Intervention de Sylvie Goy-Chavent

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Accord entre la france et le qatar relatif au statut de leurs forces — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Sylvie Goy-ChaventSylvie Goy-Chavent :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de revenir sur les principales stipulations de cet accord, je dirai quelques mots sur les relations qu’entretient la France avec le Qatar, afin de mieux appréhender l’intérêt de ce texte et le contexte dans lequel il s’inscrit.

Le Qatar est un allié stratégique de la France, dans un contexte de fortes tensions au Proche et au Moyen-Orient. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Levant, le pays accueille 24 personnels de notre armée de l’air et de l’espace engagés dans l’opération Chammal et déployés sur la base militaire américaine d’Al-Udeid.

Par ailleurs, au Sahel, le Qatar a fourni un appui capacitaire à la force conjointe du G5 Sahel en livrant une cinquantaine de véhicules blindés au Mali et au Burkina Faso.

Le partenariat franco-qatarien s’exprime aussi dans le domaine industriel de défense. D’après le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, le Qatar était le premier client de la France pour la période 2015-2020, avec près de 18 % des commandes d’armes françaises.

Ces dernières années, le pays a notamment signé deux contrats pour l’acquisition de 36 Rafale au total, qui, pour l’essentiel, ont déjà été livrés.

Compte tenu de ces grands contrats d’armement, notre coopération militaire prend également la forme d’activités de formation au bénéfice des forces armées qatariennes.

Ainsi, ces dernières années, quelque 230 Qatariens ont été formés au pilotage du Rafale sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, et 40 personnes environ ont suivi des études dans nos écoles militaires. Enfin, lors de la crise afghane d’août 2021, le Qatar a appuyé la France dans l’opération Apagan d’évacuation de ressortissants français et afghans – ces derniers étaient pour la plupart d’anciens auxiliaires de l’armée française, menacés en raison de leur engagement aux côtés de notre pays.

J’en viens à présent au contenu de l’accord.

Son objet est de renforcer le cadre juridique de notre coopération militaire avec le Qatar, en définissant les principes de sa mise en œuvre. L’absence d’un tel accord constitue aujourd’hui un réel frein à l’approfondissement de nos relations bilatérales en ce domaine ; à titre d’exemple, le plan annuel de coopération franco-qatarien comprend une centaine d’actions, mais moins de la moitié d’entre elles a pu être mise en œuvre, faute d’instrument juridique couvrant l’intégralité des champs de la coopération.

Les dispositions de ces accords s’appliqueront tant aux personnels militaires qu’aux personnels civils, par exemple les agents de la direction générale de l’armement appelés à se déplacer dans le cadre des contrats d’armement.

Le texte soumis à notre examen est de facture tout à fait classique. Il régit notamment les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire de l’autre partie, le port de l’uniforme et des insignes militaires, ainsi que la détention, le port et l’utilisation des armes de dotation par les militaires de chaque partie. En outre, les parties reconnaissent, sur leur territoire, la validité des permis de conduire pour les véhicules et engins militaires de l’autre partie.

Enfin, il est important de souligner que cet accord est conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles ; il s’agissait d’une condition sine qua non à sa signature, puisque le Qatar continue d’appliquer la peine capitale. En effet, en 2020, un ressortissant népalais a été exécuté à la suite de sa condamnation à mort pour meurtre, ce qui a mis fin au moratoire observé dans le pays depuis 2003.

L’article 11 de l’accord franco-qatarien protège ainsi les membres du personnel et les personnes à charge des deux États contre la peine capitale et les traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces peines ne seront ni requises ni prononcées. Si toutefois elles étaient prononcées, elles ne seraient pas exécutées.

Il convient de souligner à cet égard que les termes de cet accord protègent à la fois les personnels français et les personnes à leur charge, mais également les personnels qatariens soumis à la juridiction française et pouvant faire l’objet d’une mesure d’extradition ou d’expulsion.

Cet accord répond donc aux intérêts de la France en ce qu’il renforce le cadre juridique de notre partenariat, noué dans une région stratégique pour notre défense et notre sécurité. Il vise à définir le statut juridique des personnels civils et militaires du ministère des armées lorsque ceux-ci sont amenés à se rendre au Qatar pour une opération extérieure ou une activité de coopération.

L’adoption d’un tel texte n’est évidemment pas un blanc-seing donné au Gouvernement ou à l’État du Qatar. Ce partenariat peut susciter des interrogations légitimes, s’agissant notamment du respect des droits de l’homme dans ce pays. Mais le but de cet accord est précisément de protéger les ressortissants français qui se rendent dans l’émirat pour mettre en œuvre cette coopération.

D’ailleurs, mes chers collègues, soyons pragmatiques : quelle que soit l’issue du vote, la coopération franco-qatarienne continuera d’exister, et même de se renforcer. En effet, le Sénat se prononce aujourd’hui non pas sur la nature des liens tissés entre la France et le Qatar dans le domaine de la défense, mais sur l’accord relatif au statut de nos forces.

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