– Les moyens financiers sont assurément le nerf de la guerre. Tous nos projets – logement, équipements sportifs, bourses, augmentation des capacités d’accueil, recherche… – devront être priorisés. Pour être réaliste, il faudra faire des choix, mais aussi trouver des manières de remplir les objectifs avec des moyens moindres, en jouant sur plusieurs tableaux. Nos ambitions ne pourront être atteintes uniquement avec les moyens que l’on demandera à Bercy, qui a ses propres responsabilités, desquelles nous sommes solidaires au sein du Gouvernement. Nous convenons de l’étendue des besoins, pour notre jeunesse et pour la recherche et l’innovation ; reste à s’accorder sur des solutions. Être responsable ne veut pas forcément dire qu’il faut tirer des traits sur tout ; il faut plutôt essayer d’atteindre certains objectifs de manière interministérielle, ou avec les collectivités. On peut aussi collaborer avec le secteur privé, mais en délimitant bien le cœur de mission de nos universités publiques.
Monsieur Savin, à deux ans des Jeux, le sport est effectivement crucial, mais je doute que le rendre obligatoire soit compatible avec l’autonomie des universités, d’autant que le décideur doit en général être le payeur : je ne suis pas sûre de disposer rapidement des moyens nécessaires. En revanche, il faut inciter fortement à la pratique du sport ; la CVEC représente de ce point de vue une importante source de financement. J’y travaille avec Mme Oudéa-Castéra, ainsi qu’à l’accompagnement des sportifs de haut niveau et des athlètes olympiques : nous travaillons notamment au développement des campus connectés, très utiles pour des athlètes amenés à beaucoup se déplacer ; grâce à l’enseignement à distance, ils gardent un lien avec l’établissement, quitte à mettre un ou deux ans de plus à acquérir leur diplôme.
Quant aux équipements sportifs universitaires, comme pour la restauration, on ne pourra pas garantir un accès à tous les étudiants de tous les campus à équipements spécifiques. Il faut aider les établissements à nouer des liens avec les collectivités pour l’utilisation de leurs équipements sportifs ; j’entends me déplacer dans les régions pour contribuer à de tels rapprochements, dans des territoires très divers.
Concernant la hausse de la facture énergétique, l’aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros qui sera versée à la rentrée aux boursiers et aux bénéficiaires de l’APL ne porte pas que sur les dépenses alimentaires, pour lesquelles ils auront toujours accès au ticket-repas à 1 euro, qui peut leur faire économiser encore jusqu’à 100 euros par mois ; ils pourront donc utiliser ce chèque pour faire face aux surcoûts de logement.
Les attendus pour la réussite des étudiants sont une vaste question : il faut mener un travail approfondi autour du premier cycle et du lien avec les lycées. Pour les formations professionnalisantes de trois ans, il faut aussi accompagner la sortie et maintenir un lien avec la formation professionnelle, tout au long de la vie. Ne pas avoir de master en cinq ans, ce ne doit pas être grave ! L’important est de permettre l’évolution des compétences et la validation des acquis professionnels. Le parcours vers un projet professionnel ne doit pas forcément être linéaire.
Environ la moitié des 60 000 logements étudiants lancés a été réalisée ; ce plan doit continuer. Quant à la problématique de la qualification du logement étudiant en logement social, nous devons y travailler globalement, afin d’obtenir les permis de construire. Les Crous ont pour politique de finir les rénovations de logement, on doit les y aider.
Madame de La Provôté, vous avez bien résumé l’état de la réforme des études de santé. Concernant le poids excessif des oraux, des consignes très fortes ont été données pour l’année qui vient : nous incitons les établissements à donner aux oraux un poids de 30 % dans la note finale. La conférence des doyens de médecine soutient fortement cette cible, il y a eu une prise de conscience des problèmes que vous avez relevés. Un autre travail est mené sur la bascule des places non pourvues entre PASS et LAS ; nous attendons un avis du Conseil d’État sur ce point. Nous allons aussi travailler sur le problème des mineures et des majeures homogènes. Même avant la réforme, il n’y avait pas de programme homogène entre universités, même si le concours était le même. Cette année, on devrait avoir des retours sur la deuxième année de LAS et l’intégration des étudiants concernés. Des progrès sont indispensables, il faudra dresser un bilan exhaustif de la réforme pour l’appréhender de façon systémique et non thématique.
J’en profite pour répondre sur le nombre de places et sur les problématiques liées aux médecins et aux chefs de clinique. Je vois prochainement le ministre de la santé, davantage concerné par certains de ces enjeux.
Les places supplémentaires ne peuvent pas être créées qu’en première année, mais doivent aussi l’être en deuxième année. D’ailleurs, il n’y a pas que la médecine : pharmacie et maïeutiques sont aussi concernées, avec un vrai problème d’intégration des étudiants.
