Intervention de Sylvie Retailleau

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 juillet 2022 à 16h30
Audition de Mme Sylvie Retailleau ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Sylvie Retailleau, ministre :

– Je suis honorée et heureuse d’échanger avec vous aujourd’hui.

Je ne vous rappellerai pas le contexte politique, économique et géopolitique particulier dans lequel nous nous trouvons, qui influe sur l’ensemble des secteurs de notre société. Je porte des ambitions au cœur desquelles sont l’étudiant et sa formation, ainsi que la recherche. Le front des sciences doit être développé parce qu’il est particulièrement nécessaire pour faire face aux défis de notre jeunesse, mais aussi pour répondre aux enjeux économiques, sociaux et sociétaux.

Le premier axe de ma stratégie est de placer l’enseignement supérieur au cœur de la formation de citoyens éclairés, à même de prendre toute leur part dans le monde de demain et de continuer à se former tout au long de leur vie, car les métiers et les carrières évoluent. Pour cela, il faut améliorer l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur, qui participe au renforcement du pacte républicain. C’est un levier pour préparer l’avenir de nos étudiants et du pays.

La France doit aussi prendre le plus grand soin de ses étudiantes et ses étudiants, avec un environnement propice aux études et à l’épanouissement professionnel. C’est pourquoi la vie étudiante est désormais une ligne à part entière dans le décret d’attribution des compétences de mon ministère.

Notre action doit continuer d’intégrer la transition écologique et énergétique comme un élément saillant dans la formation des étudiants, mais aussi dans la recherche, et dans les pratiques de nos établissements et de celles du monde académique.

Le premier cycle est une priorité, avec une attention particulière donnée à l’orientation, par la poursuite d’études directes ou l’insertion dans le monde professionnel, mais aussi par le droit à la reprise des études. La formation tout au long de la vie doit également être renforcée dans nos établissements.

J’entends par ailleurs travailler étroitement avec les autres ministères, particulièrement celui de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, dans une vision globale de l’enseignement post-bac.

Il s’agit également, pour faire réussir les étudiants, d’amplifier la politique sociale du ministère, afin de répondre rapidement aux conséquences de la guerre en Ukraine, notamment sur le pouvoir d’achat – certaines mesures conjoncturelles sont déjà prises –, mais aussi de réfléchir à plus long terme pour améliorer structurellement les conditions de vie des étudiants et lutter contre leur précarité. Cela passe par les bourses, mais également par la santé étudiante, dans tous ses aspects. Le bien-être suppose aussi l’accès au sport, le Pass’Sport y contribue.

Nous travaillons aussi avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et les universités, sur le logement et sur la restauration pour toutes et tous.

Mon second axe est de repositionner le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) comme le lieu d’élaboration de la politique de la recherche et du pilotage de ses acteurs. À ces fins, il faut renforcer l’autonomie de nos établissements, concept à définir, mais qui comprend la responsabilisation et la confiance envers les équipes de terrain. Pour cela, nous mettrons en place des contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec l’ensemble des établissements, avec une visibilité pluriannuelle, une évaluation a posteriori et un accompagnement annuel au niveau du dialogue stratégique de gestion.

La simplification de la mise en œuvre de la LPR au sein des établissements est aussi un enjeu. Je vous remercie, Laure Darcos et Stéphane Piednoir, d’en avoir dressé un premier bilan, dont je partage globalement les conclusions.

Il faut aussi renforcer la position des opérateurs de recherche, organismes nationaux et établissements, et les articuler. Je veux mettre en place les conditions durables d’une recherche guidée par la curiosité et par le front des sciences, mais aussi centrée sur les grands enjeux de société et respectueuse de la diversité des champs de recherche. Il faut, pour cela, un équilibre entre les financements pluriannuels directs et les financements sur appels à projets, pour respecter le temps long nécessaire, mais aussi favoriser une recherche qui n’a pas peur des risques et à même d’aboutir à des innovations de rupture. Cela doit aller de pair avec la simplification des financements, de l’orientation et de l’évaluation.

