Intervention de Isabelle Rome

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Éloge funèbre d'olivier léonhardt sénateur de l'essonne

Isabelle Rome :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, chers membres de la famille d’Olivier Léonhardt, il y a des discours que l’on prononce avec plus de gravité et de solennité que d’autres ; celui-ci en fait partie. Il y a des hommages qui nous plongent dans les coulisses de notre histoire contemporaine et des combats qu’elle charrie ; celui-ci en fait partie.

Chez Olivier Léonhardt, l’engagement au service des autres n’était pas acquis, il était inné, comme son amour pour la République et pour celles et ceux qui la peuplent. L’engagement, avec un E majuscule, coulait dans ses veines.

Sa volonté de changer la vie des autres, qui demeurera chez lui comme une seconde peau, s’enracine dès 1980 : alors qu’il n’est encore qu’un élève au lycée Turgot, il adhère au parti socialiste. La campagne présidentielle de François Mitterrand le fascine lorsqu’il est étudiant. Il s’arrime quelques années plus tard à un syndicat rocardien, et le militant voit le jour.

Cette flamme, jaillie à la faveur de l’aventure de SOS Racisme, ne s’éteindra jamais. Avec ses compagnons de lutte, notamment Julien Dray et Harlem Désir, Olivier Léonhardt redonne ses lettres de noblesse à notre triptyque républicain de liberté, d’égalité et de fraternité. Il se bat alors pour suturer les plaies d’une société française disloquée – une France plurielle, dont il a voulu faire une République unie.

Ces combats contre le racisme, contre l’antisémitisme, contre la xénophobie, mais aussi contre l’extrême droite et les communautarismes, seront, au bout du compte, ceux de toute sa vie. Ils se confondent avec l’universalisme républicain, dont il fut un ardent partisan et un infatigable défenseur.

À l’aube du XXIe siècle, c’est le baptême électoral : en 2001, il est élu à la tête de la ville de Sainte-Geneviève-des-Bois dans l’Essonne. Ce mandat de maire, auquel il était viscéralement attaché, constituait pour lui une sorte de sacerdoce républicain.

Se tenant en permanence au chevet et à l’écoute de ses administrés, Olivier Léonhardt ne comptait pas ses heures et ne ménageait pas son énergie. Seize années durant, son dévouement fut total. De sa commune, il a épousé tous les enjeux, tous les atouts, tous les défis, toutes les vicissitudes. Seize années durant, il a ainsi embrassé toutes les joies et toutes les peines qui font le quotidien des maires de France. Les Génovéfains, qui lui ont renouvelé leur confiance, peuvent en témoigner.

L’action politique, pour lui, n’était pas une fin en soi ni un caprice égotique. C’était, au contraire, cet idéal adolescent qui aspirait à changer la vie de nos concitoyens.

Un idéal que, une fois adulte, une fois élu, il n’a eu de cesse de rendre concret, qu’il s’agisse de l’égalité des chances et du combat pour la méritocratie, qu’il s’agisse de désenclaver son territoire en militant, par exemple, pour améliorer la desserte du RER C, qu’il s’agisse de faire revivre un territoire au travers du projet d’aménagement de la base aérienne 217, qu’il s’agisse de promouvoir la laïcité, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, partout et en tout temps, et d’ériger des remparts face aux poisons qui lézardent la République, le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de communautarisme, ou qu’il s’agisse de défendre les populations kurdes, car, selon lui, pour reprendre les mots de Stepan dans Les Justes, « la liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur la terre ».

La vision qu’avait l’Olivier Léonhardt pour le Val d’Orge et pour notre pays se traduisait systématiquement en actes. D’une certaine manière, il avait fait sienne la maxime de Bergson : « Agir en homme de pensée et penser en homme d’action ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, Olivier Léonhardt a rejoint les travées de votre assemblée en 2017. Cette nouvelle écharpe, celle de sénateur de l’Essonne, n’a nullement émoussé l’intensité de ses engagements. Bien au contraire, membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puis, à partir de 2020, de celle des affaires sociales, il s’est notamment investi dans les travaux sur la loi d’orientation des mobilités, ainsi que dans l’accès à la santé pour toutes et tous. Changer la vie, encore et toujours…

Toujours à la proue du combat pour la défense de l’universalisme, vous l’aviez nommé, monsieur le président, pour représenter le Sénat à l’Observatoire de la laïcité.

Depuis dix ans, ces combats d’élu local et de parlementaire, que je viens sommairement de retracer, Olivier Léonhardt les a menés de front avec un combat, malheureusement plus intime, contre la maladie. Sur cette lutte, il avait jeté un voile de pudeur qui l’ennoblit d’une dignité supplémentaire.

Sa vie ne saurait être déliée de ses engagements humanistes. Au travers de ces mille et un combats, Olivier Léonhardt n’a cessé d’offrir une voix et un visage à ceux qui en étaient privés. Il n’a cessé de choisir le camp des plus fragiles, des opprimés, des invisibles.

Homme de gauche, sans pour autant s’enfermer dans les viles querelles politiciennes, il n’a cessé de s’opposer aux malheurs du monde, parce qu’il ne supportait ni les inégalités ni l’injustice et parce qu’il conspuait l’intolérance. En d’autres termes, il a voulu se mettre « au service non de ceux qui font l’histoire, mais de ceux qui la subissent », pour reprendre les mots prononcés à Stockholm par Albert Camus.

Mille et un combats, avec en sous-titre une sorte d’épée de Damoclès qui, chez lui, surplombait tout : les êtres humains ne sont jugés que sur leurs actes.

Pour finir, permettez-moi d’avoir un mot pour son épouse Nathalie, pour ses trois filles, Lucie, Laura et Ariane, et pour ses amis. Mesdames, messieurs, sachez que votre mari, votre père ou votre ami laisse ici une trace indélébile et qu’il gardera une place toute particulière dans la mémoire de la République.

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