Je remercie tout d'abord mon homologue du Sénat, M. Mathieu Darnaud, pour les échanges constructifs que nous avons eus avant la commission mixte paritaire, afin de préserver les apports votés par chacune de nos assemblées, dans un esprit de consensus.
La ratification de l'ordonnance du 8 décembre 2021 était très attendue par les agents publics comme par les collectivités. Le texte vient toiletter un statut récent - les agents communaux de Polynésie française ayant dû attendre jusqu'à 2005 pour bénéficier d'un statut digne de ce nom.
L'ordonnance vise, d'une part, à répondre aux attentes exprimées en mai 2017 lors d'un important mouvement social, qui a touché l'ensemble des communes de la Polynésie française, et, d'autre part, à étendre au droit de la fonction publique des communes de Polynésie française, en les adaptant, certaines des évolutions intervenues dans la fonction publique territoriale au cours des dernières années.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi comportait un article unique ratifiant l'ordonnance. Le Sénat a introduit vingt articles additionnels, qui portent sur l'ensemble du champ de l'ordonnance de 2005 ; l'Assemblée nationale en a introduit trois.
Six articles introduits par le Sénat ont été votés conformes : ils portent notamment sur la restauration du rôle de contrôle de la commission de déontologie en cas de cumul d'activités ou de départ vers le privé, et sur le régime indemnitaire des agents publics.
Sur sept autres articles, nous avons conservé l'intention du Sénat, tout en apportant des modifications rédactionnelles ou des compléments qui nous paraissent consensuels. Il en va ainsi de la définition des motifs permettant le recrutement d'agents contractuels, des compétences des comités techniques paritaires, ou de l'encadrement du télétravail.
L'Assemblée nationale a par ailleurs ajouté trois articles qui, je l'espère, satisferont les sénateurs.
L'article 5 bis précise que le maire est associé au contrôle du respect des principes déontologiques par les agents publics.
L'article 23, adopté à l'initiative du groupe LFI-NUPES, prévoit la remise d'un rapport sur un sujet important : les finances des communes de la Polynésie française.
Enfin, l'article 3 bis apporte des coordinations rédactionnelles.
Concernant quatre autres articles, malgré les différences entre les dispositions adoptées par nos deux chambres, nous vous proposerons un compromis.
S'agissant de l'article 2, permettant l'accès à la fonction publique communale par la voie des examens professionnels, il paraît pertinent de maintenir la suppression adoptée par l'Assemblée nationale. En effet, l'article va bien au-delà de l'intention du Sénat, qui est satisfaite par le droit en vigueur.
À l'article 5, relatif au champ de l'aide sociale que les communes peuvent apporter à leurs agents, notre compromis préserve les possibilités d'action des communes, tout en répondant aux préoccupations de certains acteurs locaux, qui craignaient d'être sollicités au-delà de leurs capacités financières. Le fait de concentrer l'action sociale et de souligner son rôle en matière de restauration, de petite enfance et de loisirs, témoigne d'une volonté de l'ensemble des tavana, les élus des communes et regroupements de communes, d'avancer de concert pour parvenir à un socle commun à l'ensemble du territoire. On ne peut que saluer cette volonté d'aboutir, tout en préservant une possibilité d'aller au-delà si la nécessité ou une volonté politique se font jour.
Sur l'article 13, relatif au recrutement des personnes handicapées, nous vous proposerons de maintenir la voie des emplois réservés, tout en conservant l'apport du Sénat qui donne une base légale à l'aménagement des modalités de déroulement des concours, des recrutements et des examens.
S'agissant de l'article 18, qui délègue au pouvoir réglementaire, sans l'encadrer, la possibilité de définir les situations dans lesquelles un fonctionnaire peut être placé d'office en disponibilité, la suppression votée par l'Assemblée nationale nous paraît devoir être maintenue.
