Intervention de Philippe Folliot

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 21 juillet 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde terres australes et antarctiques françaises taaf

Photo de Philippe FolliotPhilippe Folliot :

En 2016, j'ai participé à une rotation à Kerguelen et j'ai assisté à une opération qui mérite réflexion, car elle témoigne d'une vision un peu extrémiste de la gestion des déchets.

Quelques années plus tôt, une introduction de moutons avait eu lieu sur l'île Longue, juste en face de Port Jeanne d'Arc. Pour préserver l'écosystème, une clôture avait été mise en place pour séparer l'île en deux : les moutons occupaient tantôt une partie de l'île, tantôt l'autre. Pour des raisons diverses et variées, il a été décidé de mettre fin à cette expérience et les moutons ont été tués. Du point de vue de l'autonomie alimentaire, cette décision interroge, mais la logique qui prévalait était d'avoir le moins d'espèces invasives possible, d'autant que des milliers de cerfs, introduits naturellement, avaient envahi toutes les îles Kerguelen. À la différence du mouton, le cerf nage ! Mais ceci est une parenthèse.

Lorsque cette décision a été prise, il a également fallu se débarrasser de la clôture qui gênait les oiseaux. Or, il a été décidé de ramener cette clôture dans l'Hexagone ! J'ai assisté moi-même à la manoeuvre qui consistait, avec un hélicoptère, à prendre les ballots de grillage et les mettre sur le Marion Dufresne. Ensuite, ils ont été évacués vers l'île de La Réunion, mais celle-ci ne disposant pas d'une capacité de recyclage, ils ont été transportés jusque dans l'Hexagone. Très honnêtement, je m'interroge sur le bilan écologique d'une telle décision, alors que juste en face de l'île Longue, à port Jeanne d'Arc, se trouvent des milliers de tonnes de fer rouillé issus de l'ancienne base baleinière norvégienne. Il me semble qu'on aurait pu soit les stocker avec, soit les immerger : après tout, il y a des épaves à proximité et le fer n'est pas un déchet toxique à proprement parler.

À l'époque, j'avais écrit à votre prédécesseur, lui faisant un compte rendu de mission, avec quelques éléments de réflexion. J'avais alors préconisé de faire davantage appel au bon sens paysan : en l'occurrence, il aurait permis des économies tant sur le plan budgétaire qu'au niveau du bilan environnemental de l'opération.

Voilà pour cette parenthèse qui, sans être totalement dans notre sujet, s'en approche de près.

Je confirme par ailleurs que nous sommes dans des territoires extrêmes et qu'en tout état de cause, dans l'ordre des priorités, il y a la sauvegarde des personnes, puis la sauvegarde des moyens et matériels et, enfin, les déchets, qui arrivent un peu après, ce qui n'est pas illogique.

Au sein du Conseil consultatif, il y a une réelle prise en considération de la problématique, car un des objectifs relatifs aux TAAF est de profiter de leur petite taille pour en faire des modèles en matière de développement durable. Les contraintes de logistique et les aléas météorologiques complexifient cependant parfois la tâche.

Il arrive que le mieux soit l'ennemi du bien. Tentons de garder le juste équilibre entre ce qui participe d'une réduction à la source des déchets, de leur tri et récupération, et les logiques hexagonales qui ne sont pas forcément adaptées à ces territoires. En ce sens, il faut laisser au préfet la capacité d'organiser les choses au mieux et avec bon sens.

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