À défaut de vérification, l’organisme prêteur serait responsable de la non-solvabilité éventuelle du souscripteur et ne pourrait donc pas engager de procédure de recouvrement.
Dès lors, il s’avère nécessaire de rendre obligatoire un délai d’agrément de sept jours, tant pour l’établissement de crédit que pour l’emprunteur, afin de laisser au premier le temps de procéder à l’étude de la solvabilité du second, et au second celui de prendre conscience des contraintes du contrat qu’il s’apprête à signer.
Il convient par conséquent de donner les moyens aux établissements de crédit de s’informer de la situation d’endettement personnelle des emprunteurs.
La création d’un répertoire des crédits contractés par les particuliers pour des besoins non professionnels s’impose donc. Son financement pourrait être assuré par les établissements financiers lors de chaque consultation. La mise en place d’un tel fichier positif d’endettement est, à mes yeux, absolument indissociable de la lutte contre le surendettement.
Les travaux parlementaires attestent que cette question s’est posée dès l’élaboration de la loi relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, dite loi Neiertz. À l’époque, seule la proposition de créer un fichier négatif, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, a été retenue, cette position ayant été maintenue lors des réformes successives de notre législation sur le surendettement.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, refuse d’autoriser la création d’un fichier positif, considérant que les caractéristiques du traitement ne sont pas proportionnées aux finalités associées. Elle a rappelé que seul le législateur a compétence pour se prononcer sur l’utilité sociale de la constitution de fichiers positifs dans le secteur du crédit.
Cependant, en raison de traditions aussi bien historiques que politiques, plusieurs d’entre nous répugnent encore à admettre la création de tels fichiers, au motif de protéger les individus de toute intrusion dans leur vie privée. Comme si les personnes en situation de surendettement ne subissaient pas de telles intrusions !
Pourtant, les expériences des autres pays de l’Union européenne, où les libertés fondamentales sont aussi bien garanties qu’en France, montrent que cette crainte est infondée, et notre arsenal législatif est de nature à préserver le respect des droits et libertés du débiteur.
Le Royaume-Uni fait coexister fichier négatif et fichier positif. Ce double mécanisme permet de connaître non seulement l’ensemble des charges pesant sur une personne déterminée, mais aussi sa diligence à exécuter le paiement de ses dettes.
En Allemagne, la création d’un fichier positif remonte aux années vingt. L’autorisation expresse du particulier est requise pour qu’il y soit inscrit.
Aux Pays-Bas, il existe un fichier positif, fondé en 1965 par les établissements financiers eux-mêmes, et qui doit obligatoirement être consulté avant l’octroi de tout crédit.
Quant à la Belgique, longtemps réfractaire à cette idée, elle a instauré en janvier 1999 un fichier positif tenu par la Banque nationale de Belgique.
La mise en œuvre de tels fichiers chez nos voisins n’a pas provoqué la colère des associations de protection des droits de l’homme, ni suscité de litiges relatifs à d’éventuelles atteintes à la vie privée.
La prévention du surendettement réside également dans des actions générales d’information et d’éducation.
Il est souhaitable de prévoir une information d’un nouveau type, qui serait délivrée par les établissements financiers à leurs clients et qu’il conviendrait de dissocier de tout document ayant une valeur contractuelle. Le cadre de cette information dépasserait celui de l’offre de crédit. Elle prendrait la forme d’une notice ou d’une brochure, dont le contenu devrait être pédagogique et défini d’un commun accord entre professionnels du crédit et associations de consommateurs.
Les relevés bancaires devraient être plus simples et plus explicites. Combien de nos compatriotes ignorent que la colonne « débit » est celle des dépenses et que le chiffre au bas de cette colonne, qui n’est pas précédé du signe « - », est le montant de leur découvert !
À l’ouverture d’un compte bancaire, courant comme de retrait, des conseillers devraient être spécialement chargés de présenter à leurs clients toutes les informations liées à la bonne gestion de leur compte et de leur remettre la brochure d’information susvisée.
De même, les collectivités territoriales peuvent intervenir sur ce plan. On sait notamment que les mairies jouent un rôle essentiel pour informer leurs administrés et prévenir les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, qu’elles soient juridiques ou sociales.
Ainsi, sur le modèle des consultations en fiscalité assurées gratuitement en mairie par des avocats ou des experts-comptables, une assistance gratuite aux particuliers en matière de gestion du budget familial pourrait être assurée, de la même manière, par des professionnels. Les établissements financiers seraient chargés de la mise en œuvre de tels dispositifs.
Surtout, à l’école, au collège et au lycée, un apprentissage de la gestion quotidienne d’un budget familial devrait être dispensé.
Un accent particulier devrait aussi être mis sur les dangers que représentent les incitations à la consommation, notamment en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Voilà, monsieur le secrétaire d’État, très rapidement exposées, toutes les actions de prévention du surendettement qui me semblent indispensables. Nombre d’entre elles figuraient déjà dans la proposition de loi que j’avais déposée en février 2006. Je tiens à souligner qu’elles sont proches des recommandations formulées par le Conseil économique et social dans un rapport sur le surendettement des particuliers publié en 2007.
La Commission européenne se place également sur cette ligne. Les dispositions de la directive européenne relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs, adoptée le 23 avril dernier, rejoignent mes propositions, notamment sur l’amélioration de la publicité, la mise en place d’une obligation générale de conseil et la création d’un fichier positif d’endettement.
Monsieur le secrétaire d’État, le 3 décembre dernier, le Président de la République a confié à Mme Christine Lagarde et à M. Martin Hirsch la mission de préparer une réforme des procédures de traitement du surendettement.
J’ai retenu que cette réforme porterait sur la réduction de l’hétérogénéité des pratiques selon les départements, sur la durée des procédures et sur l’amélioration du recours à la procédure de rétablissement personnel, afin d’en faire une réelle « seconde chance ».
Ces pistes de réforme du traitement du surendettement sont, sans nul doute, importantes, mais, de nouveau, la prévention s’avère être la grande absente.
Monsieur le secrétaire d’État, mes questions seront simples et directes : comment entendez-vous remédier à cette lacune ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour qu’une véritable politique de prévention du surendettement soit mise en œuvre ?
Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d’État, de vos réponses.