Intervention de Luc Chatel

Réunion du 10 décembre 2008 à 16h00
Prévention du surendettement — Discussion d'une question orale avec débat

Luc Chatel, secrétaire d'État :

C’est déjà beaucoup trop, en effet, d’autant que ces crédits ont souvent été contractés dans des délais extrêmement réduits. Voilà de quoi nous inciter davantage encore à accélérer la réforme que je vais vous présenter.

Il y a quelques mois, Christine Lagarde a demandé à la Banque de France de piloter une réforme ambitieuse du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, pour que celui-ci passe en « temps réel » d’ici à la fin de l’année qui vient. Cette réforme permettra d’améliorer l’efficacité du FICP dans la lutte contre le surendettement.

Nous avons souhaité qu’un nouveau droit d’accès à distance aux informations du FICP soit ouvert. S’agissant d’un fichier dans lequel figurent 2, 4 millions de personnes, c’est une avancée significative pour les consommateurs. Chacun pourra ainsi interroger à distance la Banque de France pour savoir s’il est inscrit dans ce fichier et connaître la durée de son inscription.

En complément, nous avons demandé à la Banque de France de créer un guichet de traitement rapide et efficace des réclamations des personnes contestant l’information contenue dans le fichier. Il faut aujourd’hui se déplacer physiquement dans une succursale de la Banque de France pour savoir si l’on est inscrit au fichier.

Enfin, parce que les banques doivent pouvoir disposer en temps réel des informations relatives aux incidents concernant les consommateurs visés par ces dispositions, les délais seront raccourcis.

Le traitement du surendettement est le deuxième pilier de la politique du Gouvernement en matière de surendettement. Au-delà de la prévention, l’objectif est en effet que les procédures de surendettement permettent d’apporter des réponses adaptées aux difficultés rencontrées par les personnes surendettées.

Ce sont naturellement les commissions de surendettement, réparties sur l’ensemble du territoire, qui constituent la colonne vertébrale du traitement du surendettement.

Nous avons eu l’occasion, avec Christine Lagarde, de visiter des commissions de surendettement. Nous avons alors pu mesurer le savoir-faire développé localement pour rechercher les façons les plus adaptées d’accompagner les personnes en difficulté.

Certes, cette décentralisation est source de richesse, car elle permet l’innovation, et il n’est pas question de la remettre en cause, mais – je dois vous le dire, mesdames, messieurs les sénateurs – elle est aussi, dans le même temps, source d’inégalités parce que chaque commission a développé sa façon de traiter des questions importantes, par exemple, les modalités de calcul du reste à vivre.

Pour tirer le meilleur parti de cette richesse tout en contribuant à une harmonisation des pratiques sur le territoire, Christine Lagarde a demandé au gouverneur de la Banque de France de mettre en place un mécanisme de « respiration » des commissions de surendettement. La Banque de France organisera chaque année des réunions thématiques régionales avec les membres des commissions. À partir de cette remontée d’information, la Banque de France pourra dégager les meilleures pratiques – les solutions qui fonctionnent le mieux sur l’ensemble du territoire – et ainsi les diffuser à l’ensemble des commissions.

L’enquête triennale de la Banque de France publiée en septembre a réuni les premières données sur le fonctionnement de la procédure de rétablissement personnel, la PRP, instaurée par la loi du 1er août 2003. C’est la première fois que nous disposons d’un bilan de la PRP et je dois dire qu’il est encourageant.

La PRP, vous le savez, est l’équivalent d’une procédure de faillite civile. Elle concerne les personnes dont la situation financière est irrémédiablement compromise, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune perspective pour elles de rembourser tout ou partie de leurs dettes. La PRP a permis au juge, pour la première fois, de prononcer la vente des actifs et l’effacement total des dettes restantes.

À la fin de l’année 2007, l’orientation vers la PRP aura concerné 102 470 dossiers, soit 17 % des dossiers de surendettement. Avant la réforme, les personnes allaient de commission de surendettement en commission de surendettement, de plan de remboursement impossible à honorer en plan de remboursement impossible à honorer.

La PRP fonctionne donc, il existe désormais une issue.

À la suite de la publication du rapport Guinchard, le ministère de la justice réfléchit actuellement à la meilleure répartition des compétences entre le juge et les commissions de surendettement en matière de procédure de rétablissement personnel. Toute modification de la PRP qui accélérerait les procédures pour les personnes surendettées irait dans le bon sens. Pour autant, le ministère de l’économie sera très attentif sur ces questions.

Il ne fait aucun doute que les commissions de surendettement sont les plus à même de porter un diagnostic juste sur la situation économique et sociale des personnes surendettées. Ce n’en est pas moins le juge qui apporte à la PRP sa force et sa sécurité juridique, puisque la procédure repose, je vous le rappelle, sur le principe de la vente des actifs saisissables pour couvrir les dettes et, à défaut d’actifs cessibles, l’effacement total des dettes.

Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce débat doit se poursuivre et je suis certain qu’il nous permettra d’aboutir à des solutions concrètes qui permettront d’accompagner la montée en puissance de cette procédure.

Enfin, nous devons nous préoccuper du rebond des personnes qui ont connu des difficultés d’endettement. Avec Christine Lagarde, nous avons annoncé une réduction des durées d’inscription au FICP.

La durée d’inscription des personnes en procédure de rétablissement personnel sera réduite de huit à cinq ans. Celle des personnes engagées dans un plan de remboursement d’une commission de surendettement sera, pour sa part, réduite de dix à cinq ans si elles remboursent sans incident. En cas d’incident de remboursement du plan, l’inscription sera prolongée sans toutefois que la durée totale d’inscription puisse dépasser une durée maximale de dix ans.

Si l’inscription au FICP protège les emprunteurs, elle rend également plus difficile dans la pratique l’accès au crédit. Le raccourcissement des durées d’inscription permettra donc de retrouver plus rapidement accès au crédit, une fois les difficultés surmontées. Un incident de paiement ne doit pas condamner à l’exclusion du crédit à vie.

Dans un contexte où 75 % du surendettement résultent, comme je vous l’ai indiqué, d’accidents de la vie, il nous faut trouver un équilibre des durées d’inscription afin qu’elles jouent leur rôle de protection des emprunteurs et des prêteurs tout en permettant aux personnes ayant connu des difficultés de surendettement de retrouver, une fois leurs difficultés surmontées, un accès facilité au crédit.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les propositions que je tenais à formuler devant vous.

Comme vous le voyez, une occasion sans précédent nous est offerte. Vos analyses, les propositions que nous avons entendues aujourd’hui, la proposition de loi du sénateur Marini, les travaux concernant la transposition de la directive sur le crédit, le rapport du Comité consultatif des services financiers, document qui sera communiqué demain, les travaux que nous a demandés le Président de la République en matière de crédit revolving et de crédit à la consommation sont autant d’outils dont le Gouvernement va se servir pour avancer sur ce sujet au début de l’année 2009.

Le Parlement sera naturellement associé à ce travail. Les débats de cet après-midi nous ayant montré que le Sénat était riche de compétences, la Haute Assemblée y prendra une large place.

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