Intervention de Olivier Rietmann

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 août 2022 à 11h00
Proposition de nomination de mme valérie metrich-hecquet candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directrice générale de l'office national des forêts en application de l'article 13 de la constitution — Désignation d'un rapporteur

Photo de Olivier RietmannOlivier Rietmann, rapporteur de la commission des affaires économiques :

J'évoquerai d'abord notre quatrième axe de recommandations, l'appréhension locale du problème, à l'échelle des massifs, par l'aménagement et la valorisation de la forêt, avec trois points principaux.

Le premier point est celui de l'aménagement des forêts via la nécessaire déclinaison à l'échelle des massifs des plans de protection des forêts contre l'incendie (PPFCI). Les massifs forestiers sont vraiment l'échelle pertinente pour favoriser l'appropriation par les élus locaux des PPFCI et pour rechercher des financements, en particulier via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Dans le cadre de ces PPFCI de massif, un droit de préemption pourrait être établi, au profit des communes, sur les parcelles non dotées d'un document de gestion durable et qui sont identifiées comme stratégiques dans la DFCI. Les maires rencontrés sont dynamiques et volontaires pour gérer lesdites parcelles en les soumettant au régime forestier, dans un souci de diminuer le risque d'incendie.

Le deuxième point est celui des synergies entre desserte forestière et pistes DFCI, qui devraient être recherchées plus systématiquement. Un cahier des charges SDIS-CRPF pourrait être établi et les SDIS pourraient rendre un avis sur les schémas de desserte forestière collectifs. De même, une cartographie des synergies actuelles et potentielles au niveau régional serait utile pour comparer ces deux réseaux.

Enfin, le dernier point, particulièrement sensible, est celui de la conciliation de la DFCI avec la protection de la biodiversité. Nous avons longuement échangé avec nos collègues de la commission du développement durable, pour aboutir à une solution que je crois équilibrée. Nous ne pouvions pas passer à côté de cette question ayant suscité de vives polémiques l'an dernier après le feu de Gonfaron, qui a parcouru la moitié de la réserve naturelle de la plaine des Maures, et, plus récemment, après le feu qui a détruit la forêt usagère de la Teste-de-Buch, un statut protecteur qui a été le prétexte à de la « non-gestion ». Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut pas dire de façon certaine que des refus d'aménagements de DFCI aient été responsables de l'ampleur des dégâts. Cela n'empêche pas de regretter les signaux contradictoires envoyés par les sanctions et les recours judiciaires contre des actions de prévention destinées à protéger la forêt... et la biodiversité qu'elle renferme !

Nous proposons donc une plus grande gradation des sanctions, en ciblant les délits représentant le plus d'enjeux, via une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d'atteintes à la biodiversité. Lors de sa révision, la stratégie nationale de contrôle de l'Office français de la biodiversité (OFB) pourrait aussi intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie.

Il en va de même pour les plans de gestion des aires protégées, qui sont le meilleur outil pour éviter les conflits le plus en amont possible. La solution passera d'abord par une association de l'ensemble des parties prenantes, afin d'anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques.

Si toutefois aucune de ces démarches de conciliation n'avait pu aboutir, une instruction technique que nous préconisons d'adresser aux préfets doit rappeler clairement que, compte tenu de l'impact encore plus grand que des incendies pourraient avoir sur la biodiversité, la DFCI doit être priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Mieux vaut parfois déranger un peu la biodiversité pour protéger la forêt, car, soyons clairs, en cas de grand incendie, il n'y aura plus de biodiversité...

J'en viens à notre cinquième axe de recommandations, la mobilisation de l'agriculture dans la protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies, levier qui me tient particulièrement à coeur.

Certaines activités agricoles et pastorales jouent un rôle reconnu dans la protection des forêts contre l'incendie. Un rapport d'il y a plus de vingt ans demandait une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels, mais force est de constater que depuis lors, le sylvopastoralisme n'a pas été suffisamment soutenu par les fonds européens. Des contrats d'entretien pluriannuel devraient systématiquement être recherchés pour favoriser la continuité dans le temps et la cohérence de ces opérations gagnant-gagnant de « pâturage préventif ».

C'est aussi le cas de la viticulture, en particulier en agriculture conventionnelle - car sinon, l'herbe laissée entre les rangs peut servir de « mèche » et propager l'incendie -, qui devrait pouvoir bénéficier plus facilement du second pilier de la politique agricole commune (PAC) quand elle joue le rôle de pare-feu naturel.

Plus globalement, l'indemnité de défrichement devrait pouvoir être minorée plus facilement quand elle a vocation à permettre la valorisation agricole ou pastorale d'une parcelle, dès lors que cela contribue à réduire le risque incendie.

Mais au-delà de ce rôle traditionnel de pare-feu, nous proposons de réfléchir à une approche intégrée de la DFCI, en l'étendant aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles. En effet, bien que nous manquions de données à ce sujet, environ un tiers des surfaces brûlées correspondent à des espaces non boisés : friches, landes ou terres agricoles. Des coupures de végétation pourraient ainsi utilement être réalisées dans les zones à risque, à l'interface entre terres agricoles et forêts, afin de protéger autant les forêts que les parcelles.

Cette approche intégrée des incendies de forêt et de végétation passe d'abord par le renforcement de la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les feux de chaume ou de récolte, dont ils sont les premières victimes, à l'image de ce qu'a développé de façon proactive le SDIS de la Haute-Saône, avec des bonnes pratiques telles que : veiller au bon entretien des machines utilisées, moissonneuses, presses ou autres débroussailleuses, mais aussi s'équiper d'extincteurs ou compartimenter les parcelles lors des moissons.

En cas de niveau de risque « très sévère », nous proposons enfin, en concertation bien sûr avec les organisations de producteurs, de donner la possibilité au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles la nuit - je pense en particulier aux moissons. Dans bien des cas, c'est déjà fait ; mais, quand le risque est très sévère, il faudrait pouvoir le généraliser. En cas de pertes de revenus liées à une détérioration de la récolte ou à une augmentation de charges, une compensation devra évidemment être prévue à destination des agriculteurs.

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