En 2004, l’égalité entre les établissements publics d’enseignement et les établissements privés d’enseignement sous contrat d’association était rompue par l’adoption du fameux article 89 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, remettant en cause, par là même, l’application du principe de laïcité dans l’organisation de l’enseignement scolaire en France.
Cet article a mis en place une participation forfaitaire des communes de résidence aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation des enfants dans les écoles élémentaires privées sous contrat d’association installées dans d’autres communes, sans même qu’il soit tenu compte des cas d’obligation et d’exonération de participation de la commune de résidence prévus par les alinéas 4 et suivants de l’article L. 212-8 du code de l’éducation. Est ainsi devenue obligatoire une ancienne « possibilité » de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.
L’application de l’article 89 est lourde de conséquences, notamment dans les petites communes rurales où les élus se voyaient contraints de financer l’école privée d’une autre commune, parfois au détriment du maintien de leur école publique ou d’une classe dans leur propre commune.
Cet article pose également des problèmes d’équité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. En 2004, l’enseignement privé n’accueillait que 17 % des élèves, mais disposait déjà de 20 % des postes d’enseignant. Le déséquilibre en faveur de l’enseignement privé a été accentué par l’octroi de cette aide supplémentaire aux dépenses de fonctionnement des établissements privés.
En outre, l’application de l’article 89 a engendré de lourdes difficultés financières pour les collectivités locales concernées.
Le dispositif s’appliquait potentiellement, pour l’ensemble des communes, à environ 120 000 élèves. Le forfait annuel s’élevant à 400 euros ou 500 euros en moyenne par élève, le coût annuel de la mise en œuvre du dispositif de l’article 89 a été évalué par l’Association des maires de France à 60 millions d’euros. Les petites communes, déjà exsangues, sont celles qui ont subi le plus lourdement l’augmentation des charges.
Sur le terrain, de nombreux élus se sont émus du profond déséquilibre créé par l’application aléatoire de ce dispositif. Le vote de cet article par le Parlement a en effet immédiatement suscité l’émoi dans de nombreuses communes, tous bords politiques confondus.
L’inégalité en faveur de l’enseignement privé sous contrat instaurée par ce texte a eu de graves conséquences dans la vie quotidienne des communes. C’est ainsi que des contentieux ont surgi entre des communes et des établissements privés, entre des communes et des préfets. L’Union des maires de Seine-et-Marne – son président, M. Houel, ici présent et que je salue, ne m’en voudra pas de le rappeler – appelle même unanimement, à chacun de ses congrès annuels depuis 2004, les communes du département à refuser de payer pour les établissements privés.
Les organisations syndicales, opposées à ce texte, ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre la circulaire n° 2005-206 du 2 décembre 2005 prise en application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Cette circulaire a été annulée en 2007. Cependant, aucun sujet de fond n’a été examiné par le Conseil d’État, la circulaire ayant été annulée pour vice de forme. La nouvelle circulaire adoptée en août 2007 a de nouveau fait l’objet d’un recours devant cette instance.
Bref, pour reprendre la formule de M. Carle, ce « feuilleton » médiatico-judiciaire aurait pu continuer longtemps. Une nouvelle loi était donc nécessaire pour clarifier et apaiser la situation.
Ce constat avait d’ailleurs conduit l’an dernier, souvenez-vous, mes chers collègues, les sénateurs socialistes à déposer une proposition de loi tendant à abroger purement et simplement l’article 89, dont le premier signataire était Jean-Marc Todeschini. La question centrale motivant le dépôt de ce texte était la suivante : pourquoi accorder à l’enseignement privé des droits nouveaux, lesquels droits sont soumis à des conditions restrictives lorsqu’ils s’appliquent à des établissements publics ?
L’égalité entre l’enseignement public et l’enseignement privé étant rompue, la braise qui couvait sous le foyer de la guerre scolaire risquait de s’enflammer à nouveau. Et chacun le sait, surtout en la matière, il ne faut pas jouer avec le feu !
M’exprimant en séance, en février 2008, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de mon groupe, j’ai moi-même, face à l’hostilité de la majorité sénatoriale envers cette proposition d’abrogation – pardonnez-moi ce rappel, mes chers collègues –, appelé à un texte de compromis – c’est le mot que j’avais utilisé – afin de mettre un terme à une situation devenue ingérable pour tous. Ce compromis devait être fondé sur une égalité de traitement entre les droits et les devoirs, entre les écoles privées sous contrat et les écoles publiques.
Notre proposition de loi a malheureusement été rejetée par la majorité du Sénat, même si un certain nombre de nos collègues s’étaient abstenus. En tout cas, une année supplémentaire s’est écoulée, maintenant les élus locaux dans le désarroi et la plus grande incertitude.
Le statu quo n’était assurément pas viable. Il était une source de conflits permanents et entretenait des débats aussi itératifs qu’inutiles. Remettre à plat cette législation était devenu une nécessité absolue. Il était donc du devoir du Gouvernement de faire en sorte que les communes soient rassurées et que la paix scolaire soit maintenue. Heureusement, que le Parlement est là pour prendre cette initiative !
Ce texte, d’origine parlementaire donc, est le résultat d’un compromis. En supprimant l’article 89, il rétablit une égalité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat en utilisant les mêmes critères que ceux qui sont posés par l’article L. 212-8 du code de l’éducation, c'est-à-dire l’article qui organise la participation financière de la commune de résidence pour le financement des établissements publics.
Le financement par la commune de résidence de la scolarisation de l’enfant d’un établissement élémentaire ou primaire, qu’il soit public ou privé sous contrat, ne sera donc obligatoire que dans quatre cas : s’il n’y a pas de capacité d’accueil dans la commune, s’il existe une obligation professionnelle des parents justifiant la scolarisation hors de la commune, si des raisons médicales l’imposent ou si un frère ou une sœur sont déjà scolarisés dans cette autre commune.
L’égalité des possibilités de financement et des obligations pour les établissements privés et publics est donc rétablie.
Je me permettrai cependant d’émettre quelques réserves.
Je pense en effet que ce texte sera source de difficultés sérieuses pour les communes qui n’ont pas d’école publique sur leur territoire, …