Intervention de Patrick Martin

Délégation aux entreprises — Réunion du 10 février 2022 à 9h00
Table ronde sur le commerce extérieur avec des représentants des entreprises en présence de m. pierre kuchly vice-président de la cpme nationale chargé de la coordination des unions territoriales ; m. patrick martin président délégué du medef ; m. olivier schiller vice-président du meti et « ambassadeur eti » et président de septodont

Patrick Martin, président délégué du MEDEF :

Le MEDEF, qui réunit 190 000 entreprises dont les grands groupes, les ETI, les PME, PMI et un certain nombre de TPE, est très concerné par le sujet du commerce extérieur. La balance commerciale est révélatrice de nos insuffisances et parfois de nos forces, bien qu'on ne sache pas toujours dans quel sens penche la balance. Nous possédons un certain nombre d'outils, notamment MEDEF International, notre bras armé pour accompagner à l'international des entreprises françaises qui veulent exporter ou s'implanter à l'étranger. Je suis personnellement à la tête d'une ETI intégralement familiale et bientôt bicentenaire, qui a réalisé l'année dernière un peu plus de 900 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 100 millions d'euros en l'Europe centrale, Afrique du Nord ou Afrique de l'Ouest. À ce titre, je connais bien les difficultés liées à l'exportation.

Notre pays s'enfonce. Les chiffres sont édifiants et cela depuis les années 2000, époque de l'entrée de la Chine dans l'organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'instauration des 35 heures. Les 35 heures ont provoqué un décrochage en termes de compétitivité dans de nombreux métiers. Patrick Artus vient de produire pour Natexis une excellente note, où il explique que le déficit de la France s'est creusé beaucoup plus avec l'Europe qu'avec le reste du monde. Bien sûr, les importations depuis l'Extrême-Orient ont explosé au cours des dernières décennies, mais le solde avec ces pays émergents ne se dégrade pas. C'est bien avec l'Union européenne que notre déficit s'est le plus creusé, ce qui, d'une part, relativise l'explication par l'énergie, et, d'autre part, renvoie à l'éternel débat sur la compétitivité coût et hors coûts.

Je serai plus nuancé que mon prédécesseur sur les différentiels salariaux. Sur les salaires jusqu'à 2 fois et demie le SMIC, le différentiel avec nos principaux compétiteurs (incluant la Grande-Bretagne malgré le Brexit) s'est plutôt gommé. Le sujet des impôts de production est absolument central et nous nous réjouissons qu'il soit en débat dans le cadre de l'élection présidentielle et qu'il ait été en partie traité dans le cadre du plan de relance. Ce que nous demandons et proposons, c'est qu'à minima, nous rejoignons la moyenne européenne, ce qui se traduirait par une nouvelle réduction de ces impôts de l'ordre de 25 à 35 milliards. Nous ne méconnaissons pas les difficultés que cela pourrait créer pour les collectivités locales, mais ce n'est pas aux entreprises de définir qui doit supporter le coût du transfert.

Le débat sur la compétitivité coût et hors coûts est un peu théorique. Il appartient aux entreprises et au pays d'investir sur le soft, l'intelligence, les formations, notamment les formations scientifiques. Si les entreprises doivent innover dans l'investissement en R&D, il faut qu'elles le fassent massivement, beaucoup plus qu'aujourd'hui. Tout cela implique de dégager des marges.

Il y a bien des enjeux hors coût et en particulier dans le design. Le design n'est pas que la mode, c'est aussi des organisations et des process de production. Thierry Mandon, dorénavant à la tête de l'Institut du Design, a mené des études pointues et notamment de comparaison avec la Chine : celle-ci forme annuellement 100 000 designers. Concrètement, l'industrie chinoise est passé d'une offre rudimentaire il y a encore 20 ans, à des produits qui, aussi bien techniquement qu'en termes de facilité d'usage et de look, sont tout à fait comparables à ce que font les Français et les Italiens.

La France a aussi cette singulière propension à surtransposer des directives européennes, particulièrement dans le domaine de l'agriculture et l'agroalimentaire. Mon propos n'est pas dire qu'on doit s'extraire de considérations essentielles sur la défense de l'environnement ou la défense des consommateurs, mais l'évolution de notre balance commerciale dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire est la démonstration flagrante du fait que nous nous sommes créés des contraintes que nos compétiteurs directs n'ont pas. Il en va de même pour l'industrie, où l'on assiste à un empilage de réglementation et de législation bien au-delà de ce que l'Union européenne elle-même prévoit, empilage qui impacte directement l'efficacité de l'appareil productif français. Paradoxalement, certaines lois, la loi ASAP notamment, organisent de nombreuses dérogations. Ainsi, l'État fait lui-même la démonstration que le système de droit commun est pénalisant !

L'approche de ces sujets devrait être beaucoup plus systémique, afin de redonner à notre outil une réactivité et une capacité de manoeuvre qui participerait grandement au rééquilibrage de nos échanges extérieurs.

Enfin, je reviendrai sur le sujet de l'énergie. De manière assez trompeuse, on impute à l'énergie le creusement de notre déficit commercial. En réalité, quand on regarde la structure du mix énergétique français, cet argument de la dépendance aux hydrocarbures vaut moins pour la France que pour d'autres pays, singulièrement pour l'Italie, qui affiche chroniquement un excédent commercial considérable.

Le nucléaire constitue une source d'exportation et d'excellence pour la France, pourvu que nous réussissions à restaurer des compétences et un appareil productif délabré par des années d'indécision publique. C'est un facteur de compétitivité et de sécurité d'approvisionnement. Les Russes et les Chinois ne se privent pas d'aider massivement les acteurs du nucléaire, compte tenu de la lourdeur des investissements à réaliser. C'est très bien de développer des énergies renouvelables, mais la France est inexistante en termes d'offre d'éoliennes ou de photovoltaïque.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion