Le Sénat a adopté vendredi soir le projet de loi que notre CMP examine ce lundi après-midi. Comme à l'Assemblée nationale, l'examen des articles a été réparti entre plusieurs commissions : la commission des affaires sociales, la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La commission des finances s'est saisie pour avis compte tenu de l'impact financier du projet de loi.
S'agissant des dispositions examinées au fond par la commission des affaires sociales, j'évoquerai les votes du Sénat et les échanges que nous avons eus ce week-end avec notre collègue Charlotte Parmentier-Lecocq au sujet des articles 1er à 5 ter et avec notre collègue Maud Bregeon au sujet de l'article 15. Ces échanges, animés d'un esprit constructif, nous ont permis de rapprocher nos points de vue.
En ce qui concerne l'article 1er, relatif à la prime de partage de la valeur (PPV), le Sénat a adopté plusieurs amendements qui modifient de façon assez substantielle le régime de la prime. Il s'agissait de préciser des détails, parfois importants, comme le nombre maximal de versements de la PPV au cours d'une année, l'application du dispositif aux entreprises de travail temporaire et la date d'entrée en vigueur, que nous avons choisi d'avancer au 1er juillet afin d'inclure les entreprises ayant déjà procédé au versement d'une prime, mais aussi, plus fondamentalement, de mettre fin au dispositif au 31 décembre 2023, compte tenu du risque de substitution de la PPV à d'autres éléments de rémunération.
Dans le texte du Sénat, seules les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne versent presque pas d'intéressement, auraient pu utiliser la PPV dans le cadre du régime fiscal et social de l'intéressement. En conséquence, nous avons renommé la PPV « prime de pouvoir d'achat ».
Comme Mme Parmentier-Lecocq pourra le confirmer, nos échanges durant le week-end ont permis de rapprocher nos points de vue, sur la base du texte de l'Assemblée nationale, pour aboutir à une prime pérenne, dénommée « prime de partage de la valeur », en intégrant plusieurs apports du Sénat.
Une deuxième divergence est apparue au sujet de l'article 1er bis, introduit par le Sénat, qui prévoit une réduction des cotisations salariales et patronales sur la majoration de rémunération au titre des heures supplémentaires. Dans notre esprit, cette disposition, très complémentaire de la réduction d'impôt figurant dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 en cours de discussion, a pour objet de rendre effectifs les gains de pouvoir d'achat que les employés volontaires tireront des heures supplémentaires. Ces gains n'existeront pas si les employeurs ne proposent pas à leurs salariés d'effectuer des heures supplémentaires en raison d'un trop fort surcoût. Au terme de nos négociations, nous proposons de conserver le dispositif en le recentrant sur les entreprises de moins de 250 salariés.
Troisième point de divergence : la négociation collective de branche sur les salaires. Nous sommes parvenus à un compromis concernant les articles 4 et 4 bis.
Nous proposons d'adopter l'article 4, supprimé par le Sénat, dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale. Seraient ainsi conservées l'incitation, pour les partenaires sociaux, à négocier par le biais de la restructuration des branches, et la réduction, de trois mois à quarante-cinq jours, du délai en deçà duquel la partie patronale doit engager des négociations lorsque les minima de branche passent sous le SMIC.
Par ailleurs, le texte que nous vous soumettons conserve l'article 4 bis, introduit par le Sénat en commission, qui vise à accélérer la procédure d'extension des accords salariaux lorsque plusieurs revalorisations du SMIC sont intervenues dans les douze derniers mois. En revanche, nous reviendrons sur la réduction des délais d'opposition que le Sénat avait proposée. En renvoyant les branches et l'État à leurs responsabilités respectives, ce compromis me semble équilibré.
