Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 août 2022 à 9h00
Audition de Mme Emmanuelle Wargon candidate proposée par le président de la république aux fonctions de présidente du collège de la commission de régulation de l'énergie

Emmanuelle Wargon, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du collège de la Commission de régulation de l’énergie :

– Je suis très heureuse et honorée de présenter devant vous ma candidature à la tête de la CRE – institution tellement importante dans cette période – conformément, vous l’avez rappelé, Mme la présidente, à la procédure de l’article 13 de la Constitution.

Je commencerai par me présenter, puis j’évoquerai à la fois les grands enjeux énergétiques et la manière dont la CRE peut y répondre ainsi que les priorités qui pourraient être la sienne si ma candidature est retenue.

Nous avons travaillé ensemble à de nombreuses reprises durant mes mandats ministériels, mais ma carrière est pour l’essentiel administrative : je suis conseillère maître à la Cour des comptes et j’ai passé vingt ans dans différentes fonctions administratives, au sein d’administrations centrales et d’établissements publics. J’ai été secrétaire générale des ministères sociaux, puis déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, à la tête d’environ 200 agents. J’ai par ailleurs exercé au sein de l’Agence du médicament, où j’ai passé quatre ans, une agence indépendante, qui prend ses décisions par elle-même, indépendamment de la volonté du Gouvernement.

J’ai ensuite ouvert une page politique, qui se refermera aujourd’hui si cette nomination aboutit, m’ayant conduite à être secrétaire d’État chargée de l’écologie, puis ministre déléguée au logement. Nous avons alors eu l’occasion de beaucoup travailler ensemble et nous sommes parvenus à des accords ou consensus – je pense, par exemple, à la création de l’Office français de la biodiversité (OFB), puis aux lois dites « 3DS » et « Climat-Résilience ».

L’énergie a en réalité été au cœur de nombreux dossiers que j’ai traités lors de ces expériences ministérielles, ce qui m’amène aujourd’hui à cette candidature à la CRE. J’ai en effet pris conscience de l’importance absolument stratégique des questions énergétiques pour notre pays. J’ai, par exemple, piloté des groupes de travail pour lever les freins réglementaires au développement des EnR, notamment sur les réseaux de chaleur, mais aussi sur l’éolien et sur le solaire. Au titre de mes fonctions de ministre déléguée au logement, j’ai beaucoup travaillé sur la rénovation énergétique des bâtiments, avec MaPrimeRénov’ et en soutenant les collectivités territoriales. J’ai donc pu toucher du doigt, si je puis dire, l’enjeu essentiel que constitue l’énergie, et j’estime que la chance d’être à la tête de ce régulateur est une très belle façon de servir le pays.

Je regroupe les enjeux énergétiques en trois axes.

Le premier se rapporte à la sécurité d’approvisionnement et à la souveraineté énergétique. Nous étions déjà tous convaincus de l’importance de ce sujet avant la crise de l’énergie liée à la guerre en Ukraine, mais nous voyons maintenant concrètement à quel point il est crucial pour le pays.

Le deuxième axe concerne la protection des consommateurs et la compétitivité de nos entreprises. La CRE joue un rôle important pour ce qui concerne la régulation des marchés, au bénéfice non seulement des ménages, mais aussi des industriels électro-intensifs et plus largement de toutes nos entreprises.

L’énergie, vivement touchée par l’inflation, représente une partie importante des charges qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises, pour lesquelles la compétitivité est indispensable. Les tarifs réglementés et l’Arenh, mesures de régulation classiques, mais aussi les mesures exceptionnelles telles que les « boucliers tarifaires » nous permettent de protéger en partie le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

Le troisième et peut-être le principal enjeu est l’accélération de la transition écologique, en faveur de laquelle nos objectifs sont extrêmement ambitieux, qu’ils soient nationaux ou communautaires, et vont nous amener à un double mouvement : la baisse de notre consommation d’énergie, fixée pour l’instant à 40 % d’ici à 2050, et une part croissante d’électricité dans notre mix énergétique pour aller vers une énergie décarbonée. Les différents scénarii, dont celui que vous avez cité, conduisent à une augmentation en valeur absolue de la production énergétique.

Pour atteindre ces objectifs, nous devons travailler sur la sobriété et l’efficacité, ainsi que sur le développement des EnR, en nous appuyant sur le nucléaire.

L’efficacité, c’est parvenir au même résultat avec moins de source et de consommation d’énergie. La sobriété, c’est changer nos usages pour consommer moins d’énergie, en trouvant des solutions alternatives. Il s’agit d’un objectif de politiques publiques indispensable.

Nous devons ensuite soutenir le développement des EnR. Nous avons encore de la marge pour atteindre une production suffisante ; d’où les nombreux travaux en ce sens, dont les textes que vous venez d’adopter.

Je tiens vraiment à préciser ma position sur le nucléaire, qui est un point très important de la discussion : je suis favorable à l’électricité nucléaire, clairement, que ce soit le maintien des réacteurs existants ou le développement du nouveau nucléaire. Permettre à notre opérateur national de soutenir le nucléaire existant et le nouveau nucléaire constitue l’un des éléments majeurs du design de marché.

En tant que secrétaire d’État, j’ai été amenée à accompagner les territoires, à la fois pour la fermeture des centrales à charbon, et pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Sur ce dernier point, je souhaite clarifier les choses : à ce moment-là – début 2019 –, la décision de fermer la centrale avait été prise longtemps auparavant, reconfirmée, et, en accord avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le groupe EDF n’avait pas lancé les opérations de maintenance lourde et de visites décennales initialement prévues par le calendrier.

Dans ce contexte, la gestion du dossier consistait à accompagner le groupe EDF sur les plans technique et économique, mais surtout le territoire confronté à cette décision, notamment sur le développement d’un technocentre et d’industries alternatives.

L’hypothèse sur laquelle reposait la décision de fermer la centrale de Fessenheim tenait au fait que la consommation future d’électricité serait stable, voire en légère décroissance ; elle s’est révélée fausse. Le monde a changé et nous devons prendre des décisions en conséquence. Ma position personnelle, je le redis pour être très claire, est donc, de maintenir les réacteurs existants, dans les conditions définies par l’ASN, et développer le nouveau nucléaire, qui est indispensable, quel que soient les scenario retenus.

Ces questions-là sont en premier lieu du ressort du législateur, et non de la CRE. La discussion du projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui aura lieu avant le 1er juillet 2023, sera l’occasion pour le législateur de définir la politique énergétique du pays.

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