Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Accord entre la france et le qatar relatif au statut de leurs forces — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous est demandé d’approuver le projet de loi autorisant l’accord entre la France et le Qatar relatif au statut de leurs forces armées.

Dans cet accord figurent un certain nombre de clauses visant notamment à sécuriser juridiquement les ressortissants français sur place, face, en particulier, à la peine de mort ou à des traitements inhumains et dégradants, mesures toujours appliquées par la justice féodale qatarie.

C’est dire d’emblée la haute estime dans laquelle nous tenons la justice de ce pays que de devoir adopter un tel statut. Mais cela n’empêche pas certains d’entre nous de continuer à qualifier le Qatar de « partenaire stratégique ».

Comme l’avaient souligné nos collègues députés communistes à l’Assemblée nationale, cet accord n’est pas un simple texte technique. Il s’inscrit de fait dans une collaboration étroite entre les forces armées françaises et qataries, dans la continuité de notre alliance avec ce pays. Ainsi, ces dernières années, pour ne citer qu’un exemple, quelque 230 Qataris ont été formés sur l’avion Rafale sur la base aérienne de Mont-de-Marsan.

La relation de la République française au Qatar doit pour le moins nous interroger. Au Qatar, même si quelques mesurettes ont été prises récemment sur les questions sociales, la situation reste proprement catastrophique et inhumaine du point de vue du respect des droits, en particulier pour les femmes et pour les millions de travailleurs étrangers, qui représentent, pour rappel, 80 % de la population de ce pays.

Si la situation des travailleurs étrangers s’améliore quelque peu, notamment grâce à l’autorisation de changer d’emploi, ces derniers sont soumis à des conditions qualifiées par toutes les associations de défense des droits humains de « travail forcé ». Dans l’écrasante majorité des cas, ils sont payés au lance-pierre, sur la base de contrats que l’employeur ne respecte pas, quand ils existent, dans un pays quasiment dépourvu de tout droit du travail et où les syndicats et les partis sont de fait interdits.

Cette situation a été révélée au grand jour à l’occasion des chantiers de la prochaine Coupe du monde de football. Alors que l’on parle de plusieurs milliers de morts, personne désormais ne peut faire comme s’il n’était pas au courant.

Par ailleurs, ce texte s’insère dans une coopération militaire qui tend à se développer et qui se traduit par d’importantes exportations de matériels militaires français vers le Qatar.

Cela a été rappelé en commission : « D’après le dernier rapport au Parlement sur le sujet, le Qatar était le troisième client de la France pour la période 2016-2020, avec 18 % des commandes d’armes françaises. Ces dernières années, le pays a notamment signé deux contrats pour l’acquisition de 36 Rafale. »

Or cette relation militaire, comme celles que nous entretenons avec les autres pétromonarchies du Golfe, pose de graves problèmes. Ces pays, qui vivent de rentes pétrolières sans avenir et méprisent les droits humains, peuvent-ils être réellement des alliés stratégiques stables pour la France, d’autant qu’ils usent tous, à commencer par le Qatar, de relations troubles dans les zones de guerre et avec les forces djihadistes ?

À ce sujet, permettez-moi de rappeler que Doha a accueilli pendant des années, pendant la guerre en Afghanistan, la représentation politique des talibans.

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