L'Arenh, c'est un prix de vente du groupe EDF aux autres fournisseurs. À 42 euros le MWh, ce prix est trop bas. Par ailleurs, il devrait être calculé de façon à permettre une véritable couverture des coûts complets du système énergétique. Si l'on garde un mode de fixation du prix de vente de l'électricité historique du groupe EDF aux autres fournisseurs, il faut veiller à ce que, dans la réforme des TRVE au consommateur, qui est le second morceau de la réforme, cette vente régulée se fasse au bénéfice de ce dernier. Cela ne signifie pas qu'il faille remettre tous les Français sous TRVE, le marché de l'électricité ayant été ouvert, mais il faut trouver le mode de fixation des TRVE qui intègre le prix régulé du groupe EDF. Les TRVE couvrent à peu près deux tiers du marché, mais le tiers restant est, pour une bonne partie, fixé en référence aux TRVE. Par conséquent, le TRVE a, d'une certaine manière, un impact direct sur les contrats qui sont juridiquement au TRVE, et un impact indirect sur tous les prix de marché.
J'essaie de vous apporter une réponse en deux temps : comment le groupe EDF vend son électricité sur le marché de gros, et comment cela est intégré par le marché de détail. Dans les deux cas, il faut que les coûts du groupe EDF soient couverts pour lui permettre de continuer à maintenir la qualité de sa production existante aux coûts complets et que l'on trouve les mécanismes qui permettent au consommateur final, soit via le TRVE, soit via le jeu normal du marché, de bénéficier de l'électricité à des prix régulés.
Le TRVE est donc central dans la fixation des prix sur le marché, de façon directe ou indirecte. Je suis absolument convaincue qu'il faut maintenir des TRVE.
Le transport de gaz est une question très importante. Je pense que nous n'avons pas encore une très bonne visibilité sur les volumes potentiels de transport de gaz, notamment avec la montée en charge du biométhane et du biogaz, mais aussi avec l'hydrogène. Ces infrastructures pourraient aussi servir à transporter de l'hydrogène ? L'expertise collective est en cours, mais il est clair que les coûts échoués, s'il devait y en avoir - il n'y en a pas pour l'instant -, devront être dans l'équation tarifaire globale de financement des réseaux sous une forme de solidarité ou sous une autre, parce qu'il n'est pas possible de laisser les gestionnaires de réseaux faire face seuls à des coûts qui sont simplement liés à la transition énergétique.
Enfin, je pense qu'il est très important que nous soyons très présents à l'ACER - Jean-François Carenco y allait régulièrement, et l'un des commissaires s'y rend lui aussi fréquemment. Cependant, nous ne devons pas nous reposer seulement sur elle et nous devons travailler avec le Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) et avec les organismes de coopération des réseaux que vous avez cités. L'ACER a une vision très libérale de la régulation des marchés. Il est important d'y défendre une vision de plus long terme de protection du consommateur, mais aussi de la souveraineté.
Mme le sénateur Martine Berthet, sur la question de la souveraineté industrielle et de l'adaptation des réseaux, il faut peut-être des investissements spécifiques dans les très grands bassins industriels pour être en capacité de faire évoluer les réseaux de raccordement d'EnR et d'hydrogène. On pourrait imaginer de travailler spécifiquement avec ces grands bassins industriels pour voir comment les réseaux peuvent les soutenir dans leur développement industriel ou leur réindustrialisation.
S'agissant de l'effacement, je pense qu'il y a toute une réflexion à avoir sur l'évolution des contrats. C'est d'abord une réflexion que doivent mener les fournisseurs, mais la CRE peut, sur ce plan, jouer un rôle important. On a effectivement des contrats qui ne sont plus du tout intéressants pour les particuliers, alors même que ces contrats pourraient à la fois leur bénéficier et bénéficier à la sécurité d'approvisionnement et à la flexibilité. Il faut revoir les tarifs et probablement proposer des incitations aux fournisseurs qui sont en capacité de proposer des offres qui allient ces deux objectifs.
Mme la sénatrice Amel Gacquerre, je suis favorable à l'autoconsommation. C'est à la fois une attente des Français et un élément de flexibilité, de sobriété et de sécurité d'approvisionnement qui peut nous aider dans cette période. Toute la question - elle est délicate - est de trouver le juste point d'équilibre entre le développement de l'autoconsommation et la solidarité nationale sur le financement des réseaux, qui profitent à tous. Si l'on commence à démembrer morceau par morceau, un problème de solidarité, de pérennité et de péréquation sur les réseaux se posera. Cependant, au fond, je pense que nous pouvons aller plus loin sur le soutien à l'autoconsommation, qui, je pense, peut être un élément important, y compris d'acceptabilité des EnR.
Mme le sénateur Évelyne Renaud-Garabedian, la CRE n'a de rôle direct ni sur l'arrêt ni sur la reprise d'activité des réacteurs nucléaires, qui sont sous la responsabilité de l'opérateur EDF et sous le contrôle de l'ASN. C'est plutôt sur le modèle économique - assurer le financement des coûts complets du nucléaire actuel et trouver le modèle de financement du nouveau nucléaire - que la CRE peut jouer un rôle. Aller au-delà reviendrait à lui conférer un rôle industriel d'opérateur qui n'est pas de son ressort.
M. le sénateur Alain Cadec, je crois avoir répondu à votre question sur Territoires de progrès.
Mme la sénatrice Patricia Schillinger, effectivement, l'éolien en mer est un élément extrêmement important de notre développement des EnR, de notre sécurité d'approvisionnement et de notre mix énergétique. Le premier parc éolien en mer produit enfin. Il a été raccordé, il est maintenant connecté. De nombreux projets sont en cours. Je pense que la CRE a un rôle important d'accompagnement, y compris des réseaux. Une partie des enjeux est liée à notre capacité à construire les éoliennes elles-mêmes sur le plan industriel. Une autre partie est liée à notre capacité à raccorder ces éoliennes dans de bonnes conditions. La CRE continuera à apporter son soutien, notamment via ses appels d'offres.
M. le sénateur Laurent Somon, je pense avoir en partie répondu sur la vision territoriale. Nous ne parviendrons pas à développer les EnR si nous ne le faisons pas en accord avec les territoires, dans une vision de planification territoriale - elle est extrêmement importante - qui donne de la visibilité et de la capacité à se projeter, parce que l'on voit bien que le développement au coup par coup pose de vrais problèmes. Nous devons aller plus loin.
Je suis favorable à une renégociation avec Bruxelles qui nous permette de garder la maîtrise de nos concessions hydroélectriques. L'une des hypothèses qui sont sur la table est de l'organiser sous forme de quasi-régie ; cela me semble une solution juridique relativement sûre. L'hydroélectricité fait partie de notre sécurité d'approvisionnement. Elle fait partie de notre compétitivité économique et de notre souveraineté énergétique. La France a, depuis longtemps, essayé de mener cette négociation avec la Commission européenne. Je pense qu'elle sera menée à la suite de la nationalisation du groupe EDF, s'agissant du modèle à lui donner dans le futur pour lui permettre à la fois de développer le nouveau nucléaire et de maintenir nos concessions hydroélectriques dans des conditions dans lesquelles nous sommes certains d'assurer cette souveraineté.
M. le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, vous avez tout à fait raison pour ce qui concerne l'information du consommateur : qualité de l'information, qualité de service, capacité à choisir des offres de manière éclairée, autant d'éléments cruciaux. La CRE y travaille, notamment avec le Médiateur national de l'énergie (MNE), avec lequel les liens pourraient d'ailleurs être ressérés. Le CoRDis est une institution essentielle pour traiter les litiges ; il fonctionne bien et doit être soutenu.
M. le sénateur Serge Mérillou, en ce qui concerne les pistes à long terme, une vision à l'horizon de 2050 se dégage progressivement ; cette vision sera soumise au Parlement avant la fin de cette année. Un double mouvement est en marche : une baisse de la consommation d'énergie - nous devons absolument l'accompagner en étant plus efficaces et plus sobres, comme j'ai essayé de le faire, en tant que ministre, pour la rénovation énergétique des bâtiments - et une évolution du mix énergétique vers moins d'énergies fossiles - cela suppose une production accrue d'électricité. Selon les scenarii de RTE, alors que nous consommons aujourd'hui environ 450 TWh par an, cette consommation s'élèverait à l'avenir à 650, voire 750 ou 800 TWh, en fonction de la réindustrialisation du pays, qui fait aussi partie de nos objectifs stratégiques. Baisse de la consommation, changement des usages, montée en puissance d'une aide à l'électricité décarbonée, tels sont les axes à suivre pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon de 2050.
L'Arenh n'a pas atteint son objectif initial de développement des solutions de production alternatives. Il revient à la CRE de vérifier qu'il ne constitue pas pour les fournisseurs un facteur d'enrichissement. La CRE surveille donc le marché ; les contrôles de la fixation des prix des fournisseurs alternatifs bénéficiant de l'Arenh devront probablement être renforcés.
Mme la présidente, les hypothèses de besoins de production sont établies par RTE, non par la CRE. L'hypothèse sur laquelle je fonde mes réflexions est celle d'une baisse de la consommation d'énergie à moyen terme et d'une augmentation en valeur relative et en valeur absolue de la part d'électricité dans le mix énergétique. La chaleur renouvelable est tout aussi importante, tout comme le remplacement progressif du gaz par le biométhane.
L'hydrogène est un sujet central. Une négociation est en cours sur le paquet gazier. Nous devons absolument faire en sorte que la filière hydrogène, qu'elle soit fondée sur les énergies renouvelables ou sur l'énergie nucléaire, soit accompagnée. Je sais que ce point vous tient à coeur ; il est essentiel aux yeux de l'Union européenne, qui regarde attentivement le critère de neutralité carbone des technologies. Nous avons un travail important devant nous sur les investissements et les réseaux.
Au-delà du soutien à court terme, le nucléaire doit faire l'objet d'un projet industriel ambitieux. Nous devons soutenir notre grand opérateur national ; sa nationalisation permettra de définir les contours de ce soutien. Nous devons aussi continuer à travailler sur la fin du cycle du combustible. J'ai, au cours de mes précédentes fonctions, accompagné le projet Cigéo, essentiel en la matière.