En revanche, nous ne pouvons plus faire l'économie de la question de la résilience globale. Ce que je disais tout à l'heure sur le SSA constitue un élément de réponse de cette résilience. Il s'agit d'un sujet global, dont le SNU doit être une brique. Il est clair que sa feuille de route doit être affinée - je ne fais pas de langue de bois.
Dans le champ médiatico-politique, d'où sort l'idée que nous ne tiendrions que quinze jours en cas d'invasion ? Nous sommes une puissance dotée de l'arme nucléaire, et il ne faut pas oublier la force réelle de la dissuasion nucléaire. Une doctrine d'emploi existe, et, si nos intérêts vitaux sont menacés, il s'agit d'un élément de réponse défensif suffisant.
Mais nous avons aussi une armée capable de se battre, qui se bat déjà sur des théâtres très différents. Laisser penser que nous serions vulnérables est une contre-vérité totale. Nous n'avons pas tout bon sur tous les points : tel est le sens de l'effort budgétaire historique que nous refaisons collectivement, et que vous votez. Notre modèle d'armée est complet, et nous devons veiller en permanence à le recompléter. Voilà l'enjeu des discussions stratégiques : cela passe par l'innovation, l'hybridité, le cyber, les drones. Il faut autant tenir compte de la disponibilité des avions de chasse que de notre capacité à hybrider nos moyens de réponse. Tel est notre agenda pour le semestre prochain. J'insiste sur le numérique et le cyber, qui sont loin du capacitaire classique, mais qui constituent l'un des gros morceaux de la LPM à venir.
Monsieur Cadic, le dialogue diplomatique doit se poursuivre entre Taïwan et la Chine, comme vous avez dû en discuter avec Mme Colonna hier. Concernant le volet militaire, nous devons garantir le droit international maritime, la liberté de circulation et de navigation. Les missions de patrouille dans les eaux internationales que nous menons participent à cela. Je commence à répondre à vos questions, monsieur Temal, mais le fait d'être une puissance d'équilibre alliée mais non alignée fait que, lorsqu'un sous-marin nucléaire d'attaque français patrouille dans la zone, les différents acteurs comprennent que ce sous-marin vise à faire respecter le droit maritime international. C'est là que la posture diplomatique rejoint la manoeuvre militaire opérationnelle. Je reviendrai sur l'agenda, mais nous devons continuer ces réflexions, soit en projection depuis l'Hexagone, soit depuis les territoires français des outre-mer.
Monsieur Le Nay, j'ai moi-même signé une lettre d'intention pour l'achat de sous-marins de classe Scorpène par la Roumanie. C'est la première marche, et nous devons continuer à discuter. L'activité maritime en mer Noire répond à un nouvel agenda, compte tenu de ce qui se passe en Ukraine.
Sur les incendies, de nombreux moyens militaires sont engagés. Ce sont d'abord des moyens humains : nos bases disposent de sapeurs-pompiers de l'air qui viennent en renfort des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ; les armées jouent également un rôle clé dans l'accueil et l'hébergement des renforts en Gironde. Ensuite, des matériels particuliers sont confiés par les armées aux autorités préfectorales, comme l'hélicoptère Caracal. Des moyens de renseignement et de surveillance permettent également de suivre les départs de feu. Je confirme que, sur la base aérienne de Cazaux, nous avons mis notre aviation de chasse à l'abri. Les armées sont engagées, et le Président de la République est en ce moment même sur le terrain en compagnie du ministre de l'intérieur.
Monsieur Patriat, l'effort budgétaire allemand est annoncé, ce qui est une bonne nouvelle, mais nous verrons comment il sera exécuté. Ce qui compte, comme nous aurons l'occasion d'en discuter avec nos partenaires, c'est l'effort militaire réel. Les milliards d'euros sont une chose ; la cartographie de l'implantation des bases et des régiments, ou la doctrine d'emploi des forces armées en sont d'autres.
Monsieur Gontard, nous devons clarifier le cahier des charges et le contenu du SNU, qui a aujourd'hui une forme embryonnaire, ce que nous assumons. Ceux qui ont visité les cohortes sur le terrain ont pu constater la joie et l'engagement, la volonté d'y trouver du sens et l'apprentissage de la République. Ces éléments sont consensuels. La question qui se pose concerne la suite budgétaire et organisationnelle, en lien notamment avec les collectivités territoriales. Les armées ont toujours donné de beaux messages à la jeunesse !
Monsieur Folliot, la LPM permet heureusement d'avoir une nouvelle génération de patrouilleurs outre-mer. La technologie des drones peut être mobilisée pour la surveillance de nos ZEE. Il n'est pas aussi facile de contrôler toutes les ZEE : il est évidemment plus difficile de vérifier l'intégrité des eaux territoriales de l'île de Clipperton, alors que, compte tenu des forces positionnées à La Réunion, les choses y sont plus évidentes. Entre 2017 et 2022, les armées ont fait un travail admirable : alors que des navires de pêche illégale blue boats pouvaient auparavant entrer dans les eaux territoriales calédoniennes, les techniques d'entraves développées par nos armées ont déplacé les incursions sur d'autres zones économiques exclusives.
