Je suis satisfaite que notre travail commun porte ses fruits au bénéfice des Français. Améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens aussi rapidement que possible dans un contexte macroéconomique international particulièrement troublé : tel était notre engagement. En présentant dès le début de la session extraordinaire un projet de loi en ce sens, le Gouvernement a démontré sa volonté de poursuivre l'action engagée depuis plusieurs mois pour combattre les effets de l'inflation qui touche l'Europe, sans s'y limiter.
Ce projet de loi, l'Assemblée nationale et le Sénat l'ont tour à tour enrichi, guidés par le souci d'apporter des réponses fortes et concrètes aux difficultés que rencontrent nos concitoyens. Si la commission mixte paritaire adopte le texte sur lequel chacune de nos chambres a travaillé dans un esprit constructif, nous pourrons nous féliciter d'avoir accompli pleinement notre mission. À ce titre, je salue le travail de l'ensemble de mes collègues rapporteurs : pour le Sénat, Mme Frédérique Puissat, M. Daniel Gremillet et M. Bruno Belin ; pour l'Assemblée nationale, Mmes Maud Bregeon et Sandra Marsaud.
S'agissant du travail que j'ai mené en amont de cette CMP, je remercie Mme Puissat et M. Belin pour la qualité de nos échanges, en dépit des délais très restreints auxquels nous étions contraints. Nous avons pu améliorer la rédaction du texte mais aussi trouver un compromis de fond sur les sujets qui vous tiennent à coeur et ceux que nous souhaitions traiter. Au-delà de nos clivages, je pense pouvoir dire que nous avons su travailler au service de la protection du pouvoir d'achat des Français.
Au titre de mes fonctions de rapporteure pour l'Assemblée nationale sur les articles 1er à 5 ter, 20, 20 bis et 21, je reviendrai rapidement sur le texte que nous vous proposons d'adopter avec mon homologue du Sénat.
S'agissant de l'article 1er, nous avons travaillé, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, au renforcement du dispositif de prime de partage de la valeur en l'encadrant par des règles claires. Nous garantissons en parallèle que le dispositif reste le plus simple possible afin qu'il soit largement utilisé, au profit du pouvoir d'achat des salariés. Un rapport devra notamment être présenté au Parlement par le Gouvernement, au plus tard le 31 décembre 2024, sur l'efficacité de la prime. En outre, les entreprises qui ont versé une prime dès le mois de juillet ne seront pas pénalisées.
L'article 1er bis est issu d'une initiative de son rapporteur au Sénat, en commission des affaires sociales. Mme Puissat vous la présentera. Il s'agissait de l'un de nos points de divergence les plus importants puisque cette disposition me paraissait plutôt porter sur la question de la compétitivité des entreprises. Nous sommes convenues d'adopter un dispositif plus encadré, ce qui me semble de bon aloi.
L'article 2 a été seulement modifié par des amendements rédactionnels qui n'en changent pas la philosophie : il s'agit de permettre un gain de pouvoir d'achat de 550 euros par an pour les travailleurs indépendants. Le dialogue entre nos deux assemblées a notamment permis d'intégrer un droit d'option pour les jeunes chefs d'exploitation agricole afin qu'ils puissent choisir, parmi les exonérations qui leur sont applicables, le dispositif le plus favorable.
À l'article 3, qui vise à faciliter la diffusion de l'intéressement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, le Sénat a effectué deux ajouts sur proposition de Mme Puissat : le premier vise opportunément à faire en sorte que les périodes de congé de paternité soient, comme les périodes de congé de maternité, assimilées à des périodes de présence dans l'entreprise ; le second vise à ramener de six à quatre mois le délai maximal laissé à l'autorité administrative pour procéder à l'agrément d'un accord de branche d'intéressement. Sur ce point, si l'accélération de la procédure va dans le bon sens, il est apparu opportun d'inscrire dans la loi la possibilité d'une prorogation du délai, pour une durée que nous invitons les membres de la CMP à fixer à deux mois.
L'article 3 bis, introduit dans le projet de loi par la commission des affaires sociales du Sénat sur proposition de son rapporteur, ouvre aux salariés la possibilité de demander jusqu'au 31 décembre 2022 le déblocage anticipé des sommes distribuées au titre de la participation et de l'intéressement en vue de financer l'achat de biens ou la fourniture de prestations de services. Je considère que ce dispositif est suffisamment encadré pour pouvoir être retenu, moyennant une modification que nous soumettrons à votre approbation.
