Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 4 août 2022 à 17h00
Loi de finances rectificative pour 2022 — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un texte rectificatif est fait pour rectifier. Nous espérions donc qu’il rectifiât le tir : pour tenir compte des difficultés incontestables auxquelles font face les Françaises et les Français les plus modestes, pour tenir compte des troubles climatiques qui chaque jour saccagent notre biodiversité, déroutent nos agriculteurs, assèchent nos terres ou encore brûlent nos forêts, pour tenir compte des conséquences de la guerre en Europe menée par Poutine, pour suivre une stratégie énergétique sobre et d’avenir.

Vous aviez cette possibilité, monsieur le ministre, avec ce PLFR. Vous aviez ce pouvoir. Vous aviez même, selon le groupe écologiste, ce devoir.

Il y eut des rectifications et des mesures bienvenues, même si elles restent très inférieures à l’inflation. Ainsi, nous saluons une rectification, celle que la CMP a apportée en rétablissant l’aide exceptionnelle de rentrée pour les bénéficiaires des minima sociaux. Atterrés que la majorité sénatoriale veuille la supprimer, nous souhaitions ce rétablissement.

Pour le reste, qu’en est-il vraiment ? Je prendrai quatre exemples.

Les étudiants sont les plus malmenés par la crise : vous ne les aidez pas, pas assez ou trop peu… Ils rencontrent des difficultés pour se loger, se nourrir et se soigner. Vous revalorisez les bourses, mais pas à la hauteur de l’inflation. Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) devront faire face à l’augmentation des prix. Les universités sont au bord de l’asphyxie, avec des moyens de plus en plus contraints et des difficultés structurelles importantes, et souvent des bâtiments énergivores.

Étudier est un droit, pas un privilège. L’éducation, la jeunesse et l’enseignement supérieur sont des investissements nécessaires pour notre pays, avant d’être des dépenses. Ils devraient donc être valorisés.

Pour les collectivités, qui nous sont chères, votre stratégie est incompréhensible, comme le dénonce d’ailleurs l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

Certes, vous consentez à augmenter de 3, 5 % le point d’indice des fonctionnaires, ce qui est bienvenu, bien qu’inférieur à l’inflation.

Certes, vous ajoutez 600 millions d’euros, très utiles aux collectivités – cette mesure vient du Sénat –, ce qui aidera peut-être à maintenir dans le giron de la majorité les sénateurs centristes. Mais vous prévoyez aussi une réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités de 0, 5 % par an, sur la période 2022-2027, dans le pacte de stabilité !

Alors, oui, vous avez rétropédalé dans une formule très claire du ministre Christophe Béchu, qui y voit « une modération des dépenses de fonctionnement, pour qu’elles augmentent en moyenne annuelle de 0, 5 % de moins que leur tendance naturelle ». Cette phrase est très claire, mais je serai plus direct : cette modération est une baisse, et rien de plus.

S’agissant de l’audiovisuel public, vous avez fait preuve de l’impréparation la plus totale, et le dispositif auquel on aboutit est instable. Je retiens la proposition de Mme la ministre Rima Abdul-Malak d’un débat national. N’ubérisons pas le savoir, la culture, la création, en laissant la main aux plateformes et aux chaînes privées !

En ce qui concerne l’écologie, l’accord entre le Gouvernement et le groupe LR qui a présidé au résultat de cette CMP est un accord perdant-perdant.

Deux propositions de notre groupe avaient obtenu un vote favorable : à l’article 1er AA, pour réactiver un crédit d’impôt pour les PME réalisant des travaux énergétiques, cher Alain Richard ; à l’article 2 ter, pour créer une dotation climat financée par une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) destinée aux collectivités ayant conclu un contrat de relance et de transition écologique. Ces deux mesures indispensables, mais, avouons-le, encore modestes, n’ont même pas été conservées en CMP. Que d’occasions manquées !

Votre modèle charge le déficit public de 20 milliards d’euros et ne prend rien aux profiteurs de crise qui bénéficient de dizaines de milliards d’euros non imposés.

Nous ne comprenons pas que l’on se prive de la ressource de la taxation des superprofits à l’heure où nos services publics sont mis à mal. L’Union Centriste défendait ces mesures de bon sens que, sur les travées de la gauche et des écologistes, nous portons avec conviction et constance.

J’entendais parler ce matin de votre stratégie de dialogue et de compromis, comme si c’était une opportunité… Le compromis est, hélas, à ce jour, assez clair et lisible : l’accord entre deux visions libérales, la vôtre, monsieur le ministre, et celle des Républicains, est scellé.

Vous êtes revenus sur des fondamentaux, comme la question du temps de travail.

Vous monétisez le temps libre au risque de la santé des salariés et vous excluez les partenaires sociaux.

Vous avez choisi de subventionner les week-ends en SUV, ou Sport Utility Vehicles, plutôt que de réserver les aides aux salariés qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur voiture pour aller travailler. Pas d’investissement non plus dans les alternatives douces : c’est navrant !

Nos propositions demeurent, même si certains préfèrent ici nous chahuter plutôt que nous écouter. Or les scientifiques ont lancé, avant-hier encore, un nouvel appel face à la gravité des crises à venir.

René Dumont, lui aussi, était moqué lorsqu’il annonçait, en 1974, la crise de l’eau.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion