Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 3 août 2022 à 14h30
Projet de programme de stabilité pour 2022-2027 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi en préambule, comme certains l’ont déjà fait, de souligner le fait que ce projet de programme de stabilité nous a été transmis bien tard. Plus de trois mois de retard, alors que notre pays assurait la présidence du conseil de l’Union européenne ! Ce document, censé dessiner la trajectoire de nos finances publiques, a été reçu in extremis, vendredi dernier, ce qui traduit une absence totale de respect pour notre travail.

Cela dit, il n’est pas besoin de plus de temps pour constater le manque de fiabilité et l’insincérité des hypothèses économiques, largement optimistes et surestimées, qui le sous-tendent. Vous piochez dans la fourchette haute des prévisions, certainement parce que celles de la Banque de France ou des conjoncturistes, plus réalistes, étaient trop embarrassantes. L’effet combiné de ces évaluations en trompe-l’œil est de surestimer la santé économique du pays et, hélas, de sous-estimer les difficultés des ménages dans les années à venir.

Malgré vos efforts de dissimulation, vous proposez bel et bien de réduire drastiquement le rythme de croissance des dépenses publiques, qui n’augmenteront plus que de 0, 6 %. Vous actez donc, contrairement à ce que vous affirmez, le début d’une période d’austérité.

Il n’y a pas de surprises dans ce texte, tant il est pétri d’orientations néolibérales et de mesures antisociales basées sur des réformes structurelles, telles que l’aménagement des retraites et de l’assurance chômage, et prises pour faire des économies, alors même que l’effet que vous en espérez est loin d’être certain.

Faute d’agir sur les recettes, comme nous le préconisons, et d’appliquer une fiscalité plus exigeante sur les hauts revenus et les profits, vous continuerez à faire peser sur les classes moyennes et populaires les frais de cette politique, puisque les revenus de transfert et l’accès aux services publics diminueront, ce qui provoquera, à terme, un creusement des inégalités.

Ne nous leurrons pas, contrairement à ce qui a été affirmé, les collectivités ne seront pas épargnées par cette politique austère, alors que beaucoup d’entre elles sont déjà exsangues. Elles font face, elles aussi, à l’inflation pour leurs dépenses de fonctionnement. Pourtant, leurs dépenses devront baisser de 0, 5 %, en sus de l’affaiblissement progressif de leur autonomie consécutif à la suppression, à partir de 2023, de la seconde moitié de la CVAE.

Les préconisations de votre programme de stabilité feront donc inévitablement pâtir la qualité du service public, auquel vous allez porter un coup fatal, alors qu’il garantit le dernier lien avec certains de nos concitoyens les plus précaires.

Surtout, l’austérité qui sous-tend ce programme de stabilité n’est pas compatible avec l’impératif de conversion écologique. En autorisant des hausses ciblées sur les secteurs prioritaires que sont les armées, l’intérieur, la recherche, la justice et l’aide publique au développement, ce document élude de facto le secteur de l’écologie, qui a pourtant cruellement besoin de financements publics. Malgré votre obstination à en faire un détail de l’histoire, il n’est pas acceptable, il est même dangereux de continuer à vous engluer dans l’inaction climatique, en ne prévoyant pas de mesures à la hauteur d’un des plus grands défis que nous ayons à affronter.

La programmation que vous nous présentez est climaticide. Il fallait un changement de paradigme clair. Vous en êtes incapables, comme les débats que nous avons eus il y a peu sur le PLFR l’ont, encore une fois, démontré. Vous auriez pourtant pu financer ces dépenses indispensables à notre avenir par les mesures fiscales justes que nous vous proposions, et que d’autres proposaient également : un ISF climatique ou une contribution des superprofits des multinationales.

Mes chers collègues, ce que ce document ne dit pas est plus important que ce qu’il dit : l’austérité est devant nous, alors que les besoins sociaux et environnementaux sont criants. Nous ne pouvons avec sincérité donner caution à ce programme insincère.

Monsieur le ministre, vous vous entêtez dans un système idéologique délétère, sans tirer les leçons du passé et en voulant obstinément respecter les impératifs budgétaires de Maastricht. Pourtant, le seuil de 3 %, dépourvu de fondement économique, avait été jugé dépassé par le Président de la République lui-même. Le présent programme en expose d’ailleurs à lui seul l’absurdité économique. Même à partir de chiffres excessivement optimistes, le Gouvernement arrive à peine à passer sous la barre des 3 % en 2027, et ce sans réussir pour autant à réduire le niveau d’endettement.

Il est grand temps, monsieur le ministre, d’être lucide sur l’incompatibilité structurelle entre les besoins d’investissement public immédiats et ambitieux que la transition écologique nous impose et les règles budgétaires européennes, qui entravent nos capacités de dépenses publiques.

Mener deux combats de manière simultanée condamne irrémédiablement à échouer dans les deux. Il est grand temps d’avoir le courage de mettre en place une politique de soutenabilité budgétaire fondée sur un principe de soutenabilité économique et environnementale, et non pas seulement sur des critères comptables.

Vous m’avez donc compris, mes chers collègues, nous refusons un programme de stabilité qui est obsolète avant même d’avoir été mis en œuvre, un programme dont l’optimisme est si farouche qu’il confine à la malhonnêteté et amorce des mesures dévastatrices face aux enjeux de taille qui se profilent.

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