Certes, avec 50 milliards d'euros de dépenses, dont 20 milliards d'euros financés par la dette, ce n'est pas un projet de loi de finances rectificative enthousiasmant. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juillet 2022, la Cour des comptes souligne la nécessité de préserver les recettes des administrations publiques. Donc pourquoi se priver de certaines recettes, au premier rang desquelles je place la contribution à l'audiovisuel public, traitée sous le seul angle budgétaire, sans conduire de réforme de fond, alors que la défiance et les fausses nouvelles s'installent dans notre société ? Cela mérite plus qu'un débat uniquement budgétaire, surtout quand on appelle à la vigilance par rapport au déficit public. J'entends l'argument sur le pouvoir d'achat des Français, 138 euros en métropole et 88 euros dans les territoires ultra-marins, mais je propose autre chose : bloquons les loyers. Ainsi, le fait d'empêcher une augmentation de 3,5 % sur un loyer de 700 euros par mois engendre une économie de 300 euros sur l'année, ce qui est non négligeable. Cherchons plutôt des mesures directes.
Ce budget à crédit ne me choquerait pas s'il permettait d'engager la transition écologique et de renforcer la cohésion sociale, mais ce n'est pas le cas. Nombre de collègues de la commission défendent une mesure ciblée contre la hausse des prix du carburant. Je suis d'accord : pour les concitoyens qui vivent dans les territoires ruraux, c'est nécessaire. Mais la mesure est généralisée, donc elle soutiendra tout autant les propriétaires de SUV qui veulent aller à Chamonix ! Une aide indifférenciée pour tout le monde, qui procède d'un arrangement entre des groupes politiques de l'Assemblée nationale, ne peut recevoir notre soutien. Je fais confiance au Sénat pour réserver le dispositif à ceux qui n'ont pas le choix.
De même, le gazole non routier (GNR) est très polluant, donc maintenir sa défiscalisation est irresponsable, sans parler de l'installation d'un terminal méthanier. La grave crise énergétique et la situation en Ukraine montrent à quel point la dépendance aux énergies fossiles est dangereuse pour l'Europe et pour la démocratie. Il n'y a qu'une voie : la diminution des consommations énergétiques, ce qui passe par l'amélioration de l'isolation thermique des logements, seul changement efficace, alors que MaPrimeRenov' sert plutôt à changer de chaudière. Il faut être plus ambitieux et consacrer à cette question des montants au moins égaux à la nationalisation des déficits d'EDF.
Enfin, je soutiendrai l'amendement du rapporteur général sur les banques alimentaires et les amendements de défense des collectivités territoriales. Les politiques de défiscalisation ou de désocialisation sont en revanche des bombes à retardement.
Je finis en soutenant la taxe sur les « superprofits ». Demander des efforts à nos concitoyens, qui constatent que l'on distribue des dividendes record, engendre une incompréhension terrifiante. On pourrait décider de cette taxe, à l'instar d'autres pays, pour diminuer la fracture entre la « France d'à côté » et les autres. Allons chercher l'argent chez ceux qui peuvent contribuer.