La LPR doit aussi contribuer à renforcer le rôle d’acteur du monde socio-économique des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Enfin, il est crucial que le triptyque formation-recherche-innovation existe à tous les niveaux de formation et à l’échelle européenne. Je veux accompagner les universités dans leurs politiques d’alliances européennes et dans ces trois dimensions. Nous avons plus que jamais la responsabilité de diffuser nos valeurs communes ; le conflit aux portes de l’Union européenne nous le rappelle tous les jours.

Ces deux axes sont complétés par des axes transversaux, dont le premier est le développement soutenable, tout d’abord dans le domaine de la formation : nous formulerons des propositions concrètes à l’autonome dans la ligne du rapport de Jean Jouzel. Ce sera aussi le cas dans le domaine de la recherche, dont la nécessité est mise en évidence, par exemple, dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et du Consortium pour la biodiversité. J’ai présenté lundi les lauréats de la deuxième vague des programmes exploratoires de recherche : beaucoup d’entre eux travaillaient sur des sujets liés au climat, à l’écologie et à la biodiversité.

Le second axe transversal est le lien entre les sciences et la société, crucial au regard des fausses informations et de l’impact de la science et des scientifiques sur les politiques publiques.

Ma réflexion s’alimentera des vôtres : je suis en train de prendre connaissance de vos nombreux rapports et de ceux de l’Assemblée nationale. Ma porte est grande ouverte et je veux prendre le temps d’évaluer l’impact des décisions que nous prendrons ensemble et de leur mise en œuvre, sans faire l’économie d’une réflexion préalable.

Mme Laure Darcos. – Je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Issue du département de l’Essonne, je suis ravie de vous avoir face à nous et j’espère que nos collègues apprécieront votre franc-parler.

Notre rapport de contrôle sur la première année et demie de mise en œuvre de la LPR se veut un état des lieux le plus exhaustif et objectif possible, qui puisse servir de base de travail en vue de la clause de revoyure en 2023.

Je voudrais revenir plus précisément sur le financement : l’actualisation de la trajectoire à mi-parcours doit, selon nous, être l’occasion d’aborder enfin le dossier du glissement vieillesse technicité (GVT), qui a été mis sous le tapis, pour ainsi dire, sous le précédent quinquennat. C’est un sujet de préoccupation majeur pour les responsables d’organismes de recherche. Serait-il envisageable de le traiter dans le cadre d’une généralisation des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclus entre l’État et ses opérateurs de recherche ? Par ailleurs, à combien chiffrez-vous l’impact du dégel du point d’indice des fonctionnaires sur le GVT des établissements de recherche ?

Ensuite, sur le volet ressources humaines, des voix s’élèvent pour dénoncer des lourdeurs dans la mise en œuvre de certains dispositifs, à l’encontre de l’objectif de simplification que vous avez souligné. Partagez-vous ce constat ? Comment comptez-vous y répondre ?

Concernant la trajectoire d’emplois de la LPR, nous constatons une réalisation pour 2021 inférieure aux prévisions et l’absence de mise en œuvre formelle des plans pluriannuels de recrutement pourtant prévus par la loi : comment l’expliquez-vous ?

S’agissant des chaires de professeur junior (CPJ), certains représentants d’établissements plaident pour une notification pluriannuelle et un assouplissement du calendrier de procédure : y êtes-vous favorable ? Pouvez-vous nous donner la garantie que toute création de CPJ s’accompagnera d’au moins une promotion de maître de conférences ou de chargé de recherches, comme cela était prévu ?

Enfin, au cours de nos travaux, tous nos interlocuteurs ont soulevé le sujet de l’organisation du secteur de la recherche, que la LPR n’a, à tort, pas traité. Quelles clarifications nécessiteraient, selon vous, d’être apportées ? Comment envisagez-vous, à l’avenir, la place et la gestion des unités mixtes de recherche (UMR) ?

J’ai une question subsidiaire en lien avec le rapport que j’ai rédigé avec Pierre Ouzoulias, dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur saisine de notre commission : il y a une tendance à appliquer le modèle « diamant » pour l’éditorialisation de tous les travaux de recherche, ce qui nous inquiète. Nous défendons tous les éditeurs privés. Or deux mastodontes cachent une forêt de petits éditeurs : nous souhaiterions, peut-être à une autre occasion, parler de ce sujet avec vous.

