Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l'ambition politique qui avait été tracée par la déclaration d'intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.
Le Qatar est un pays dont la superficie correspond à celle de la Corse, et qui compte 2,6 millions d'habitants, dont 2,3 millions d'étrangers.
La Coupe du Monde de football au Qatar, prévue en novembre-décembre 2022, sera le plus grand événement sportif organisé dans le monde arabe. Le Qatar pourrait accueillir jusqu'à 1,5 million de supporteurs et sera confronté à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques... Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n'est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d'alcool, actions d'organisations contestataires...
Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États, dont la France, pays avec lequel il a déjà développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense.
Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis. Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l'achat de 36 Rafale.
Le Qatar est également un partenaire stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années.
Sur le plan bilatéral, Le Président de la République et l'émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d'intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cette coopération a été renforcée avec la mise en place d'un dialogue stratégique en février 2019.
L'émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d'Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel. Enfin, le Qatar et les Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l'ouverture d'un bureau à Doha du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.
En parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, on peut constater que le Qatar a réalisé d'importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. En effet, le Qatar est le premier État de la région à avoir abrogé en 2016 le système de la « Kafala », qui oblige l'expatrié à dépendre d'un « parrain », souvent qualifié de « sponsor », et qui peut être une personne physique ou morale. Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Le texte législatif, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021.
En ce qui concerne la peine de mort, comme l'a déjà souligné notre collègue Sylvie Goy-Chavent, elle est toujours en vigueur au Qatar et continue d'être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, mis à part le cas de l'exécution d'un ressortissant népalais, condamné pour meurtre en 2020.
Les progrès sont réels et doivent être poursuivis, en particulier en matière de liberté d'expression et de respect des droits fondamentaux.
La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les jeux asiatiques de 2006, qui ont été le premier grand événement sportif accueilli par l'émirat. Elle s'est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d'athlétisme en 2019 et pour la Coupe arabe des nations de football de 2021.
Pour la Coupe du Monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux encore, d'où le souhait de rechercher une formalisation juridique plus aboutie afin de prévoir un cadre qui sécurise le déploiement d'un volume important d'experts sur le terrain. Cet accord peut se définir comme une offre de services de la France, de nature à couvrir l'ensemble du spectre des besoins de sécurité d'un grand événement sportif. Sa mise en oeuvre pourra notamment s'appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l'intérieur pour des missions de conseil, d'accompagnement, voire d'appui opérationnel.
La partie qatarienne doit formuler plus précisément, à brève échéance, ses besoins, en fonction desquels l'offre de coopération française sera modulée. L'accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.
Cet accord prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l'intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien. Ils bénéficieront ainsi des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CESDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. En outre, l'accord organise une protection contre l'application de la peine capitale ou d'autres traitements inhumains et dégradants, au sens de l'article 3 de la CESDH.
Ces dispositions offriront donc une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l'intérieur qui participeront aux activités de coopération qui seront mises en oeuvre avant et durant l'événement, à l'instar des garanties offertes aux agents du ministère de la défense par l'accord bilatéral relatif au statut des forces, que vient de nous présenter Sylvie Goy-Chavent. Toutefois, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.
Les autorités qatariennes n'ont, à ce jour, pas notifié l'accomplissement des procédures nationales requises pour l'entrée en vigueur de l'accord, qui sera examiné en seconde chambre à l'Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.
En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen en séance publique au Sénat était prévu selon la procédure d'examen simplifié, mais le groupe CRCE a demandé le retour à la procédure normale. Le projet de loi sera donc examiné en séance publique le 15 février.