Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juillet 2022 à 16h30
Audition de M. Sébastien Lecornu ministre des armées

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Nous recevons aujourd'hui le ministre des armées, pour la première fois depuis son entrée en fonctions le 20 mai dernier. Monsieur le ministre, je vous présente tous mes voeux de réussite. En réalité, cette maison est déjà la vôtre, puisque vous avez été élu sénateur de l'Eure, département désormais bien représenté par notre collègue Nicole Duranton.

Je forme également le voeu que nous puissions, à travers cette première audition, entamer une relation de confiance sur les grands enjeux de la défense et de la souveraineté de notre pays. La résilience de notre Nation dépend aussi de notre capacité à dégager des consensus républicains sur les enjeux de défense.

Comme le montre la défense héroïque engagée par le peuple ukrainien, la résilience d'une démocratie passe par la cohésion de l'ensemble des corps constitués de la Nation, mais aussi par un fonctionnement robuste des institutions, dans lequel le Parlement doit avoir toute sa place.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien plein et entier du Sénat et de notre commission à nos forces armées. En notre nom à tous, je salue ici l'engagement des femmes et des hommes de nos armées et rends hommage à celles et ceux qui en ont payé le prix de leur vie et dans leur chair. Soyez assuré que nous sommes à vos côtés pour donner à nos soldats, marins, aviateurs, personnels du service de santé des armées, à l'ensemble des personnels civils et militaires de votre ministère les moyens d'accomplir les missions que le pouvoir politique leur confie.

Vous le savez, la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a été votée en juin 2018 par une immense majorité des sénateurs. Chaque année, le Sénat a renouvelé ce soutien par le vote du budget annuel de la défense. Je donne acte au gouvernement précédent d'avoir, globalement, tenu ses engagements.

Il faut rappeler aussi que 2021 devait voir l'actualisation législative de la LPM, comme son article 7 le prévoyait expressément. Il n'en a rien été : malgré notre demande solennelle de respecter la lettre de la loi de programmation, le précédent gouvernement ne s'est résolu que sous la pression à organiser un débat, qui n'a en rien remplacé une discussion au fond sur la base d'un texte législatif. Il y avait pourtant matière à débattre de manière transparente et démocratique des moyens à accorder aux priorités nouvelles.

Nous avions également identifié des dépenses nouvelles rendues nécessaires pour compenser le surcoût des opérations extérieures (OPEX), les travaux de pérennisation du char Leclerc, le réassort à neuf des Rafale cédés d'occasion à la Grèce ou encore le financement du plan de soutien aéronautique. Tous ces ajustements étaient légitimes et nous étions prêts à tout entendre, y compris que certains programmes, dans d'autres domaines, devaient être ralentis.

Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi. Je songe notamment au déficit du parc de Rafale, puisque les douze appareils dont la cession à la Croatie est prévue ne font toujours pas l'objet d'une commande de remplacement. Je pense également à certains retards pris dans le soutien à notre service de santé des armées, dans la préparation à la haute intensité, ou dans la rénovation des véhicules blindés légers.

À mon sens, cette stratégie d'évitement législatif a été doublement contreproductive. D'abord, le non-respect d'un engagement de la loi de programmation a entamé la confiance que notre commission pouvait avoir dans le Gouvernement. Vous avez annoncé devant nos collègues de l'Assemblée nationale que le Gouvernement respecterait la nouvelle marche de 3 milliards d'euros pour le budget de 2023. C'est une attente forte et nous en acceptons l'augure, mais nous espérons surtout que vous serez en mesure de conserver cette ambition dans la durée.

Au reste, nos préoccupations concernant la préparation de nos forces, et plus particulièrement le niveau de nos stocks de munitions, que j'ai personnellement signalé, notamment à l'occasion d'un déplacement en Roumanie, sont partagées par nos collègues députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès, qui est maintenant votre secrétaire d'État. Ces questionnements sont donc la simple illustration de notre volonté de vous aider à aider nos forces armées. Là encore, je prends note de votre volonté de « reconfigurer », selon vos propres termes, nos stocks de munitions.

Enfin, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur le calendrier de ce que le Président de la République a appelé, dans son discours à l'hôtel de Brienne, la « réévaluation » de la loi de programmation militaire avant la fin de l'année, dans la perspective de l'examen d'un texte début 2023. Le Parlement n'a pas été associé à l'actualisation de 2021. Comptez-vous y remédier pour la réévaluation demandée par le Président de la République ? Quel sera le périmètre du texte prévu pour 2023 : simple actualisation de la LPM en cours ou nouvelle LPM plus en phase avec l'ambition 2030, mais aussi avec les développements nouveaux du contexte stratégique et des menaces ?

Les défis qui vous attendent sont nombreux : la réarticulation de notre dispositif au Sahel - vous étiez pour cela au Niger voici quelques jours - la poursuite de notre engagement au Levant, le renforcement de nos coopérations opérationnelles au sein de l'Union européenne, la montée en puissance au sein des forces de réassurance de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), mais aussi le développement du service national universel (SNU), dont l'impact budgétaire doit être précisé, sans qu'il consomme les ressources de nos armées. Les sujets ne manquent pas. Nos collègues vous interrogeront après votre intervention liminaire.

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