M. Stéphane Piednoir. – Je vous souhaite à mon tour la bienvenue.

Lors de son discours de politique générale, la Première ministre a indiqué que l’université était « au cœur de l’action gouvernementale » : qu’y a-t-il concrètement derrière cette déclaration d’intention ? Est-ce la voie vers une loi de programmation de l’enseignement supérieur, que vous aviez appelée de vos vœux dans d’anciennes fonctions ?

Vous l’avez dit vous-même, la question des moyens est le nerf de la guerre : de quelle marge de manœuvre budgétaire disposez-vous alors que les efforts sont concentrés sur la mise en œuvre de la LPR ?

Avez-vous mesuré l’impact sur le budget des universités – déjà fortement contraint par la masse salariale, le GVT évoqué par Laure Darcos étant aussi un sujet pour les universités -, d’une part, de l’augmentation de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires, d’autre part, du coût de l’énergie, avec un surcoût de l’ordre de 100 millions d’euros pour nos universités ?

S’agissant de la méthode, vous vous montrez favorable à des COMP entre l’État et ses opérateurs : ce type de contractualisation s’appliquerait-il à toutes les universités ou seulement à celles qui le souhaitent ?

En matière de gouvernance, comment envisagez-vous la conciliation entre le renforcement de l’autonomie des établissements et le nécessaire pilotage national par le MESR ? Nous avons constaté des dysfonctionnements en la matière, je pense évidemment à la réforme des études de santé.

Comme notre président l’a mentionné, une réforme structurelle des bourses sur critères sociaux est impérative. La revalorisation de 4 % de leurs montants, prévue par le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, ne réglera pas les problèmes de fond. Quand et comment comptez-vous ouvrir ce chantier ?

Concernant la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui a fait l’objet d’une utilisation exceptionnelle pendant la crise, quelles sont vos intentions ? Êtes-vous favorable à son fléchage plus marqué vers le sanitaire et le social ? Comment garantir, pour les étudiants qui s’en acquittent, un réel retour sur investissement, près de 100 euros désormais ?

Sur Parcoursup, vous avez rétabli, par décret une hiérarchisation des vœux à la fin de la phase d’admission principale, dans le but de « réduire le délai d’attente des candidats », mesure qui s’applique dès cette année. Est-ce un premier pas vers le retour à une hiérarchisation globale dans le système, que certains d’entre nous appellent de leurs vœux ?

Quel regard portez-vous sur la dévolution en matière d’immobilier universitaire et sur les demandes qui se font jour sur l’entretien de l’immobilier ?

Structurellement, la complémentarité entre les classes préparatoires et les universités est régulièrement interrogée. Quelle est votre position ?

Enfin, quel message adressez-vous aux universités n’appliquant pas les droits différenciés dans le cadre du plan « Bienvenue en France » ?

– Sur la LPR, vous recevrez un premier bilan à l’été et un autre plus complet avant la fin de l’année, même si un retard dans la publication des textes réglementaires par rapport au calendrier initial fait que le recul est moins grand que ce qu’on aurait pu espérer. À partir de là, nous pourrons discuter de la clause de revoyure et de l’accélération de la LPR, en particulier des mesures liées au pouvoir d’achat et à la reconnaissance des chercheurs, compte tenu des contraintes actuelles que nous connaissons tous.

Le GVT ne relève pas, selon moi, de la LPR : celle-ci est une ligne rouge à préserver à tout prix. Le coût du GVT est compris entre 80 et 90 millions d’euros pour le secteur dans son ensemble, dont 60 millions d’euros pour les universités. Il faut analyser son impact année par année : parle-t-on d’un montant fixe de 80 millions d’euros par an à débloquer, ou d’augmenter chaque année le financement de 80 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent ? Nous vous proposerons une analyse.

Sur les ressources humaines, j’ai quitté une certaine casquette au moment de l’instauration de la prime individuelle (C3) du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec) et du repyramidage. Je partage avec vous le constat d’une certaine lourdeur. Pierre Mutzenhardt a été nommé dans mon cabinet avec pour mission la simplification de la mise en œuvre de la LPR et le suivi des réformes, notamment les questions de la C3 et du repyramidage. Hier, j’ai rencontré sur le sujet de la simplification la commission permanente du Conseil national des universités (CP-CNU). Nous vous soumettrons des propositions concrètes, même non-législatives, dès l’automne, avec en vue une entrée en vigueur au printemps 2023. Le retour d’expérience est utile : nous n’aurions pas eu le même recul il y a un an.

Aujourd’hui, pour 300 chaires de professeur junior créées, 400 repyramidages ont lieu. Nous veillerons à maintenir ce flux et cet équilibre.

Sur le plan pluriannuel d’emplois, certaines choses ne sont pas dans la LPR et je ne peux pas m’engager, car je n’ai pas encore assez d’informations sur le sujet. Je reviendrai vers vous prochainement ; des éléments seront présents dans le rapport qui vous sera remis la semaine prochaine. Ce rapport sera complété par d’autres éléments à l’automne, je m’y engage.

Sur l’organisation du secteur de la recherche, il s’agit de donner un rôle clair et articulé à chacun, avec des politiques fortes d’université. J’ai rencontré tous les présidents d’organisme, France Universités ainsi que Udice à ce sujet. Nous voulons franchir le Rubicon : un rôle clair des organismes nationaux comme porteurs de programmes nationaux, et des universités fortes et implantées au niveau local, le tout en articulation au sein des UMR, souvent présentes sur le site des établissements.

En revanche, nous travaillerons sur la gestion financière des UMR en simplifiant les procédures pour les chercheurs, en regardant les règles de marchés publics, en ayant une vision consolidée des emplois et des financements – qu’il s’agisse des ressources propres ou des subventions -,vision que personne n’a aujourd’hui.

Je conçois l’autonomie des universités comme leur responsabilisation sur la stratégie qu’elles adoptent et qu’elles mettent en œuvre. Quant au ministère, il doit conserver une vision et un pilotage global du maillage des universités, qui ont un rôle de proximité sur les territoires et représentent des « niches »fortes en matière de recherche. Le ministère a aussi une mission d’articulation avec l’Europe.

La réforme des bourses est au cœur d’une prochaine étude. Cette réforme comprend un volet conjoncturel pour répondre à l’urgence, dès la prochaine rentrée universitaire ; nous commencerons les concertations dès la mi-septembre sur toutes les problématiques qui y sont liées : effets de seuils, impact de la linéarisation, révision des montants et assiettes de référence, etc. Nous ferons cela en concertation, notamment avec les représentants des étudiants.

Sa mise en œuvre ne sera pas simple, mais nous voulons que ses premiers effets soient ressentis dès la rentrée 2023, avec une finalisation ultérieure. Nous reviendrons vers vous avec un calendrier de la réforme. De même, nous agirons avec une méthode similaire sur le sujet de la santé étudiante.

Concernant la CVEC, nous avons en effet passé un certain temps avec un niveau exceptionnel d’utilisation, crise sanitaire oblige. Elle est assez encadrée aujourd’hui par rapport à son fléchage. Chaque étudiant a des besoins différents, et tout un panel d’actions peut être financé. Il y a une commission interne à chaque établissement : faisons-lui confiance. Nous devrons toutefois faire un vrai bilan de l’utilisation de cette CVEC, exception faite des deux années écoulées.

Sur Parcoursup, la hiérarchisation a pour seul but de fluidifier, pour une réponse aux étudiants dès la fin juillet plutôt qu’à la fin août. Nous n’allons pas vers une hiérarchisation dès le début, pour garder le principe de choix laissé à l’étudiant jusqu’au bout, contrairement à ce qui était le cas à l’époque du système admission post-bac (APB), où l’on décidait de tous les vœux dès février, avec les frustrations que cela entraînait. Ces quelques mois de plus avant la hiérarchisation, avec un meilleur accompagnement, sont une bonne chose.

Une troisième vague de dévolution immobilière est en cours : les établissements volontaires sont déjà connus. Notre patrimoine est le deuxième ou le troisième de l’État, avec 18 millions de mètres carrés bâtis. C’est considérable, à la fois pour l’autonomie des universités et pour la transition écologique. Nous travaillerons à cette dernière avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et celui de la transition énergétique, avec pour objectif une augmentation de la rénovation, notamment par le biais de contrat de plan État-région (CPER). Dans les COM, je souhaite encourager les plans d’investissements sur les bâtiments à partir des fonds de roulement.

