pour s’en convaincre, il n’est que de consulter le compte rendu intégral de nos débats, publié au Journal officiel. Le 27 mars 2018, il déclarait, à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement : « Protéger les Kurdes, c’est défendre nos valeurs, c’est lutter contre le terrorisme, par conséquent c’est aussi nous protéger nous-mêmes ! » Ce sujet est toujours d’actualité…

Dans la continuité de son action locale, il était resté, encore et toujours, un inlassable défenseur de la laïcité. Lors d’un débat en séance publique, le 8 janvier 2020, Olivier Léonhardt s’exprimait en ces termes : « La laïcité, ce n’est pas un règlement, ce n’est pas une loi, ce n’est pas un point d’équilibre ni une manière sympathique de vivre ensemble, c’est la protection de tous les individus face à la tentation d’une norme philosophique ou religieuse promulguée hors de la démocratie. »

Représentant du Sénat au sein de l’Observatoire de la laïcité à partir de février 2019, il s’impliqua fortement, là encore et comme toujours, dans la défense des valeurs républicaines.

Olivier Léonhardt a toujours eu pour ses concitoyens et ses administrés un exceptionnel dévouement. Je fais bien sûr référence à l’attention permanente qu’il portait à chacun, mais je veux aussi souligner sa pudeur personnelle et son élégance morale, car il a toujours préféré une certaine discrétion à l’ostentation.

Il était une référence d’engagement et d’altruisme. Il savait aussi rassembler et fédérer autour de lui des personnalités venues d’horizons divers, au service des actions qu’il entreprenait et des valeurs qu’il défendait – des valeurs pour lesquelles il savait aussi, parfois, cliver, afin de les affirmer avec force !

Oui, mes chers collègues, je souhaite que nous gardions d’Olivier Léonhardt le souvenir d’un sénateur chaleureux, d’un élu de proximité profondément attaché à l’Essonne et à sa commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, d’un humaniste doté d’une culture étendue et d’une grande curiosité intellectuelle.

À ses anciens collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, à ses collègues de la commission des affaires sociales, à ses amis du groupe RDSE, je voudrais redire toute notre sympathie.

À ses parents, Nelly et Gilbert, qui sont en face de moi dans notre tribune d’honneur, à son épouse Nathalie, à ses filles Lucie, Laura et Ariane, à son frère Frédéric, à sa famille, à ses proches, à ses amis, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui l’ont accompagné tout au long de sa vie et qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend réellement, en ce moment de recueillement, à leur deuil. Mesdames, messieurs, votre peine a été et elle est encore aujourd’hui la nôtre.

Nous avions noué avec Olivier Léonhardt des liens particuliers. Il est resté parmi nous trop peu de temps. Nous le sentons bien, tous ceux qui l’ont rencontré, qui ont partagé ses combats ou, parfois, qui se sont affrontés à lui ne sont pas indifférents au message d’Olivier Léonhardt.

Il restera présent dans nos mémoires, et ce n’est pas un vain mot. Je le dis en regardant le fauteuil qui était le sien et en songeant aux valeurs qu’il défendait : d’une certaine manière, il est encore parmi nous.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances – autant de combats qu’a menés Olivier Léonhardt.

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