Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 10 décembre 2008 à 22h30
Législation funéraire — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Certes… En tout cas, personne n’a jamais considéré qu’il s’agissait là d’une atteinte à la liberté. Le deuil est séparation, et cette dernière justifie l’existence des cimetières tels que nous les connaissons dans notre pays.

Ensuite, et c’est un argument essentiel, il faut tenir compte du statut des cendres. Les cendres ne sont ni une personne ni une chose. On ne peut pas en hériter, comme on hérite d’un meuble ou d’un objet.

Par définition, toute personne est mortelle. Si l’on décide qu’une personne privée peut être dépositaire de l’urne, on risque, au fil des générations, de voir se créer des champs d’urnes privatifs familiaux. Si l’on accepte cela, on remet en cause la notion du cimetière public, laïc et républicain. Il y a antinomie entre la privatisation des cendres et notre conception républicaine du cimetière et du site cinéraire public.

Enfin – c’est le dernier argument –, chaque citoyen ou citoyenne doit avoir la possibilité d’aller faire son deuil, de se recueillir devant les restes d’une personne. Chacune et chacun d’entre nous peut, demain, se rendre sur une tombe du cimetière du Montparnasse, du cimetière du Père Lachaise ou de n’importe quel cimetière de France. Certes, et vous y avez fait allusion, madame la ministre, des profanations peuvent être perpétrées. Certaines ont encore eu lieu récemment. De tels actes nous inspirent à tous une profonde horreur. Néanmoins, c’est un droit de tous de pouvoir aller se recueillir.

Autoriser un particulier à détenir une urne peut également être une source de conflits familiaux ou de personnes. Des professeurs de droit ont d’ailleurs écrit des ouvrages et des articles importants sur ces sujets.

Il n’est pas rare qu’une personne soit aimée de plusieurs autres. Mais si l’une d’entre elles s’approprie l’urne contenant les cendres du défunt, les autres sont privées de la faculté de se recueillir devant les restes de l’être disparu auquel elles étaient attachées.

Le cimetière public donne la garantie que tout être humain pourra se recueillir, faire son deuil. Il assure également l’égalité devant la mort, car y reposent toutes celles et tous ceux qui ont vécu leur vie dans notre République. C’est un point très important.

M. Jean-René Lecerf a évoqué à juste raison les carrés confessionnels, sur lesquels nous devons continuer à réfléchir.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie de l’intérêt que vous avez porté à ce texte, qui comble un vide de notre législation.

Ce texte contribuera à la transparence. Les professionnels, comme chacun de nous, y ont tout intérêt. Nombre d’entre eux en effet, et j’en connais beaucoup, font leur travail avec cœur et montrent de grandes qualités.

Les dispositions que nous allons adopter ce soir s’appliqueront à toutes les familles de ce pays qui ont besoin d’être protégées, aidées par la puissance publique au moment où elles vivent un moment douloureux.

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