Intervention de Nicolas Garnier

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 7 juillet 2022 à 9h00
Table ronde sur le thème : « les collectivités territoriales face à la hausse du coût des énergies »

Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce :

Je rebondis sur notre échange précédent : quand on gagne 300 mégawattheures, qui les économise en réalité ? Il y a là, peut-être, des marges de manoeuvre qui permettraient de répondre à la question de savoir où trouver l'argent... Ces 300 mégawattheures, en l'espèce, ce sont les Français qui les économisent.

Pour ce qui est du mix énergétique, il faut se garder du biais qui consiste à ne parler que d'électricité. Je rappelle que le transport et le chauffage représentent chacun 40 % des besoins énergétiques de la France. Il faut donc avant tout travailler sur les mix énergétiques de ces deux secteurs. Or les bouquets énergétiques du chauffage et du transport sont respectivement composés aux deux tiers et à 90 % de formes carbonées. Le mix énergétique électrique est un sujet important, mais secondaire. Le sujet essentiel, avec celui de l'efficacité énergétique, est celui du mix énergétique utilisé pour se chauffer et pour se déplacer.

Quid des propositions ? Les collectivités locales font énormément de choses ; la clé, désormais, c'est la généralisation des pratiques - je pense à la réduction de l'éclairage de nuit. En matière de rénovation du patrimoine, deux demandes simples sont formulées : la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) comme les moyens alloués au dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E) sont très nettement insuffisants ; il faut les doubler, voire les tripler.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, la priorité est de déployer les réseaux de chaleur. L'Ademe est en train de lancer un appel à projets très ambitieux intitulé « une ville, un réseau ». Il y a encore en France plus de 500 villes de 10 000 à 50 000 habitants dépourvues de réseau de chaleur. Or un réseau de chaleur est la garantie d'une énergie locale, non importée, non carbonée, non tributaire des aléas du marché, dont le prix n'augmente pas de 400 % dans l'année. La réappropriation de la production et de la distribution d'énergie passera par le recours à des énergies locales, qui sont des énergies thermiques ; de ce point de vue, il faut sortir de l'« électrocentrisme ». Ce qu'on voit se développer en masse dans le pays, ce sont des pompes à chaleur air-air de mauvaise qualité, qui créeront de la dépendance et de la précarité énergétiques ; l'électricité doit être réservée à des usages beaucoup plus nobles que le chauffage.

Quant à l'électricité renouvelable, il faut en répartir la production dans toute la France. Les blocages actuels sont liés au fait que l'éolien s'est développé quasi uniquement dans le nord du pays. Chaque région doit faire sa part du « job » ; il faut régionaliser les efforts et les dispositifs financiers ! Il est indispensable également de promouvoir les formes nouvelles de coproduction, de coconsommation et d'autoconsommation, via les sociétés d'économie mixte à opération unique (Sémop) par exemple.

Un mot sur le biogaz et la chaleur fatale : il est temps de s'extraire des carcans. Les gisements sont énormes : à mesurer le potentiel énergétique de la valorisation des déchets, on obtient l'équivalent de 1 500 éoliennes ou d'une tranche nucléaire. Il faut lancer un grand plan d'utilisation obligatoire de cette chaleur disponible, pour les data centers en particulier.

Il est urgent également d'accorder aux collectivités intercommunales et régionales les moyens dont elles ont besoin pour financer les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), des contrats de performance énergétique (CPE), des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), via l'affectation d'une part de la fiscalité carbone. À quatre reprises vous avez voté cette mesure en projet de loi de finances ; à quatre reprises vous avez été déjugés par l'Assemblée nationale, la dernière fois à trois voix près.

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