Vos propos comportent assez peu de questions finalement, et anticipent pour beaucoup sur notre débat en séance publique, mais je vais essayer d'y répondre.
Monsieur Éblé, je ne vous rappellerai pas ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale : samedi dernier, un amendement consacré aux départements a été adopté par une coalition allant au-delà des groupes d'opposition ; un autre amendement relatif à la compensation des collectivités a été retiré, un troisième adopté. La séance a été levée. La réflexion s'est poursuivie pendant le week-end. Lundi, à la reprise, le rapporteur général s'est félicité d'un travail mené avec tous les groupes politiques, sauf un, pour trouver un compromis autour d'un dispositif permettant d'offrir un filet de sécurité aux collectivités territoriales. Il me semble que celui-ci constitue une bonne base de travail sans être suffisant. D'après les estimations que j'ai reçues - hier seulement ! -, 6 000 collectivités environ pourraient y prétendre. La question de la compensation du point d'indice relève de chacun : de l'État, mais aussi des collectivités territoriales en vertu du principe de libre administration et des organismes de santé. J'ai plutôt été étonné d'entendre M. Bruno Le Maire dire que l'État compenserait l'intégralité de la hausse pour la fonction publique hospitalière. C'est quelque peu déresponsabilisant.
L'inflation provient beaucoup de l'énergie importée et de la hausse des produits alimentaires. À cet égard, l'État doit aider les collectivités, notamment du bloc communal - communes, intercommunalités, syndicats intercommunaux, etc. Nous proposons donc de modifier les modalités de calcul de l'aide versée en relevant de 50 % à 70 % le taux de compensation prévu pour les dépenses énergétiques. De même, les prix des produits alimentaires ayant fortement augmenté, nous proposons d'inclure ces dépenses dans l'assiette de la compensation, avec un taux également majoré de 70 %, dans la mesure où les communes et leurs groupements doivent approvisionner les cantines scolaires et administratives. Cela coûterait entre 500 et 600 millions d'euros. Plus de 21 000 collectivités pourraient y être éligibles. Il restera sans doute des cas particuliers, mais nous pourrons les identifier et les aider dans le projet de loi de finances pour 2023.
J'ai aussi insisté auprès des ministres pour que les aides apportées par le projet de loi soient bien réparties sur tout le territoire. Il faut veiller à ne pas oublier ceux qui ne vivent pas dans les territoires urbains, ceux qui doivent se chauffer au fioul ou qui doivent faire le plein dans les petites stations-service, et ne pas leur donner le sentiment à nouveau d'être abandonnés ou déclassés. Un consensus de notre part à ce sujet constituerait un message fort.
Monsieur Segouin, 7 500 euros, cela représente 625 euros par mois : cela me semble une belle somme. Oui, les Français sont prêts à travailler plus. Nous ne devons pas nous priver de ces énergies. On constate des pénuries de main d'oeuvre massives dans tous les secteurs et sur tout le territoire. Je regrette toutefois que nous manquions d'outils statistiques de suivi adaptés pour mieux cibler les aides. Plus généralement, nos outils sont trop statiques, pas assez dynamiques. Il conviendrait de pouvoir ajuster les mesures en fonction des territoires, d'agir de manière horizontale, non verticale, que les aides soient pilotées par les préfectures ou les collectivités pour qu'elles aillent là où c'est vraiment utile. On éviterait ainsi d'arroser trop large tout en ayant une perte en ligne importante et une dette qui s'accroît.
Monsieur Canévet a posé la question de la baisse de la dépense. Le PLFR d'été qui suit des élections sert souvent à la nouvelle majorité à marquer ses ambitions. Cette fois, le contexte est un peu différent. Le Président de la République ne dispose que d'une majorité relative. Surtout, l'inflation, et notamment les prix de l'énergie, explose. Alors que nous sortons à peine de deux crises majeures, celle des « gilets jaunes » et celle du covid, nous devons être particulièrement vigilants. Nos propositions de réduction de la dépense ne seraient pas forcément entendues. Mieux vaudra les défendre dans le prochain projet de loi de finances. Je poursuis en attendant mon combat, comme je le fais depuis deux ans, pour éviter les réserves de budgétisation. Je suis attentivement les actions du Gouvernement sur le fléchage et le suivi de la dépense.
Monsieur Laménie, le PLFR prévoit 2 milliards de subventions « exceptionnelles » pour France compétences. Mais l'exception a tendance à se renouveler chaque année. Le problème est double. Il est d'abord d'ordre démographique puisque les générations qui entrent sur le marché du travail sont moins nombreuses que celles qui le quittent. Il est lié ensuite à la destructuration du marché de l'emploi. Les gens changent davantage de métiers et plus tôt. Il faut donc développer les passerelles. Le plan « Un jeune, une solution » a engendré une inflation de besoins, tandis qu'il a fallu rattraper les retards pris en 2020 en matière d'apprentissage.
En ce qui concerne les trains d'équilibres du territoire, les crédits s'élèvent à 1,7 milliard d'euros au total, dont 1,3 milliard d'euros dans le texte, le reste étant probablement financé par redéploiement de crédits. En outre, près de 10 millions d'euros sont prévus pour les opérations « Quartiers d'été » et « Quartiers solidaires », soit quatre fois moins qu'en 2021. Le dispositif existe depuis quatre ans. Il serait d'ailleurs judicieux de réfléchir à son élargissement au-delà du périmètre de la politique de la ville.
On m'a interrogé sur les mesures d'économie. Je rappelle par exemple que nous n'avions pas voté l'indemnité inflation, car nous considérions que verser 100 euros à 38 millions de personnes s'apparentait à du saupoudrage. Nous proposions plutôt des mesures ciblées sur 10 ou 12 millions de Français.
La suppression de la contribution à l'audiovisuel public relève de la même démarche que la suppression de la taxe d'habitation : on annonce une mesure, mais sans réflexion préalable. L'affectation de TVA qui la remplace ne devrait plus être possible passé le 1er janvier 2025, en vertu de la révision de la LOLF que nous avons votée. J'espère que le Gouvernement utilisera ces deux années pour mener une véritable réforme de l'audiovisuel public associée à un mode de financement adapté, en suivant les pistes avancées par notre mission conjointe de contrôle avec la commission de la culture sur le financement de l'audiovisuel public.
Monsieur Delahaye, le montant de l'ensemble des mesures prises et envisagées pour répondre à l'accélération de l'inflation représente presque la moitié du montant des dépenses engagées pour la relance et le soutien face à la crise sanitaire en 2021.
Quant aux « superprofits », je n'en ai pas la définition...