Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 juillet 2022 à 15h00
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 nouvelle lecture — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur général :

Le projet de loi de règlement, tel que voté par l'Assemblée nationale le 13 juillet 2022 en première lecture et transmis au Sénat, comportait 9 articles, dont l'article liminaire et un article introduit par l'Assemblée nationale.

Le Sénat a décidé de rejeter le texte le 19 juillet dernier et la commission mixte paritaire qui s'en est suivi le lendemain a, sans surprise, conclu à un échec.

Sans surprise non plus, l'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture hier, adopté le texte dans des termes identiques à ceux issus de son examen en première lecture.

Brièvement, je rappellerai les principaux éléments de la loi de règlement et ce qui a motivé notre rejet.

Tout d'abord, le niveau global de l'activité, s'il a été bon en 2021, n'est pas encore revenu à celui de l'année 2019. Par ailleurs, nos performances ont été moins importantes que celles de nos partenaires européens.

Rétrospectivement, on peut observer que l'année 2021 a préfiguré un certain nombre des chocs économiques que nous subissons en 2022 : choc d'approvisionnement en matières premières, choc sur l'évolution des prix, choc sur les marges pour les entreprises et choc sur le coût de financement de la dette.

En tout état de cause, ce rattrapage économique a eu un coût : celui de la dégradation des comptes publics.

Les recettes publiques ont été sous-évaluées lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin de gestion en 2021, car la prévision de croissance du Gouvernement pour 2021 - soit 6,25 % - était excessivement prudente. Une prévision plus juste aurait divisé par deux la « manne » de 30 milliards d'euros supplémentaires que le Gouvernement a brandie comme un satisfecit.

Si les dépenses publiques sont inférieures de 10 milliards d'euros à la prévision retenue dans le PLFR de fin de gestion, leur montant nous éloigne encore très fortement des objectifs inscrits en loi de programmation des finances publiques.

Notre déficit est principalement supporté par l'État tandis que les collectivités locales parviennent quasiment à l'équilibre et que les administrations de sécurité sociale ont divisé par plus de deux leur déficit.

Quant à notre endettement public, il reste à un niveau très élevé en comparaison européenne puisqu'il est plus de 40 points supérieur à celui de l'Allemagne !

En ce qui concerne le budget de l'État, le déficit s'établissait déjà en 2021 à plus de 170 milliards d'euros. C'est presque autant qu'en 2020, autrement dit un niveau historiquement élevé qui résulte d'un niveau tout aussi historique de dépenses : près de 420 milliards d'euros sur le budget général, pour moins de 250 milliards d'euros de recettes.

Au total, le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur aux sommes mises en oeuvre lors de la crise financière de 2008 à 2010. Or on n'a pas le sentiment que cela soit perçu comme une situation exceptionnelle et temporaire, puisqu'aucune diminution de dépenses ne semble par ailleurs prévue.

Du point de vue de la procédure budgétaire, le montant extraordinaire des reports de crédits opérés en 2021 est très contestable : plus de 36 milliards d'euros, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le montant des crédits reportés chaque année avait toujours été inférieur à 3,8 milliards d'euros. Cette pratique, qui aurait dû être exceptionnelle, semble avoir été adoptée comme norme par le précédent gouvernement : la quasi-totalité des crédits non consommés en 2021 ont de nouveau été reportés à 2022. Loin de la « bonne gestion » avancée, le Gouvernement s'exonère de règles organiques - spécialité, annualité -, tout en appelant à la rigueur des comptes...

Par ailleurs, le Sénat n'avait pas voté la loi de finances initiale pour 2021 dont le présent texte, même révisé, traduit l'exécution. Après avoir voté les mesures d'urgence indispensables pendant la crise sanitaire, nous avons notamment contesté le choix du Gouvernement de ne pas tenir compte de la dérive des comptes publics dans ses choix. Nous avons également émis notre désaccord sur le versement d'une indemnité inflation lors du second projet de loi de finances rectificative pour 2021, considérant qu'elle était mal ciblée.

Enfin, évidemment, sur la forme, le président de la commission et moi-même avons marqué notre désapprobation sur le fait que, pour la première fois depuis vingt-deux ans, le Gouvernement a déposé le projet de loi de règlement après le 1er juillet, soit avec plus d'un mois de retard sur la date limite prévue par la LOLF. C'est contradictoire avec les propos du Gouvernement qui dit vouloir travailler étroitement avec le Parlement - « les méthodes changent » -, mais aussi, et peut-être surtout, avec les propos que les uns et les autres ont tenus pendant la révision de la LOLF à propos de l'importance de l'analyse de l'exécution budgétaire.

Pour toutes ces raisons et par cohérence avec le vote du Sénat en première lecture, je ne vous étonnerai pas en vous proposant de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2021, et donc en conséquence de n'adopter aucun des articles du projet de loi. Ce sont à la fois les mesures que le budget exécuté comporte et les manoeuvres procédurales employées par le Gouvernement en cours d'année qui justifient que nous ayons rejeté le projet de loi.

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