Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 4 août 2022 à 17h00
Loi de finances rectificative pour 2022 — Vote sur l'ensemble

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la séquence dédiée aux mesures de pouvoir d’achat se clôt ici, au Sénat, dans la confusion budgétaire et le déficit démocratique.

Confusion budgétaire, car le Parlement a rejeté, pour la seconde fois de son histoire, la loi de règlement pour 2021. Ainsi, contrairement à ce que vient d’affirmer M. le ministre, et conformément à l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la prochaine loi de finances ne pourra être examinée sans un vote positif du Parlement sur les comptes de la Nation pour 2021.

Les manipulations comptables du Gouvernement sont apparues au grand jour : il n’y a pas de « trésor de guerre », de surplus de recettes cachées. Pour preuve, le solde budgétaire n’est en excédent que de 2, 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions.

Déficit démocratique, car, à l’issue du conclave de la CMP, la fumée blanche entérine le rapprochement du Gouvernement et de la droite sénatoriale, satisfaisant aussi le Rassemblement national et ses députés.

Les débats parlementaires ont été préemptés par des accords préalables, des accords de couloir, au détriment de la transparence démocratique des débats dans l’hémicycle.

Les surprofits indécents des multinationales ne serviront pas à financer en bout de chaîne les TPE et PME, elles qui, comme nos compatriotes, sont frappées de plein fouet par la spéculation et la course au profit.

L’audiovisuel public et son indépendance constitutionnellement garantie sont maintenant menacés par la suppression de la redevance.

Quand l’accord entre les droites passe, la justice fiscale et les services publics trépassent ! Pourtant, à l’issue de la séquence électorale, une partie du peuple n’a pas opté pour ce projet politique. Vous n’en tenez pas compte.

Les deux lois sur le pouvoir d’achat comportent des invariants : l’inflation augmente sur un an de 6, 1 %, sans qu’aucune des mesures prises préserve intégralement le pouvoir d’achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Ce sont 2 points de pouvoir d’achat perdus pour les allocataires des minima sociaux. Ce sont 2, 5 points perdus en plus s’ils sont locataires, au profit des rentes privées.

Au cours de ces débats, nous n’avons eu de cesse de vous proposer des mesures de substitution à même d’enrayer la spirale inflationniste.

Parce que c’est un impôt insidieux sur les ménages modestes et les classes moyennes, nous continuons de porter le blocage des prix : à la pompe, sur les factures d’énergie, pour les loyers et les produits alimentaires de première nécessité.

Le consensus des droites a évacué avec un certain mépris la question des salaires. En revanche, il s’est agi d’inventer toutes les mesures accessoires à la rémunération du travail, avec une constante : aucune des contributions des entreprises n’est obligatoire. Alors, selon leur bon vouloir, elles pourront verser la prime Macron, doubler le montant de l’aide carburant pour leurs salariés ou augmenter de quelques centimes les tickets-restaurant. En somme, aucune obligation !

Toutefois, cela ne vous suffit pas… Les travailleurs en sont quittes pour sacrifier leurs droits au repos, avec une remise en cause sans précédent des 35 heures par la monétisation de leurs RTT. Ce sont les salariés les plus précaires qui, faute de mieux, devront concéder sous la pression du patronat leurs jours de repos.

Le rehaussement du plafond des heures supplémentaires est une autre entorse faite au code du travail. En somme, la morale libérale institue le « travailler plus », faute de gagner plus !

Ensuite, la droite sénatoriale, dans une forme de surenchère dramatique, oppose les allocataires des minima sociaux aux travailleurs pauvres. Ces relents créent un clivage nauséabond et factice entre les bons citoyens et ceux qui ne prendraient pas leur part à l’activité économique de la Nation.

La négation de ce qu’est la réalité du « marché de l’emploi » est coupable. En 2021, près de 15 millions de contrats de moins d’un mois ont été signés, qui représentent 64 % des embauches réalisées !

Dès lors, comment avez-vous osé proposer une réduction de quelques euros pour les allocataires du RSA ? Comment avez-vous osé exclure d’un chèque plus de 4 millions de foyers pauvres et 1, 8 million d’étudiants, dont un tiers vit sous le seuil de pauvreté ? La CMP est revenue sur cette disposition inique, sans pour autant garantir le montant de l’allocation versée.

Enfin, le fameux « miracle républicain » destiné à soutenir nos collectivités territoriales n’a pas eu lieu. Ce simulacre d’accord trouvé sur la compensation de la revalorisation du point d’indice, de la hausse du RSA, de la hausse du prix de l’énergie et des denrées alimentaires est indigne de la chambre qui prétend représenter les collectivités territoriales. Alors que celles-ci sont déjà privées de leurs recettes fiscales. Vous portez là un nouveau coup à leur libre administration, par la non-compensation de décisions prises par l’État central.

La conclusion de ces débats ne laisse que des perdants ; les privilèges des plus riches sont préservés et même renforcés.

Comment ne pas y voir un symbole, quand cet échec parlementaire, social et démocratique intervient un 4 août ? Deux cent trente-trois ans après 1789, les droites s’accordent pour abolir les prétendus privilèges des allocataires de minima sociaux et des travailleurs pauvres. Sans intervention du corps social, l’accord qui prend forme sous nos yeux entre la droite et le Gouvernement sapera, les uns après les autres, les intérêts des classes populaires.

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