S’agissant de la complémentarité entre les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les universités, avec Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons travailler sur la formation post-bac. Cette articulation globale concerne aussi, au-delà des CPGE, les BTS. Énormément d’étudiants partent après le bac dans des établissements comme l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), celle de Zurich (ETHZ), ou encore à Londres, alors que les étudiants étrangers ne font pas forcément le chemin inverse… Quand ces échanges vont dans les deux sens, c’est une richesse ; quand ils sont à sens unique, cela devient un problème. Il faut regarder l’articulation de l’ensemble des formations post-bac dans cette optique, que ce soit dans le cadre de la poursuite d’études, de formations professionnalisantes ou du droit à la reprise d’études avec la formation tout au long de la vie.

Je ne passerai pas de message sur les droits différenciés, mais nous travaillons à un bilan. Je rappelle que le plan « Bienvenue en France » a d’abord pour objectif de réserver un meilleur accueil aux étudiants étrangers qui ne viennent pas d’Europe : nous avons des progrès à faire et les établissements doivent être accompagnés pour cela. Un bilan est là encore nécessaire, alors qu’une centaine d’établissements les ont exonérés des droits d’inscription. Vous savez que trois solutions existent : exonération par l’établissement des droits d’inscription à hauteur de 10 % du nombre d’étudiants, convention avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) ou convention bilatérale avec des établissements étrangers.

Ensuite, sur les COM, nous visons à terme tous les établissements, mais la mise en œuvre sera progressive en partant bien sûr du volontariat. L’idée est celle d’une visibilité pluriannuelle sur les moyens. Nous sommes en phase de concertation et de définition de ce qu’est un COM, ce qui sera fait à l’automne. Sur les moyens, nous nous battrons pour en trouver et nous fixerons nos priorités, notamment la vie étudiante, les bourses, les COM et l’équilibre entre les financements pluriannuels et les appels à projets.

L’impact des 3,5 % de hausse du point d’indice est estimé à 530 millions d’euros, dont 370 millions pour les universités et 160 millions pour les autres organismes, parmi lesquels les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) à hauteur de 40 millions d’euros. Je parle d’un coût annuel, auquel il faut ajouter 80 millions d’euros pour le GVT : c’est loin d’être négligeable.

Sur l’énergie et son coût, la problématique est différente dans la mesure où ce pic ne sera pas éternel. Nous allons accompagner les établissements. Nous évaluons son coût entre 60 et 80 millions d’euros pour les universités et 40 millions d’euros pour les organismes nationaux de recherche, soit quelque 120 millions d’euros en tout. Ce n’est qu’une approximation, faute d’un recul suffisant pour quantifier ces montants.

Je distingue le coût ordinaire subi par les établissements, qui bénéficie des boucliers et autres dispositifs, et les coûts spécifiques liés à la forte consommation énergétique de certains équipements de recherche. Les enveloppes de fin de gestion de cette année, une fois que la visibilité sera meilleure sur les coûts réels, permettront de fournir des aides sur ces surcoûts. Les établissements pourront aussi en assumer une partie en puisant par exemple dans leurs fonds de roulement.

Enfin, que met-on vraiment dans une loi de programmation sur l’enseignement supérieur ? Du législatif, une programmation, une fixation de priorités ? Outre la vie étudiante, le premier cycle et le développement durable, dont je vous ai parlé, il y a aussi des formations nouvelles, sur l’écologie et d’autres thématiques. Nous allons voir comment les financer. Faut-il une loi ? Ce n’est pas certain, même si une programmation pluriannuelle sera certainement nécessaire. Celle-ci entrera-t-elle dans les COM ou l’élargira-t-on avec la LPR ? Nous allons l’étudier. Dans tous les cas, nous aurons bien une vision pluriannuelle sur ces sujets.

Mme Sylvie Robert. – Je vous remercie pour vos premières réponses.

