Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 3 août 2022 à 14h30
Projet de programme de stabilité pour 2022-2027 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Le problème n’est pas nouveau, tant s’en faut. Sur ce point, le rapporteur général a raison de nous rappeler, avec une constance irréprochable, la comparaison avec l’Allemagne : plus de quarante points de PIB séparent nos taux d’endettement.

Ce décrochage s’explique notamment par une succession d’erreurs politiques et stratégiques passées. Par une funeste inspiration, la France a décidé de sacrifier son industrie sur l’autel des services. Elle a laissé filer ses usines à l’étranger et, avec elles, les emplois qualifiés qu’elles offraient.

Résultat : notre balance commerciale, comme notre solde budgétaire, est devenue structurellement déficitaire. Nous avons réuni les conditions d’un endettement fatidique.

Avec la pandémie, notre dette publique a explosé. Le « quoi qu’il en coûte », choix tactique rationnel en période de taux bas, risque aujourd’hui de créer un précédent. Il faut vite tourner la page. Il faut, bien sûr, réduire les mesures de soutien temporaire, mais aussi s’attaquer au déficit structurel.

Or, à cet égard, monsieur le ministre, je suis au regret de constater que la trajectoire présentée dans le programme de stabilité n’a rien de rassurant. Si le déficit public doit être ramené sous la barre des 3 % du PIB d’ici à 2027, le taux d’endettement, lui, se stabiliserait autour de 113 % du PIB. Il est peu probable que la réalité soit finalement plus favorable que ce qui est prévu dans le programme.

Mais cet indicateur, qui sert bien souvent de boussole pour le pilotage des finances publiques, masque deux autres types d’endettement, qui n’apparaissent pas dans le ratio de la dette publique.

À la faveur de la crise sanitaire, si l’on peut parler ainsi, et grâce à l’engagement de la France, l’Union européenne s’est, pour la première fois, endettée en son nom propre. Cet endettement supra-étatique constitue une avancée majeure pour la construction européenne. Or le Premier Président de la Cour des comptes l’a affirmé devant la commission des finances : le remboursement des sommes versées à notre pays dans ce cadre, qui s’élèvent à 75 milliards d’euros, n’entre pas dans le calcul du ratio de dette publique. Autrement dit, notre dette publique nationale serait encore plus élevée, si nous y intégrions tous les crédits avec lesquels nous avons financé notre plan de relance.

Mais il est une autre dette qui n’apparaît pas dans nos comptes publics, et qui a de quoi nous inquiéter. C’est la dette privée, qui concerne à la fois les entreprises et les ménages. Elle avoisine les 150 % du PIB, bien au-delà de la dette publique – c’est colossal !

En la matière, la France a le taux d’endettement privé le plus élevé des grands pays européens. Le diagnostic est évident : nous sommes plus proches de la Grèce que de l’Allemagne, bien malheureusement.

Ce ratio d’endettement privé a ses fondements. Les dispositifs d’urgence mis en œuvre pendant la crise, ainsi que le contexte de taux négatifs ont encouragé les entreprises à s’endetter massivement pour recruter et investir. Les effets positifs sont donc nombreux. Mais le risque existe que nous ayons massivement financé des entreprises, notamment dans les secteurs des nouvelles technologies, dont les valorisations ont été artificiellement gonflées.

Pour parachever ce panorama peu réjouissant, j’évoquerai la dernière facette de notre endettement, la dette climatique. C’est la plus grande urgence, celle qui menace non seulement notre pays, mais la planète entière.

Cette dette n’apparaît pas plus dans nos comptes, mais elle ravage nos forêts et tarit nos ressources, en eau notamment. Or, monsieur le ministre, mes chers collègues, un pays ravagé par les flammes et en stress hydrique n’est pas gouvernable. Ce défi suppose donc des investissements massifs, dans un contexte très contraint.

L’immense défi de la transition écologique nous impose de changer non pas de logiciel, mais de système d’exploitation pour engager une stratégie ambitieuse de désendettement. Au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, je vous proposerai aujourd’hui deux leviers d’action, qui s’appuient sur deux atouts français et européens.

Le premier levier, le plus opérationnel, c’est la mobilisation de l’épargne privée, qui n’a jamais été si élevée, même si on la laisse peu à peu se faire ronger par l’inflation. En mars dernier, je le rappelle, la Banque de France estimait le montant de cette épargne à 175 milliards d’euros. Ce montant est à mettre en perspective avec les 100 milliards consacrés au plan de relance, financés par la dette publique.

C’est ce levier que notre groupe avait proposé d’activer, en inscrivant, dans une proposition de loi, la création d’un livret d’épargne garantie afin de drainer cette épargne privée vers les territoires. L’objectif était de réaliser des investissements ambitieux au profit de la transition écologique et des infrastructures locales.

Le second levier, plus structurant, mais moins immédiat, c’est une meilleure valorisation des externalités positives et négatives pour mieux orienter les décisions des acteurs économiques, sous la contrainte du changement climatique.

À cet égard, j’évoquerai un sujet, dont l’actualité s’est tristement imposée dans le débat public. Il s’agit, mes chers collègues, de nos forêts. Aujourd’hui, la valeur économique et sociale de nos forêts se résume à la production de bois, comme si l’arbre n’était utile qu’une fois abattu. Cela n’est absolument pas satisfaisant.

Quand la forêt brûle, cela ne constitue pas seulement un manque à gagner, c’est un atout en moins pour la transition écologique. Je vous proposerai prochainement un dispositif pour prendre en compte les externalités positives de la forêt – puits de carbone, agent de la biodiversité et filtre à eau – et engager ainsi le changement de mode de pensée que j’appelle de mes vœux.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est urgent de réduire notre dette, qu’elle soit publique, privée ou écologique. Le programme de stabilité va dans la bonne direction. Espérons que le rythme sera tenu.

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