présidente de la commission des affaires économiques. – Mes chers collègues, permettez-moi de féliciter à mon tour nos rapporteurs pour ce travail dense, en bonne intelligence entre les deux commissions, qui a été entrepris bien avant les épisodes spectaculaires du mois de juillet dernier, et qui démontre une nouvelle fois les facultés d’anticipation du Sénat. Ce rapport est très attendu, par les collectivités territoriales, les Français et les services d’incendie et de secours.
Après l’introduction de M. Mandelli et avant de céder la parole aux rapporteurs, il me revient de montrer quelles pourraient être les conséquences socio-économiques et environnementales de la multiplication de feux extrêmes, si rien n’est fait. Si nous n’améliorons pas notre résilience, les conséquences seront lourdes pour la biodiversité, pour la qualité de l’eau et de l’air et pour les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Les coûts socio-économiques ont, eux, été relativement limités en France jusqu’à présent. L’« ordre d’opérations » des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) conduit, en effet, à s’assurer d’abord de la sécurité des personnes, puis de la sécurité des biens et, enfin, de l’environnement. C’est pourquoi les habitations, les zones urbaines et les infrastructures productives et de transport sont, en général, préservées.
Mais le dépassement de nos forces de lutte par des feux hors normes fait craindre des dommages socio-économiques grandissants. À La Teste-de-Buch, des infrastructures touristiques emblématiques ont été détruites. Pis, les feux font, d’ores et déjà, en France, des blessés et des morts, et je ne parle pas de ce qui se passe au Portugal, en Grèce, en Australie ou aux États-Unis ni de l’impact psychologique profond pour les populations...
C’est la raison pour laquelle il fallait que la commission des affaires économiques soit impliquée, à parts égales avec la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur cette question des feux extrêmes. Je remercie donc son président ainsi que M. Mandelli, vice-président.
Pour rappel, les rapporteurs ont renoncé à utiliser la notion de « mégafeux », qui ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique et qui est très variable d’une région à l’autre. Ils lui ont préféré les notions de « feux extrêmes » ou « feux hors normes », qui renvoient à une approche statistique du phénomène. En effet, un feu de 500 hectares en Côte-d’Or ou en Haute-Saône peut être considéré comme extrême, mais le curseur serait plutôt de 5 000 hectares dans le Sud et en Occitanie, et plus élevé encore aux États-Unis.
Face à ces feux extrêmes, je ne crois pas trahir la pensée des rapporteurs en disant que leur principale crainte est la multiplication de situations qui nécessitent un tri des interventions. Les feux simultanés de La Teste-de-Buch et de Landiras se sont déclarés à 1 heure et 24 minutes d’intervalle, loin de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes. Il a fallu, en outre, traiter le flux habituel du secours d’urgence aux personnes et, pour couronner le tout, des moyens ont dû être détournés en cours d’opération pour une attaque massive sur un feu naissant plus au sud, dans les Landes.
Par conséquent, nous observons déjà une recrudescence des feux et des surfaces brûlées. Les feux de Gonfaron en 2021, de La Teste-de-Buch et de Landiras ont fait leur entrée dans le classement des feux les plus importants des quarante dernières années.
Le « bouclier » de la lutte a jusqu’alors permis le succès de la France face aux incendies. Il faut désormais, dans le même temps, s’assurer que le « glaive » de l’aléa feu de forêt ne s’abattra pas plus durement sur ce bouclier. La prévention par un ensemble de politiques publiques transversales est indispensable pour réduire le danger.
Une proposition de loi pourra être déposée à la rentrée et nos rapporteurs se déplaceront en septembre en Gironde, pour un retour d’expérience sur les incendies de juillet 2022.