Je souhaite vous interroger sur Parcoursup, après la question d’actualité au Gouvernement posée tout à l’heure par Nicole Duranton, à laquelle vous avez répondu. Dans cette commission, nous avons beaucoup parlé des algorithmes locaux et de leur transparence. Votre prédécesseuse nous accusait à tort de vouloir lever le secret des délibérations. Il faut faire évoluer Parcoursup, qui est certes un outil, mais aussi un révélateur des choix des humains qui le conçoivent. En effet, les filières en tension sont les premières concernées par la pénurie de places et de budgets. Or, quand on organise la pénurie, cela entraîne nécessairement des conséquences difficiles.

Cette situation génère anxiété et inquiétude, même chez les enseignants, que vous avez salués à juste titre tout à l’heure dans l’hémicycle. Il manque quelque chose depuis la réforme du lycée en matière d’adéquation des options. Deux jeunes avec le même dossier mais des options différentes n’obtiennent pas les mêmes formations ; on ne sait cependant pas clairement pourquoi. Certaines formations demandent des matières particulières, sans qu’on le sache. Ouvrirez-vous donc, même partiellement, la boîte noire que sont ces algorithmes locaux ?

Ensuite, sur la temporalité, vous avez dit à Stéphane Piednoir que la hiérarchisation des vœux avait pour seul objet d’accélérer les réponses. Vous avez raison : à 17 ans, on ne sait pas vraiment ce que l’on veut. Toutefois, ne pourrait-on pas améliorer l’accompagnement et séquencer la temporalité, avec une orientation du jeune en amont pour qu’il fixe certains de ses choix ? Ce n’est pas avec les 54 heures mises à disposition des enseignants, citées par Jean-Michel Blanquer, que nous y sommes arrivés !

Enfin, pour rendre ces algorithmes locaux plus transparents, il faut en étudier les impacts. Avez-vous l’intention de mener une évaluation objectivée ?

Je termine sur deux questions : votre prédécesseuse avait évoqué 3 000 à 4 000 places supplémentaires de master créées dans les filières en tension. Alors que le droit à la poursuite d’études n’est pas toujours effectif, que ferez-vous ?

Enfin, aurez-vous un plan stratégique interministériel pour la rénovation énergétique et écologique des bâtiments universitaires ?

M. Pierre Ouzoulias. – C’est avec grand plaisir que je vous ai entendu employer certaines formules, notamment celles de « nation apprenante » et d’« université au cœur de la formation de l’esprit critique ». C’est bien le cœur de notre modèle républicain, et c’est pourquoi nos universités auront toujours du mal à remplir les critères du classement de Shanghai, définis par le parti communiste chinois…

Vous connaissez comme nous l’état des universités. Les conseils d’administration de plusieurs d’entre elles ont adopté des budgets rectificatifs en déficit. Ce milieu est très légaliste et tient à l’autonomie des universités ; un budget déficitaire, qui peut conduire à la mise sous tutelle de l’établissement, est un cri d’alarme qu’il faut entendre. Le dégel du point d’indice va peser très lourd sur ces budgets. L’université Paris-Nanterre, par exemple, sort très affaiblie par une occupation qui a trop duré et qui a mis à très rude épreuve les enseignants et le personnel administratif. Ils ont défendu notre modèle de service public et ne pourront plus autant donner de leur personne sans jamais recevoir.

La précarité étudiante n’a pas disparu avec l’atténuation de la pandémie, car la crise est structurelle. Laurent Lafon, dans son rapport sur les conditions de la vie étudiante, a mis en évidence la nécessité d’une approche pluriministérielle ; en matière de logement étudiant, il faut une politique de la ville et un accompagnement par les collectivités. La métropolisation a eu du bon, mais elle a aussi eu des conséquences très négatives pour l’enseignement supérieur. J’ai été heureux de vous entendre parler de maillage territorial ; notre mission d’information a bien montré l’importance de l’université comme outil d’aménagement du territoire.

Sur Parcoursup, on pourrait permettre une hiérarchisation des vœux tout en maintenant le choix du lycéen au terme où il est fixé maintenant. Ce n’est pas antinomique. L’intérêt de la hiérarchisation, pour l’administration, est d’avoir une appréciation qualitative du choix validé in fine par le lycéen. Aujourd’hui, on ne sait pas s’il aurait mis ce choix en haut ou en bas de son classement, s’il fait un choix par défaut ou un choix raisonné. J’ai demandé cinq ans durant les données de l’algorithme de Parcoursup au ministère : si je peux aujourd’hui les obtenir, mon bonheur sera absolu !

