Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, parler de la mort, c’est aborder un sujet qui touche au plus intime, et souvent au plus douloureux, de l’expérience de chacun. C’est aussi aborder un sujet qui recouvre des réalités et des images évoluant selon les régions et les époques.
En effet, le rapport aux rites funéraires a profondément évolué dans notre société. Les services funéraires ont pris une place essentielle. Ils assurent l’organisation des obsèques, le transport des corps, l’accompagnement des familles. La crémation se substitue progressivement à l’ensevelissement.
La proposition de loi d’origine sénatoriale que nous examinons aujourd’hui veut prendre en compte ces évolutions. Elle répond par là même à une attente de nos concitoyens.
Je salue l’initiative du Sénat, qui a su porter une proposition de loi approuvée, en première lecture, par l’unanimité de ses membres.
Je me félicite également de l’excellent travail des parlementaires des deux assemblées, ainsi que de la qualité des échanges, tout à fait exemplaires, entre, d’une part, le Sénat et l’Assemblée nationale et, d’autre part, les deux assemblées et le Gouvernement.
Grâce aux efforts de chacun, l’esprit de consensus a prévalu sur les clivages partisans. Sur un sujet comme celui-ci, c’est tout à fait essentiel.
Le texte qui vous est soumis doit permettre d’accompagner les évolutions de notre société, tout en réaffirmant un certain nombre de principes juridiques et moraux inscrits au cœur de notre pacte républicain.
Face au développement de la crémation, nous ne pouvons nous contenter d’un vide juridique. Le statut juridique des restes mortels doit être précisé, car le corps humain n’est pas une chose. Dût-il n’en rester que des cendres, il doit faire l’objet de respect. C’est non seulement une exigence morale, mais aussi une réalité juridique, comme le réaffirme la proposition de loi.
Les urnes cinéraires doivent demeurer inviolables, au même titre que les sépultures. Profaner une urne cinéraire, profaner un cimetière sont deux actes également choquants, également condamnables. Dans les circonstances actuelles, cette affirmation est d’autant plus importante.
Accompagner les pratiques funéraires implique aussi de favoriser le développement des équipements nécessaires.
La création des crématoriums, qui relève – c’est tout à fait normal – de la libre administration des collectivités territoriales, ne correspond pas toujours à la cartographie des besoins. Nous devons à la fois préserver la liberté des collectivités, à laquelle, vous le savez, je suis très attachée, et entendre les Français.
L’obligation pour certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale de créer un site cinéraire s’inscrit dans cette double exigence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons adapter notre législation aux évolutions de la société, tout en restant fidèles à certains principes fondamentaux. Le respect de la volonté des défunts et la liberté des funérailles sont au cœur de notre droit funéraire.
Il est d’abord nécessaire de donner aux maires tous les moyens de respecter la volonté du défunt, en autorisant les magistrats municipaux à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté.
La décision prise par le maire de procéder à la crémation d’un défunt à la suite d’une reprise de sépulture, dite « crémation administrative », doit être strictement encadrée. Dans un domaine aussi sensible, le silence ne saurait valoir acquiescement.
Il est légitime de restreindre la crémation administrative aux seuls cas d’absence d’opposition connue ou attestée du défunt à la crémation, comme le prévoit le texte.
Le caractère public des cimetières et des sites funéraires, reconnu par la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, constitue un autre principe fondamental. La neutralité des cimetières est la condition même du respect de la pluralité des confessions, des origines et des appartenances sociales.
Les cimetières appartiennent au domaine public de la commune. Ils sont directement gérés par la commune ou par un établissement public de coopération intercommunale. Ils doivent le rester, malgré la tendance contemporaine à la privatisation de la mort.
Ce qui est vrai pour les cimetières l’est également pour les sites cinéraires. La délégation de la création et de la gestion de ces sites n’est acceptable que si elle demeure l’exception.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas intervenir trop longuement, surtout en deuxième lecture. Pour conclure, je dirai qu’aider nos concitoyens à mieux faire face à l’épreuve du deuil nous conduit à reconnaître et à mieux encadrer les nouvelles pratiques funéraires.
Il nous appartient aussi de donner à nos concitoyens des repères, en réaffirmant dans la loi nos principes et nos valeurs, dans une société qui tend parfois à les dissoudre. Or, de ce point de vue, la proposition de loi que nous examinons est parfaitement équilibrée.
C’est ainsi que nous saurons concilier le respect des morts et la protection des vivants.