Autre exemple, la mise en place d’un service public de la petite enfance est bien une nécessité. Comme l’indique le programme de stabilité, les prestations familiales ont considérablement diminué, de 3, 7 %, du fait de la faible natalité de ces dernières années. Mais atteindre l’objectif de création de 30 000 places d’accueil collectif était un engagement figurant dans la convention 2018-2022 liant la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et l’État et cet engagement n’a aucunement été respecté, puisque 15 000 places seulement ont été créées.
Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de mars 2022, il n’existe pas de places d’accueil formel pour 40 % des enfants de moins de trois ans.
Nous assistons à une érosion de l’attractivité de ces métiers, un mouvement si fort qu’il conduit un nombre important de collectivités locales à « geler » des berceaux. Et ce n’est pas l’ordonnance du 19 mai 2021 sur les services aux familles ou le comité de filière que vous avez institué en 2021 qui apportent une réponse : il ne s’agit que d’un début de réponse.
D’ailleurs, l’avis du CESE de mars 2022 plaide pour la mise en place d’un droit opposable à la garde du jeune enfant, comme ce qui a été institué par l’Allemagne en 2004. C’est un objectif ambitieux, avec un coût significatif pour les finances publiques. Le coût de fonctionnement annuel d’une place de crèche dépasse les 15 000 euros et l’investissement correspondant est de l’ordre de 34 000 euros.
Au-delà de quelques exemples précis, que l’on peut compter sur les doigts d’une main, les propos relatifs à la maîtrise de la dépense sont très généraux dans ce document. Il y est question de « renforcement de la qualité des dépenses » et d’un « examen systématique de l’impact environnemental des dépenses ».
Les crédits budgétaires et les taxes affectées, neutres ou non cotées, représentent 92 % des dépenses intégrées à l’objectif total des dépenses de l’État. Dans ce même document, vous évoquez la plateforme de visualisation développée pour que le Parlement et les citoyens s’approprient les résultats de l’action publique. Je l’ai regardée : n’y figurent que des données quantitatives, rien de qualitatif !
Vous parlez de « maîtrise de la dépense dans tous les sous-secteurs, avec une hausse de 0, 6 % en volume, hors urgence et relance, en moyenne pour la période 2023-2027 ». Il ne s’agit que d’une stabilisation du train de vie, et non de véritables économies.
Par ailleurs, plusieurs lois de programmation engagent déjà le Gouvernement : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, qu’il est déjà question de réviser, en augmentant les crédits de 50 milliards d’euros ; la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ; la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur ; récemment, le ministre de l’intérieur a annoncé un projet de loi d’orientation et de programmation de son ministère – quelque 16 milliards d’euros sont prévus. De plus, les états généraux de la justice doivent déboucher sur une augmentation des crédits accordés aux juridictions et à l’administration pénitentiaire.
Dans les perspectives économiques publiées en juillet 2022, l’OCDE appelle le Gouvernement à mettre en place une stratégie ciblée d’assainissement budgétaire à moyen terme, en fixant des priorités claires pour sauvegarder la viabilité des finances publiques et l’efficience de la dépense publique dans un contexte de hausse du service de la dette. Permettez-moi de vous dire que nous n’y sommes pas encore !
Dans votre stratégie, j’ai du mal à voir quel sera l’effort réellement demandé aux collectivités territoriales. Le programme de stabilité évoque une concertation, comme le ministre Béchu le disait lui-même il n’y a pas si longtemps dans cet hémicycle. Je lis toutefois, en page 38 de votre document, que « les dépenses de fonctionnement seraient maîtrisées en volume et ralentiraient en valeur, dans le sillage de l’inflation ». Cette maîtrise en volume est en réalité une baisse, de 0, 5 %, comme l’a précisé le ministre de l’économie et des finances le 21 juillet.