Monsieur Temal, notre stratégie n'est pas qu'une stratégie d'intentions. Les missions militaires vont continuer. Le Président de la République a demandé à l'état-major des armées de planifier des missions de ce type. Cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu de chasseurs dans le ciel polynésien ! Nos relations avec l'Indonésie, l'Inde ou Singapour s'affermissent. Nos forces sont prépositionnées à Djibouti ou aux Émirats arabes unis, comme dans nos territoires d'outre-mer. Nous sommes donc loin d'un engagement théorique ! Les moyens y sont, et la question est alors de savoir quel art d'exécution de la stratégie nous retenons. Mais il est clair qu'il faudra un titre budgétaire outre-mer et indopacifique pour y dédier des moyens spécifiques et des stratégies. Nous n'avons plus le temps de reparler du rôle de l'OTAN dans les prochaines années, mais je pense que, si nous voulons être crédibles dans l'indopacifique, nous devons repartir de structures comme l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) plutôt que de nous appuyer sur l'Alliance atlantique, car, dans le cadre otanien, ces sujets ne sont pas toujours consensuels. Cela concerne également les questions des câbles sous-marins ou du climat, car nous ne sommes audibles avec les pays d'Océanie que si ce dernier sujet est traité. Notre diplomatie climatique est forte, et nous avons réussi à créer une crédibilité sur ces questions, car nous avons nous-mêmes des territoires ultramarins dans la même situation que ces pays.
Madame Duranton, les stations météo de la marine ont pris une longueur d'avance sur le réchauffement climatique. Il faut pousser et clarifier certains programmes de recherche : malheureusement, le réchauffement climatique a des conséquences sur la sécurité, et nous devrons trouver des réponses militaires au réchauffement climatique dans les décennies qui viennent.
Je vous remercie du travail formidable accompli en peu de temps par le Sénat : en étant l'un des premiers pays à ratifier l'adhésion de la Finlande, nous envoyons un signal politique concret, en tant que membre important de l'OTAN. À ce stade, les procédures parlementaires ne semblent pas entravées pour des raisons exogènes dans aucun pays. En revanche, les vies politiques propres à chaque pays font que les ratifications peuvent prendre du temps. Notre honneur est de traduire la parole du sommet par l'expression rapide des parlements. L'OTAN a suffisamment été caricaturée pendant la campagne présidentielle pour que son assemblée parlementaire reprenne une place particulière. L'OTAN n'est pas qu'une réunion de chefs d'État et de ministres : les peuples y sont également représentés, ce que plus personne ne dit. Nous devons également avoir un agenda parlementaire sur ce sujet.
Nous avons besoin des réserves militaires, car de nombreux métiers ne sont plus permanents. C'est valable pour le SSA, mais aussi pour d'autres compétences : plutôt que de sous-traiter, il vaut parfois mieux convoquer un réserviste quelques journées. Nous parlons du lien entre l'armée et la Nation, mais il n'y a pas de meilleur moyen de renforcer le lien entre la population et l'armée que la réserve. C'est bon pour les finances publiques, pour la citoyenneté, pour l'implantation territoriale des forces armées, car ce tissu résilient ne vaut pas que pour faire la guerre ! Lorsqu'il y a une catastrophe climatique ou sanitaire, les réserves et le SMA se retrouvent en première ligne. La réflexion mérite d'être menée plus finement pour les Français de l'étranger. Vous m'apprendrez des choses, car je ne suis pas expert sur ce sujet.
Je crois beaucoup à ma rencontre demain au Royaume-Uni. Il me semble que le Brexit ne change pas grand-chose à notre agenda collectif de sécurité en Europe. Nous avons deux vieilles armées, assez interopérables, qui ont eu l'habitude de faire beaucoup de choses ensemble. Nous sommes deux pays de l'OTAN dotés de la dissuasion, et nous partageons beaucoup sur le terrain mémoriel. Je passerai une journée entière avec Ben Wallace, et je crois beaucoup aux perspectives d'un nouvel agenda franco-britannique pour permettre certaines actions concrètes, pas seulement sur le plan industriel. Si les parlementaires pouvaient faire de même, il s'agirait d'une bonne chose.
Sur la capacité de l'aviation de chasse française, je n'oppose pas le prélèvement des stocks à l'exportation et la diminution opérationnelle. Il a été suffisamment dit que nous n'arrivions pas à exporter nos Rafale. Maintenant que tout le monde veut en acheter, il serait bizarre, curieux et peut-être bien français de le déplorer ! Le tout est de les remplacer, et de tenir les délais. Nous devons reconnaître que Dassault a une résilience remarquable. Les moyens budgétaires sont là, comme nous en reparlerons au moment de l'examen de la loi de finances. Si une entreprise comprend ce que nous essayons de faire pour l'économie de guerre, c'est bien Dassault Aviation, qui, dans les temps à venir, sera peut-être amené à faire monter en charge ses capacités de production.