L'article 4, que nous vous proposons de rétablir, vise à donner au ministre du travail un levier d'action supplémentaire en faveur de l'augmentation des salaires les moins élevés. Il permettra, dans un contexte de revalorisations fréquentes du SMIC, de contraindre les branches à assurer un rehaussement régulier de leurs minima, à défaut de quoi leur restructuration pourra être envisagée. Enrichi à l'Assemblée nationale par l'adoption en commission, à l'unanimité, d'un amendement proposé par MM. Viry et Colombani, cet article vise également à réduire de moitié le délai de trois mois dans lequel les branches doivent ouvrir des négociations lorsque leurs minima se retrouvent inférieurs au niveau du SMIC. Ce dispositif envoie un message clair à l'attention des partenaires sociaux, qui doivent intensifier le dialogue social dans le contexte de la hausse des prix.
L'article 4 bis, introduit par la commission des affaires sociales du Sénat à l'initiative de sa rapporteure, complète utilement l'article 4 puisqu'il permet d'accélérer le processus d'extension d'avenants sur les salaires à l'ensemble des entreprises d'une branche en période de forte inflation. Cet article vise, lorsque le SMIC augmente plusieurs fois au cours d'une année, à limiter à une durée maximale de deux mois la procédure accélérée d'extension d'un avenant sur les salaires. Compte tenu des discussions que nous avons eues avec Mme Puissat, nous proposerons à la CMP d'écarter la réduction, retenue par le Sénat, des délais d'opposition des organisations syndicales et patronales à l'entrée en vigueur et à l'extension de l'avenant, jugée trop restrictive.
L'article 5 permet de revaloriser de 4 % près de cinquante prestations sociales dès cet été, sans attendre les revalorisations annuelles de 2023. Sur proposition de Mme Puissat, la rédaction de cette disposition a été précisée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Même si nous n'aurons pas à nous prononcer sur l'article 5 bis, qui acte la déconjugalisation de l'AAH, je souhaite revenir sur cette mesure. Introduite par l'Assemblée nationale, en séance publique, elle résulte d'un amendement soutenu par la quasi-totalité des groupes parlementaires et par le Gouvernement. Son adoption fait suite à un intense travail de coconstruction nourri par les réflexions menées depuis plusieurs années par des députés et sénateurs de tous horizons politiques. Je pense, notamment, à notre collègue sénateur Philippe Mouiller, qui siège parmi nous et dont je salue l'engagement en la matière.
L'article 5 ter, quant à lui, est issu d'un amendement adopté par l'Assemblée en séance publique, à l'initiative de M. Chassaigne et du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES. C'est une mesure de bon sens pour encourager la démocratie locale. Le Sénat, à l'initiative du rapporteur, a complété ce dispositif en inscrivant dans la loi un principe qui était jusqu'ici prévu par voie de lettre ministérielle. Là encore, je ne vois rien à redire à cet ajout de bon sens.
L'article 20, qui étend le mécanisme d'indexation dit gazole aux énergies alternatives utilisées par les transporteurs routiers, a été peu modifié par l'Assemblée nationale et le Sénat, hors amendements rédactionnels et de précision.
L'article 20 bis, issu des travaux du Sénat en commission, instaure un prêt à taux zéro pour l'achat de véhicules lourds peu polluants affectés au transport routier de marchandises. L'introduction de ce dispositif a semblé prématurée, une feuille de route sur la décarbonation du transport routier de marchandises, prévue par la loi « climat et résilience », étant en cours d'élaboration. C'est pourquoi je vous proposerai plutôt de demander au Gouvernement d'évaluer l'opportunité du dispositif de prêt à taux zéro avec l'ensemble des parties prenantes du secteur dans le cadre de l'élaboration de la feuille de route, attendue pour janvier 2023.
L'article 21, issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, dans des délais contraints, visait à légaliser le recours à l'huile alimentaire usagée (HAU) comme carburant. Il a fait l'objet d'une réécriture au Sénat pour demander un rapport au Gouvernement sur les conséquences d'une telle utilisation. Si l'idée me semble toujours aussi prometteuse, je souscris à la demande d'une évaluation préalable compte tenu des incertitudes quant aux risques sanitaires, techniques et environnementaux du recours à l'HAU, qu'il nous faut lever avant d'envisager toute légalisation à grande échelle. Nous avions d'ailleurs déposé des sous-amendements dans ce but.
En conclusion, je vous inviterai, mes chers collègues, à adopter le texte issu des travaux de cette commission mixte paritaire. Nous prouverons ainsi que nous pouvons, lorsque le pouvoir d'achat de nos concitoyens est en jeu, dépasser, au moins temporairement, nos divergences d'opinions.