Mme Alexandra Borchio Fontimp. – J’ai interrogé M. le ministre de l’éducation nationale la semaine dernière sur le sort des lycéens en attente de proposition sur Parcoursup ; merci de nous avoir apporté quelques éléments de réponse. Je veux aborder avec vous la situation similaire des étudiants sans master : désespoir, frustration, déception et lassitude, voilà les émotions de centaines d’étudiants qui ont obtenu leur licence, mais ne savent toujours pas si leur vœu de master sera exaucé. Selon la plateforme étudiante « Vite mon master », plus de 1 000 places seront supprimées dans les 1 500 masters offerts. Votre prédécesseur m’avait pourtant affirmé l’année dernière que 4 000 places supplémentaires seraient créées dans les filières en tension que sont le droit, l’économie-gestion, ou encore la psychologie. Nos étudiants ont besoin d’être rassurés et soutenus. Parviendrez-vous à sortir de cette situation vraiment critique ?

M. Thomas Dossus. – Merci pour ce panorama assez exhaustif des chantiers qui vous attendent, mais je reste un peu sur ma faim en matière de transition écologique et de rénovation du patrimoine universitaire. Un très bon rapport de notre collègue Vanina Paoli-Gagin sur la gestion de l’immobilier universitaire nous appelait l’an dernier à un « sursaut indispensable pour un avenir soutenable ». Les besoins en financement sont évalués autour de 9 milliards d’euros au minimum : la moitié des 18 millions de mètres carrés du patrimoine universitaire est classée C ou pire en matière de performance énergétique. Un plan de rénovation est donc urgent au vu de l’augmentation des prix de l’énergie. Qu’en est-il ?

Je m’interroge aussi sur les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Des enquêtes ont mis en lumière de nombreux cas de telles violences dans plusieurs établissements, mais ils ne sont sûrement pas les seuls concernés. Une feuille de route est-elle prévue sur ces questions ?

M. Pierre-Antoine Levi. – J’ose espérer, à vous entendre, que votre attention pour le Sénat sera meilleure que ce que nous avons connu pendant la précédente mandature. Nous avons voulu être une force de propositions, mais n’avons pas été assez écoutés.

Ainsi, en matière de restauration universitaire, avec ma collègue députée Anne-Laure Blin, j’ai été à l’initiative d’une proposition de loi visant à créer un ticket-restaurant étudiant, adoptée par le Sénat en première lecture le 10 juin 2021. Plus de 500 000 étudiants n’ont pas accès à un restaurant universitaire, qu’ils soient dans des classes préparatoires, des BTS, ou de petits sites délocalisés. En outre, même les non-boursiers peuvent connaître des fins de mois difficiles. Après la pandémie, l’inflation crée aujourd’hui des situations catastrophiques. Ce ticket-restaurant viendrait pallier les zones blanches de la restauration étudiante. Apporter une solution pour tous prendra du temps. Allez-vous reprendre cette proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par le Sénat, avant d’être dénaturée par l’Assemblée nationale ? Par ailleurs, allez-vous remettre en place le repas à 1 euro ? Ces deux mesures sont complémentaires. Il y a urgence pour notre jeunesse ; je ne doute pas de votre pleine mobilisation pour le pouvoir d’achat des étudiants.

M. Bernard Fialaire. – Je suis particulièrement heureux de vous entendre ici, en tant qu’élu du Rhône, après votre annonce, le 12 juillet, de l’attribution de 28,1 millions d’euros au projet SHAPE-Med@Lyon. Comme Pierre Ouzoulias, je suis également très satisfait des orientations que vous venez de nous présenter ; je pense notamment à la formation de citoyens éclairés et à l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur.

En matière de vie étudiante, la CVEC était à l’origine plafonnée à 95 millions d’euros, puis a été réévaluée à 165 millions. Pouvez-vous nous assurer que les recettes de CVEC ne seront pas écrêtées ? Notre rapport d’information consacré à cette contribution avait mis en évidence le fait que les sommes en question étaient attribuées assez tardivement dans l’année. Les premiers acomptes seront-ils désormais suffisants pour engager des opérations ?