Le Sénat a approuvé, à l'article 5, la revalorisation anticipée de 4 %, au 1er juillet, de nombreuses prestations, allocations et aides sociales. Toutefois, nous avons veillé à préciser le mécanisme d'imputation de ce taux sur le coefficient de droit commun applicable lors des prochaines revalorisations annuelles, au 1er janvier ou au 1er avril, ainsi que les modalités de la revalorisation des bourses de l'enseignement secondaire. Ces précisions figurent dans le texte que nous vous proposons d'adopter.
S'agissant de l'article 2, qui prévoit un renforcement de la réduction des cotisations maladie et maternité des travailleurs indépendants, nous vous soumettons une rédaction commune reprenant les clarifications apportées par le Sénat dans un souci de sécurité juridique. Il s'agit notamment d'inscrire dans la loi la possibilité, pour les jeunes agriculteurs, d'exercer un droit d'option entre cette réduction et l'exonération partielle de cotisations sociales dont ils bénéficient pendant leurs cinq premières années d'activité, afin qu'un agriculteur en cours d'installation ne cotise jamais davantage qu'un agriculteur installé de longue date.
Nous avons approuvé l'article 3, qui vise à faciliter la diffusion de l'intéressement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, bien que son effet sur le pouvoir d'achat des ménages soit très indirect. Le Sénat a apporté deux modifications que nous vous proposons de conserver.
La première consiste, pour le calcul de l'intéressement, à assimiler les périodes de congé de paternité à des périodes de présence en entreprise, au même titre que les périodes de congé de maternité, d'adoption ou de deuil. La deuxième modification limite à quatre mois, au lieu de six, le délai laissé à l'administration pour l'agrément des accords de branche relatifs à l'intéressement, à la participation ou instituant un plan d'épargne salariale. Nous vous proposerons de préciser que le délai peut être prorogé une fois, pour une durée maximale correspondant à la moitié du délai initial, soit deux mois.
Le Sénat a introduit un article 3 bis permettant le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale jusqu'à la fin de l'année, dans la limite de 10 000 euros, afin de soutenir les ménages faisant face à des dépenses difficiles à supporter, en particulier à la rentrée scolaire. Nous vous proposerons de conserver cette disposition, en précisant qu'elle s'appliquera à tous les bénéficiaires d'un plan d'épargne entreprise, c'est-à-dire principalement les salariés mais aussi certains chefs de petites entreprises, conjoints collaborateurs et conjoints associés.
Je me réjouis que l'article 3 ter, qui tend à assouplir temporairement les règles d'utilisation des titres-restaurant, puisse être adopté dans la rédaction issue du Sénat. Avec le relèvement du plafond d'utilisation quotidien, annoncé par le Gouvernement, et l'augmentation du plafond d'exonération de charges prévue dans le collectif budgétaire, l'équilibre global des aménagements du titre-restaurant me semble apporter une facilité bienvenue aux bénéficiaires sans porter préjudice aux professions concernées.
L'article 5 ter, inséré par l'Assemblée nationale en vue de régulariser la lettre interministérielle du 25 mars 2022, permettra aux retraités exerçant un mandat local et ouvrant, à ce titre, des droits à pension auprès de l'Ircantec, de bénéficier des minima de pension sans devoir renoncer à leur engagement public pour liquider l'ensemble de leurs pensions. Le Sénat a souhaité en profiter pour donner une base légale à une autre lettre interministérielle, datée du 8 juillet 1996, aux termes de laquelle ces mêmes retraités exerçant un mandat local cotisent auprès de l'Ircantec et ouvrent des droits à pension en contrepartie. Nous vous proposons de retenir la rédaction adoptée par le Sénat afin de sécuriser, sur le plan juridique, le cumul emploi-retraite des élus locaux.
Enfin, pour assurer la reprise temporaire d'activité de centrales à charbon face aux risques d'approvisionnement en électricité, le Sénat a adopté l'article 15, qui permettra à l'exploitant concerné de recruter des salariés et d'anciens salariés à titre temporaire, selon des règles dérogatoires adaptées et sécurisées. Nous proposerons de retenir la formulation du Sénat, qui n'a apporté à cet article que de simples modifications rédactionnelles.