N’oublions pas non plus l’atterrissage de la réforme du deuxième cycle, avec un passage intensif entre le contrôle continu, les examens cliniques objectifs et structurés (ECOS) et les oraux, qui mobilisent énormément les médecins et les professeurs des universités – praticiens hospitaliers (PU-PH). L’augmentation du nombre de places trouve là un problème pour suivre cette réforme. L’achèvement de celle-ci est nécessaire avant de songer au numerus apertus, auquel la Conférence des doyens de médecine réfléchit. Les stages de terrain sont une raison de la très haute qualité de nos études de santé, mais constituent aussi un entonnoir à l’augmentation du nombre des étudiants.
Sur les études de kinésithérapie, qui vont au-delà de notre ressort, il y a deux types d’écoles : celles qui sont conventionnées avec les universités, et celles qui sont en format sanitaire et social. Je ne vais pas m’avancer sur ce sujet, faute d’une vision globale, mais nous devons y travailler avec les régions et le ministère de la santé. Il en va de même pour les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI).
J’ai bien conscience que je serai là au plus tard jusqu’en 2027, et que la LPR court jusqu’en 2030. L’accélération de la LPR consisterait à lui faire produire tous ses effets dès 2027. Or les trois dernières années représentent trois fois 600 millions d’euros ; c’est beaucoup. Je reviendrai vers vous avec la réactualisation, si possible dès le budget 2024, pour évaluer la faisabilité de cette accélération.
Sur les doctorants, les efforts consentis sont notables. Yan Chantrel l’a fait remarquer, les augmentations de salaire des doctorants sont échelonnées, et traitent le flux et non le stock. Cela ne suffit donc pas, j’en suis consciente. Nous évaluons le coût du traitement du stock, qui est sans doute important. Nous savons que nos doctorants en ont besoin.
Je reviens à la dévolution. Je suis contre la fusion du MESR et du ministère de l’éducation nationale : nous n’avons pas la même culture. J’en veux pour preuve la différence de statut entre un élève et un étudiant. L’université est autonome et, contrairement au lycée, gère la recherche, l’innovation et l’international. Je défends depuis longtemps et défendrai un MESR de plein exercice.
En revanche, sur la vision globale des universités, j’assume leur différenciation, sans considérer que certaines sont plus importantes que d’autres. Encourageons-la, pour avoir des universités puissantes quelle que soit leur taille sur chaque territoire.
Sur les palmarès mondiaux et le classement de Shanghai, que vous avez évoqués, tout n’est pas noir et blanc. Réjouissons-nous quand la France est reconnue, au-delà des critiques que l’on peut formuler à l’encontre des critères de ces classements. Il est d’ailleurs plus facile de critiquer lorsqu’on a de bons résultats. Le fait que nos universités soient plus visibles, ce que permet ce classement est une bonne chose à prendre, et la force du top 20 est autrement plus grande que celle du top 500. Défendre une évaluation qualitative plutôt que quantitative, quand on a montré qu’on ne le faisait pas par pur intérêt mais pour des questions de valeurs, a nettement plus de poids au niveau national et surtout international.
En matière de recherche, la transition écologique est une priorité : s’il faut faire des choix, nous les ferons. Nous avons fait une annonce avant-hier sur les programmes thématiques de recherche : une grosse partie des 600 millions d’euros iront à des programmes aux thématiques environnementales. J’ai choisi de me rendre à Montpellier pour souligner cette orientation.
Concernant le HCERES, on est parvenu à une amélioration de l’évaluation des laboratoires : la visite est rétablie, les tableaux sont simplifiés. On doit plus se concentrer sur l’aspect qualitatif de la recherche que sur son aspect quantitatif. Cette évaluation se fera plutôt a posteriori, nous réfléchirons plus avant aux critères avec le HCERES.
Quant à la cartographie des finances des universités, on commencera par faire celle du ministère ! Cela entre dans notre conception du pilotage. Ensuite, la cartographie des établissements nous permettra de développer une meilleure compréhension de la distribution de l’argent. Il faut améliorer les relais territoriaux, mieux travailler avec les recteurs de région.
Quant aux frais d’inscription, une hausse ne suffira pas à régler les problèmes. J’ai étudié les modèles économiques des universités des pays du nord, qui ont essayé une telle hausse et en sont revenus. Il faut parler des ressources propres des établissements, mais je reste profondément attachée à l’accès aux universités publiques. Nous ne sommes pas prêts à garantir un tel accès, par l’augmentation des bourses, en cas d’augmentation des frais d’inscription. D’autres solutions sont possibles. Tout en préservant l’accès aux diplômes nationaux, on peut encourager le développement de diplômes universitaires.
La prochaine rentrée universitaire sera difficile ; il faut surveiller l’équilibre du nombre de places offertes pour que les étudiants trouvent un débouché sur Parcoursup ou en master. L’année dernière, en septembre, 230 étudiants restaient sans affectation à la fin de la procédure Parcoursup, soit un nombre suffisamment faible pour apporter une solution individuelle à chaque dossier. Nous travaillons à cette rentrée et nous en ferons le bilan l’année prochaine.