Enfin, en ce qui concerne la concurrence entre collectivités pour les recrutements, j'ai retiré en séance l'amendement que mon collègue rapporteur vient d'évoquer, car le ministre délégué s'est clairement engagé à fournir, avant la fin de l'année, une nouvelle rédaction de l'article 170 du décret du 29 août 2011 et des statuts particuliers, à l'initiative du haut-commissaire. Il s'agit d'introduire un délai minimal de trois ans d'activité dans la collectivité, en deçà duquel les agents ou, surtout, les communes - ce que mon amendement ne pouvait exiger, au risque d'être considéré comme irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution - devront rembourser les formations reçues.
Nos positions divergent sur trois articles.
Il s'agit, premièrement, de l'article 10, relatif aux compétences des commissions administratives paritaires. L'ordonnance de 2021 a recentré ces compétences sur les décisions défavorables aux agents, les alignant sur le droit commun de la fonction publique territoriale, issu de la loi de transformation de la fonction publique de 2019. Le Sénat a souhaité rétablir les compétences antérieures, en prévoyant notamment que les CAP soient consultées sur les tableaux d'avancement, ainsi que sur les mutations comportant un changement de résidence ou une modification de la situation des fonctionnaires. À mon initiative, l'Assemblée nationale est revenue au droit issu de l'ordonnance de 2021.
Nous comprenons les spécificités locales qui avaient justifié le vote du Sénat, mais il paraît essentiel de se rapprocher du droit commun. Malgré nos divergences, nos deux assemblées ont la volonté d'aboutir à un accord sur ce point.
Il s'agit, deuxièmement, de l'article 16, relatif au congé avec traitement pour les fonctionnaires qui accomplissent une période d'activité dans l'armée ou dans la réserve. Le Sénat a supprimé le droit à congé avec traitement, relevant le risque d'abus et le coût potentiel pour les collectivités. Nous avons souhaité le rétablir, pour plusieurs raisons.
D'abord, parce que la réserve constitue un excellent moyen d'améliorer la résilience du territoire et la capacité des autorités locales à réagir efficacement en cas de crise, notamment en cas d'intempéries, de catastrophe naturelle ou de cyclone. C'est une question d'intérêt général et les employeurs publics doivent être exemplaires dans les droits accordés aux réservistes.
En outre, le congé avec traitement existe depuis 2005 pour les réservistes militaires. La rédaction du Sénat conduirait à faire reculer les droits de ces fonctionnaires. Elle prévoirait par ailleurs un droit moins favorable au droit commun de la fonction publique territoriale, où ce congé est reconnu.
J'ajoute que le dispositif est encadré, puisque, lorsque les activités accomplies pendant le temps de travail dépassent cinq jours par année civile, le réserviste doit obtenir l'accord de son autorité de nomination. Cette précision ne figurait pas dans les textes jusqu'à l'ordonnance de 2021.
Enfin, les personnes consultées n'ont pas fait état de difficultés particulières concernant l'application du congé avec traitement.
J'entends les craintes exprimées par les collectivités et j'ai cherché une rédaction appropriée, sans succès. Il me paraît important de préserver la possibilité pour les agents d'effectuer des périodes de réserve militaire ou opérationnelle, tant pour l'intérêt général que pour l'attractivité des carrières.
Enfin, à l'article 21, le Sénat avait supprimé la mise à la retraite d'office de la liste des sanctions du quatrième groupe. En commission, les députés ont rétabli cette sanction qui figurait dans l'ordonnance de 2021, rapprochant ainsi le droit applicable en Polynésie française du droit commun de la fonction publique. Nous discuterons des différentes options possibles à la lumière des remarques qui nous ont été adressées par certains acteurs locaux.
Ces discussions nous permettront certainement d'adopter un statut protecteur, au service d'une fonction publique modernisée et de tous les Polynésiens. Nos deux assemblées sont parvenues à un vote unanime, il serait dommage que nous ne puissions pas faire de même !