Intervention de Alain Duffourg

Réunion du 3 août 2022 à 14h30
Projet de programme de stabilité pour 2022-2027 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Alain DuffourgAlain Duffourg :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme de stabilité 2022-2027 soumis au Parlement dresse la trajectoire et les perspectives pour nos finances publiques à l’horizon de 2027.

Il est marqué par les conséquences de la guerre en Ukraine, les tensions inflationnistes, l’impact des mesures du Ségur de la santé et les dispositifs d’urgence liés à la crise sanitaire.

Les administrations de sécurité sociale, qui représentent la moitié de la dépense publique, devront participer à la modération des dépenses, au même titre que l’État et les collectivités territoriales, dans un ratio de 0, 6 % par an en volume.

Les finances sociales ont supporté la crise sanitaire. Les exonérations adoptées depuis de nombreuses années ont grevé le budget de la sécurité sociale et la reprise de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), à hauteur de 136 milliards d’euros en 2020, a évacué pour longtemps la perspective d’apurement de cette dette.

La trajectoire de retour à l’équilibre en matière de finances sociales reste floue. Nous l’avons critiquée dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 et 2022, et le Haut Conseil des finances publiques estime imprécises les promesses de réforme du programme de stabilité.

La santé demeure la priorité numéro un des Français. Nos urgences, nos hôpitaux, le personnel qui y travaille sont depuis longtemps installés dans une situation critique, devenue insupportable. L’accès aux soins reste compromis dans de nombreux territoires.

Face aux dépenses qu’impliquent ces enjeux légitimes et dans le respect d’un budget équilibré, la voie sera étroite pour trouver et financer les solutions attendues. Le défi est grand : faire plus avec autant !

Monsieur le ministre, au sein du groupe Union Centriste, nous soutenons plusieurs positions complémentaires à la réforme des retraites, système complexe et fragmenté, sollicitée par la Commission européenne.

Il y a eu des erreurs. Dans son rapport annuel de certification des comptes de la sécurité sociale pour 2021, la Cour des comptes souligne l’impact des erreurs sur les finances sociales. Je ne relèverai que celles de la branche maladie : les Français y sont de leur poche pour 2, 7 milliards d’euros, soit 2, 6 % du montant des frais de santé.

En ce qui concerne ensuite la pertinence des soins, le rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe de 2017 souligne qu’une part d’interventions sans valeur ajoutée pour la santé constitue une forme de gaspillage que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue à peu près à un cinquième des dépenses de santé.

Les voies d’économies sont connues. Elles correspondent à des soins inadaptés, tels que des césariennes ou des examens d’imagerie non justifiés, des surprescriptions d’antibiotiques ou encore le recours aux urgences hospitalières inutile ou évitable.

Enfin, la troisième voie d’économies est la lutte contre la fraude. Tant notre collègue Nathalie Goulet que de nombreux rapports dénoncent l’existence d’une fraude importante. Nous entendons que les caisses de Sécurité sociale y travaillent. Toutefois, l’étape de la cartographie des risques n’est pas celle du déploiement d’actions correctrices. La méthode est la bonne, mais il faut continuer d’avancer vite, en traitant l’ensemble des champs.

Enfin l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a sans nul doute permis de juguler la dette sociale. Toutefois, l’état de notre médecine, tant à l’hôpital qu’en ville, doit nous forcer à interroger la pertinence de cet outil très singulier à la France.

Si nous sommes attachés à l’objectif du programme de stabilité, nous ne pouvons ignorer les politiques publiques concernées. La santé figure au rang des plus fondamentales d’entre elles, et les établissements publics de santé, ou d’intérêt collectif, assurent des missions de service public.

Les principes de rentabilité et de service public sont relativement antinomiques. Aussi, le maintien d’un service, d’une unité ou d’un hôpital de proximité ne peut pas être décidé uniquement sous l’angle budgétaire.

Au vu de ces éléments, vous avez dressé tout à l’heure, monsieur le ministre, un tableau idyllique de notre pays et de notre situation financière, tout en fustigeant dans le même temps des formations politiques légalement constituées.

Or la réalité est tout autre : la dette publique s’élève à 2 901 milliards d’euros, soit 11, 5 % du PIB, la hausse des prix, de 6, 1 % en 2021, ne cesse de s’aggraver, le taux de chômage est de 7, 3 % et, enfin, la France est championne du monde des prélèvements sociaux obligatoires, à hauteur de 46 %. Voilà la vérité !

Nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l’automne prochain, en attendant des propositions concrètes de votre part et une trajectoire vertueuse des finances sociales.

Voilà ce qu’attendent notre pays et les Français aujourd’hui, de façon tout à fait légitime.

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