Intervention de Sophie Charles

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 12 juillet 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde guyane

Sophie Charles, présidente de la communauté de communes de l'Ouest guyanais :

La communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG) représente une superficie de 40 000 kilomètres carrés et comprend un certain nombre de communes totalement enclavées, c'est-à-dire non reliées par la route : soit au total, huit communes, dont quatre littorales et quatre non reliées par la route. La collecte des déchets est donc extrêmement problématique.

Il y a plusieurs sujets. D'abord, il y a un déficit d'infrastructures. Le problème n'est pas un problème de réhabilitation mais de non-réalisation d'un certain nombre d'entre elles. Il faut des financements par les fonds européens, et que ceux-ci soient sanctuarisés. Aujourd'hui, on nous demande d'améliorer ce qui n'existe pas !

Par ailleurs, au niveau de l'Etat, les agents sont davantage axés sur le contrôle plutôt que sur l'aide des collectivités, et en particulier s'agissant de la CCOG. Le plan d' «urgence» en faveur du Maroni date de 2011 et nous en sommes à peine, en 2022, à sa réception !

Notre territoire a des difficultés spécifiques, à la fois physiques, d'enclavement, mais aussi financières, car collecter les déchets d'une commune littorale reliée par la route, n'a rien à voir avec le fait de collecter sur un périmètre de plusieurs centaines de kilomètres. Le territoire de la Guyane est très étendu, et dans les zones qui ne sont pas répertoriées comme zones urbanisées, les dépôts sauvages se multiplient.

S'ajoute à cela une faiblesse de la fiscalité puisque la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) collectée sur le territoire de la CCOG ne couvre que 25 % du coût de la compétence, ce qui est extrêmement préjudiciable. En effet, la TEOM est basée sur la valeur locative associée à la taxe foncière. Or, la valeur locative dans les communes de la CCOG, notamment celles qui sont proches du fleuve ou dans les communes enclavées, est extrêmement faible. Cette fiscalité rapporte donc très peu et nous devons supporter directement 75 % du coût de la compétence avec nos fonds dédiés au fonctionnement. Cette situation n'est pas tenable : au fur et à mesure que se développe la collecte de déchets, la compétence coûte de plus en plus cher et la TEOM n'augmente pas. Il est primordial que nous puissions bénéficier soit d'une subvention d'équilibre, soit d'une partie de la péréquation spécifiquement dédiée aux déchets, de manière à ce que l'on ne puisse pas nous opposer : « on a augmenté la péréquation pour l'intercommunalité et puis ça suffit ».

S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la Guyane et Mayotte bénéficient aujourd'hui d'un régime dérogatoire. Il est vital que ce régime puisse être prolongé de quinze ans, ce qui correspond à la durée des investissements à réaliser pour mettre à niveau nos infrastructures de collecte et de traitement des déchets.

Par ailleurs, les modalités de paiement de la TGAP ont changé. Auparavant, nous payions la TGAP annuellement. Aujourd'hui, on nous demande un acompte sur la TGAP de l'année suivante, ce qui fait que sur une année, on paye l'année en cours, plus l'acompte de l'année suivante. Or, normalement, dans les collectivités, nous payons sur service fait, et j'ai du mal à comprendre cette logique du paiement de la TGAP.

S'agissant de l'aide financière aux investissements, le programme opérationnel est nettement sous-dimensionné, et ne prévoit que 10 millions d'euros pour toute la Guyane sur les projets liés à la gestion des déchets. La simple mise à niveau de la CCOG nécessite 56 millions d'euros d'investissement. On fait avec ce qu'on a, mais on ne pourra pas faire avec ce qu'on n'a pas !

Nous avons en outre des difficultés de recrutement en ingénierie très prégnantes en Guyane, en raison notamment du manque d'attractivité du territoire.

Autre point, la coopération régionale avec le Surinam dont nous partageons la frontière et qui ne possède pas les même normes que nous. Nous récupérons des plastiques et nombre de déchets qui viennent de l'extérieur, car les gens traversent le bassin de vie du Maroni qui est un lieu de commerce. Un travail particulier de coopération internationale serait donc nécessaire pour traiter la question des déchets de part et d'autre.

Concernant les éco-organismes , c'est facile de dire : « on ne peut pas faire parce qu'on n'a pas les structures ». Citeo récupère une part du tri. Aujourd'hui, la tonne de tri coûte 6 520 euros à la CCOG, et la tonne de tri collectée par Citeo ne correspond qu'à 1,5 % du total de ce qu'on aurait à traiter, soit une partie infinitésimale par rapport à la gestion globale, et le coût est extrêmement élevé, parce que je rappelle que ces déchets qui sont collectées repartent en métropole par le bateau. Il y a une réglementation à revoir, parce qu'on ne peut pas collecter des déchets pour les ramener dans l'Hexagone avec l'impact carbone que cela implique. Les bouteilles d'eau et les canettes viennent de l'Hexagone et repartent vides dans l'Hexagone ! Je rappelle qu'on ne collecte pas le papier, on ne collecte que le verre, les canettes et le plastique.

Tout ce qui concerne le tri et l'économie circulaire n'est à mon avis pas du tout opérationnel. On peut peut-être tout simplement, quand les choses ne sont pas en place, obliger les grandes enseignes qui vendent de l'électroménager à récupérer l'électroménager avant de revendre du neuf. Pour l'électroménager qui vient du Surinam, nous ne pourrons pas faire grand chose.

Nous envisageons également de recruter une personne dédiée à l'économie circulaire, parce que c'est une stratégie qui, à mon sens, a un avenir.

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