Intervention de Olivier Becht

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Accord entre la france et le qatar relatif au statut de leurs forces — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Olivier Becht :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux et fier de vous présenter aujourd’hui le projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces, signé à Doha le 24 novembre 2019.

Le Qatar constitue aujourd’hui pour la France un partenaire stratégique, avec lequel elle a su nouer des partenariats, dans le domaine économique et culturel aussi bien qu’en matière de défense.

La coopération militaire entre la France et le Qatar prend la forme d’activités de formation au profit des forces qatariennes et d’exercices conjoints, dont certains sont assurés par nos forces stationnées aux Émirats arabes unis. Une vingtaine de militaires français sont par ailleurs déployés sur la base américaine d’Al-Udeid dans le cadre de la lutte de la coalition internationale contre Daech.

La coopération dans le domaine de l’armement est également significative, le Qatar étant l’un des principaux importateurs d’armement français.

En 2019, la France a pris l’engagement, en réponse à la demande des autorités qatariennes, d’accompagner ce pays dans l’organisation de la Coupe du monde de football de 2022, afin d’en garantir la sécurité. La France déploiera des personnels et du matériel lors de cet événement et apportera son soutien au Qatar dans le domaine de la sûreté aérienne et de la lutte anti-drones.

Afin de sécuriser juridiquement le déploiement de nos militaires appelés à se rendre au Qatar, l’approbation du présent accord est indispensable. En effet, en l’absence d’accord relatif au statut des forces, le personnel français déployé sur le territoire qatarien serait intégralement soumis au droit local, sans bénéficier d’un statut de protection approprié.

Après plusieurs années de travaux et d’échanges avec le partenaire qatarien, il s’agit du premier accord relatif au statut des forces qui contient une clause de partage de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles et qui est signé avec un État du Golfe. Il offre ainsi un cadre juridique protecteur à nos militaires.

Rédigé sur la base de la réciprocité et s’inspirant des clauses classiques figurant dans les accords de statut des forces signés par la France, le texte aujourd’hui soumis à votre examen détermine le statut juridique et les conditions du séjour des personnels français déployés au Qatar et des personnels qatariens déployés en France dans le cadre d’activités de coopération en matière de défense.

Les membres du personnel, ainsi que les personnes à leur charge, sont tenus au respect de la législation de la partie d’accueil. Ils sont autorisés à pénétrer sur le territoire de la partie d’accueil et à quitter celui-ci, sous réserve de détenir un passeport et un visa et moyennant la communication préalable de leur identité aux autorités de la partie d’accueil.

En matière de dépenses, la partie d’envoi paye les frais occasionnés par ses activités dans l’État d’accueil. En cas de nécessité ou d’urgence, les actes médicaux, de même que les évacuations, sont effectués à titre gratuit.

En matière fiscale, la domiciliation des membres du personnel et des membres de leur famille dont ils ont la charge est maintenue dans l’État d’envoi. En outre, la partie d’envoi peut importer et réexporter, en franchise de droits de douane et taxes, les matériels destinés à l’usage exclusif de ses forces sur le territoire de la partie d’accueil.

En matière pénale, l’accord prévoit un partage de juridiction. Les infractions commises par un membre du personnel de la partie d’envoi ou par une personne à sa charge relèvent en principe de la compétence des juridictions de la partie d’accueil.

Cette compétence est toutefois dévolue prioritairement aux autorités compétentes de la partie d’envoi lorsque l’infraction a été accomplie dans le cadre du service, ou lorsqu’il a été porté atteinte aux biens ou à la sécurité de la seule partie d’envoi ou du personnel de celle-ci.

En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d’accueil, la personne concernée bénéficie des garanties du droit à un procès équitable, en particulier du droit à être jugée dans un délai raisonnable, à être représentée ou assistée, à bénéficier d’un interprète, à communiquer avec un représentant de son ambassade, à être informée des accusations portées contre elle et à ne pas se voir appliquer la loi pénale de manière rétroactive. Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l’État d’accueil, l’accord prévoit que ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l’État d’envoi.

Si, dans un État, une infraction est punie de la peine de mort ou d’une peine contraire aux engagements résultant des conventions internationales auxquelles adhère l’autre État, ce dernier ne remettra au premier État une personne faisant l’objet de poursuites que contre l’assurance que ces peines ne seront ni requises ni prononcées ou, si elles sont prononcées, qu’elles ne seront pas exécutées.

La peine de mort étant toujours en vigueur au Qatar, la France a inséré dans l’accord cette clause de juridiction, conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, résultant notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il était essentiel pour la France que l’accord écarte toute possibilité d’application de la peine de mort ou d’un traitement inhumain ou dégradant, aussi bien pour un Français ayant commis une infraction au Qatar que pour un Qatarien ayant commis une infraction en France et dont le Qatar demanderait la remise. Les garanties que la France a obtenues dans cet accord sont absolument explicites sur ce point fondamental.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.

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