L'enjeu de productivité est déterminant sur les évolutions des salaires. Je suis d'accord avec l'observation d'Éric Chaney : ce sont les taux d'emploi des plus jeunes qui ont le plus évolué récemment, grâce aux politiques de développement de l'apprentissage et de l'alternance. On constate 4,5 points de taux d'emploi supplémentaire pour les 16-24 ans par rapport à 2019 ; aucun autre pays européen n'a fait mieux.
Le ralentissement de la productivité s'explique aussi par les pratiques de rétention de main-d'oeuvre dans les entreprises, en particulier dans l'industrie. Depuis 2019, la productivité de l'industrie, qui a un faible poids dans le PIB de la France, est négative. L'industrie produit entre 40 et 50 % des gains de productivité de l'ensemble de l'économie ; or, depuis trois ans, la valeur ajoutée a moins progressé que ne l'a fait l'emploi, la productivité a donc reculé. Un chef d'entreprise qui connaît des difficultés de recrutement essayera de préserver le plus longtemps possible ses salariés en place malgré les retournements conjoncturels, car il aura du mal à les retrouver au moment du redémarrage de l'activité.
S'agissant de la surépargne, le Conseil d'analyse économique (CAE) avait relevé en mars dernier que celle des deux premiers déciles avait été « lessivée ». J'ai le sentiment que nous en sommes certainement actuellement aux cinquième et sixième déciles.
En ce qui concerne l'inflation, nous n'avons pas évoqué le taux de change dans nos présentations car il constitue en quelque sorte le deuxième niveau de l'inflation importée. Celle-ci vient principalement des cours des matières premières, qui reculent en ce moment, mais elle peut changer de nature : elle pourrait être davantage liée au niveau de l'euro face au dollar, même si l'euro ne risque pas de se déprécier encore longtemps - les écarts de taux d'intérêt vont progressivement se resserrer.
Sur le revenu disponible brut, les économistes estiment qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat à l'échelle macroéconomique. Sur dix ans, le revenu disponible a progressé de 10 %. Mais si l'on corrige le revenu disponible par les composantes démographique et sociologique - le nombre de ménages progresse deux fois plus vite que la population -, on se rend compte qu'il n'y a pas de progression du pouvoir d'achat depuis 2010. Le ressenti individuel n'est donc pas le même que la constatation macroéconomique.
Sur les minima sociaux évoqués par Didier Rambaud, je ne sais pas combien de salariés sont concernés par les minima de branche, mais leur nombre est certainement assez faible. Dès lors que le SMIC dépasse les minima sociaux, il n'y a pas de mécanisme automatique de renégociation dans les branches. Tout se passe dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), qui se tiennent plutôt en fin d'exercice ou début d'exercice et qui sont calées sur le rythme d'évolution du SMIC. La période actuelle est très particulière : des relèvements du SMIC interviennent en cours d'année. De nombreuses branches ayant mis en place des clauses de revoyure en cours d'année, des renégociations vont avoir lieu, mais, je le redis, la proportion de personnes concernées est relativement faible.
Les smicards représentent environ 12 % des salariés. Il faudra regarder comment la hausse du SMIC impactera les personnes qui sont situées un peu au-dessus de ce seuil : assistera-t-on à une augmentation très importante de la proportion de smicards en proportion des salariés ?
La surépargne restante doit absolument aller vers l'investissement, notamment dans la transition énergétique. Nous avons essayé d'estimer le montant de l'investissement nécessaire pour se mettre sur la trajectoire du zéro émission nette en 2050 : il nous manque entre 40 et 70 milliards d'euros d'investissements par an. L'enjeu est la mobilisation de toutes les ressources financières disponibles. Nous avions appelé à la formation de fonds à capital garanti, à destination de l'épargne moyenne.
Je terminerai en évoquant l'inquiétude que suscite l'Italie, d'autant que les substituts dont elle dispose en termes de mobilisation d'énergie, notamment l'hydroélectrique, souffrent de l'absence d'eau et de la forte sécheresse que connaît le pays.