– Monsieur Fialaire, il n’est pas question de retenir quelque portion de la CVEC que ce soit. Une partie va aux Crous, une autre aux établissements, de manière définie a priori. Quant aux sommes qui auraient été attribuées tardivement, le problème est que seul un ordre de grandeur du nombre d’étudiants est connu en début d’année, qu’il faut ajuster en cours d’année. La CVEC est estimée dans le budget primitif des établissements, puis corrigée au vu des sommes réellement perçues.

Je profite de cette occasion pour réaffirmer l’importance du travail que je mène avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; nous travaillons main dans la main, nos discussions sur Parcoursup ont commencé. Une réflexion commune s’impose à la suite de la réforme du lycée.

Monsieur Levi, j’ai bien lu vos propositions et j’en discuterai avec vous volontiers. Le problème est que le coût du ticket-restaurant étudiant que vous proposez a été évalué entre 2 et 3 milliards d’euros, soit un budget similaire à celui qui est consacré aujourd’hui à l’ensemble de la vie universitaire dans le programme 231, ou encore à celui des bourses étudiantes. Pour autant, les zones blanches de la restauration universitaire sont un vrai problème qu’il nous faut affronter. Nous étudions la possibilité pour les Crous de conclure des conventions avec des cantines de lycées ou de la restauration privée, ce qui aurait un coût bien moindre qu’un ticket-restaurant.

Quant au ticket-repas à 1 euro, il est reconduit pour l’année 2022-2023 à destination des boursiers et de tous ceux qui s’adresseront aux Crous : cela fait partie des mesures d’urgence que nous avons annoncées, avec la revalorisation de 4 % des bourses. Tous les étudiants précaires ne sont pas boursiers : c’est pourquoi l’aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros sera également versée à tous les étudiants bénéficiaires d’une aide personnalisée au logement (APL). L’objectif est de couvrir d’autres étudiants que les boursiers, rapidement et efficacement.

Concernant Parcoursup, nous allons travailler avec le ministère de l’éducation nationale à une meilleure transparence des critères et des algorithmes. Dès l’année prochaine, les notes de l’épreuve de spécialité du bac, qui se tient en mars, pourront entrer dans le dossier, ce qui donnera à celui-ci une plus grande objectivité, ainsi qu’une meilleure homogénéité à l’échelle nationale. Nous travaillons également de concert à un meilleur accompagnement du futur étudiant, plus ou moins individualisé, pour l’informer sur les formations, leurs débouchés, ou encore la meilleure façon de parvenir à accomplir son projet, mais sans le surcharger d’informations ! Il n’y a pas de baguette magique, ce sera un travail difficile, il faudra voir ce qui se fait ailleurs.

Quant à la hiérarchisation des vœux, nous ne souhaitons pas revenir à la version antérieure où tout tombait si le premier vœu était octroyé : le choix final restera à l’étudiant. Par ailleurs, il faut déterminer qui connaît cette hiérarchisation : si les établissements y avaient accès, leur décision pourrait s’en trouver biaisée, même involontairement.

Les problèmes sont similaires pour les masters. Nous menons une concertation visant à aboutir à la rentrée à une plateforme intitulée « Mon master » présentant les offres de formation. Aujourd’hui, jusqu’à la rentrée, on ignore le nombre de places réellement libres, ce qui cause beaucoup de désorganisation et de stress pour les étudiants. On évalue aujourd’hui le nombre de places en master à 190 000 pour 145 000 demandes, mais ce chiffre n’est peut-être pas correct : on manque d’outils pour une mesure fiable. La plateforme à laquelle nous travaillons pourrait permettre de mieux évaluer les manques et d’identifier les filières en tension, à l’échelle nationale : la proximité géographique en master est moins importante qu’en premier cycle, quitte à mieux accompagner l’étudiant qui devra déménager. Les masters de droit sont en tension, mais certaines universités, comme Brest, loin d’être saturées, ne remplissent pas toutes les places offertes. Ouvrir des places ailleurs serait gaspiller l’argent public !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion