Intervention de Olivier Schiller

Délégation aux entreprises — Réunion du 10 février 2022 à 9h00
Table ronde sur le commerce extérieur avec des représentants des entreprises en présence de m. pierre kuchly vice-président de la cpme nationale chargé de la coordination des unions territoriales ; m. patrick martin président délégué du medef ; m. olivier schiller vice-président du meti et « ambassadeur eti » et président de septodont

Olivier Schiller, vice-président du METI et « Ambassadeur ETI » :

et président de Septodont, - La situation du commerce extérieur s'explique aussi par le manque d'ETI en France : elles sont 5 400 en France, contre 12 000 en Allemagne et 10 000 en Angleterre. En 1980, il y avait autant d'ETI en France qu'en Allemagne, avant que des régions entières du territoire ne soient désindustrialisées. Les ETI représentent 25 % de l'emploi salarié, 34 % de l'emploi industriel et 33 % du chiffre d'affaires à l'international.

Avant la pandémie, nous avons bénéficié d'une politique adaptée aux entreprises, avec le transfert du CICE en baisse de charges sociales. Pendant la pandémie, il y a eu le plan d'urgence, aujourd'hui le plan de relance, notamment les 10 milliards d'euros de baisse des taxes de production, qui représentent beaucoup plus que toutes les subventions.

Les ETI ont créé 37 000 emplois en 2021 et les investissements entre 2021 et 2019 ont augmenté de 40 % : lorsque l'État crée un environnement favorable au développement économique, les entreprises sont présentes. Il y a eu de nombreux projets de croissance organique, également sous forme d'acquisition. Ma propre entreprise Septodont, un laboratoire pharmaceutique dentaire, vient de racheter l'activité dentaire de Sanofi et nous allons participer à la relocalisation de l'industrie française en fabriquant à Saint-Maur-des-Fossés ce qui était fabriqué dans l'usine Sanofi de Francfort. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres de réindustrialisation et de relocalisation.

Nos plus grandes difficultés viennent de la hausse du prix des matières premières et des difficultés de recrutement, qui ne sont pas spécifiques à la France et sont observables dans le monde entier.

Comment expliquer la dégradation du commerce extérieur depuis 1980 ? À côté du manque d'ETI, il y a également un manque de compétitivité du made in France. Pour y remédier, nous avons fait des propositions concernant les politiques de l'offre et de la demande.

La politique de l'offre doit nous permettre de regagner une compétitivité équivalente à la compétitivité européenne. Notre premier combat vise les taxes de production. Les 10 milliards d'euros ne représentent qu'une partie de l'écart avec l'Union européenne et l'Allemagne. Les taxes de production sont économiquement absurdes puisqu'elles constituent en quelque sorte des droits de douane à l'envers, c'est-à-dire que les produits made in France sont plus taxés que les produits qui sont importés ! Deuxième problème, elles ne sont pas uniformes sur le territoire français. Sur certains territoires désindustrialisés, la base taxable est faible, ce qui pousse les collectivités locales à fixer des taux très élevés et freine l'implantation de nouvelles usines. Qu'il s'agisse d'une source importante de financement des collectivités locales, nous ne le nions pas, mais ce n'est pas aux entreprises d'adapter les conduits fiscaux pour assurer à celles-ci des recettes pérennes.

Deuxième sujet essentiel, la simplification administrative. En rien, elle n'est incompatible avec la transition environnementale. Je rappelle que nous avons en France l'électricité la plus décarbonnée du monde, grâce au nucléaire, mais aussi à tous les énergies renouvelables. Le made in France a grandes vertus en terme environnemental, notamment comparé au made in Germany où l'électricité est partiellement produite à partir de charbon.

Pour préserver et faire grandir notre tissu d'ETI, pour que des PME deviennent des ETI, et que les ETI deviennent des grands groupes, il faut préserver la transmission des entreprises au sein des familles, il faut sanctuariser et amplifier le pacte Dutreil, car le coût de la transmission est plus élevé en France que dans beaucoup de pays, notamment l'Allemagne.

Nous avons également des problématiques de formation : 45 % des ETI nous disent manquer de ressources pour se développer à l'international. L'apprentissage est une réponse, mais pour résoudre l'ensemble de nos problématiques, il faut rapprocher le monde des grandes écoles et des universités du monde de l'entreprise. À ce sujet, une convention est en cours de signature entre le ministère de l'industrie et le METI pour rapprocher ces deux mondes qui s'ignorent encore trop.

S'agissant du développement d'une politique de la demande, je signalerai que le réflexe d'une administration allemande est de privilégier le made in Germany, ce qui est parfaitement autorisé par le droit européen. L'administration française, hélas, regarde le prix. La demande doit se porter sur les produits locaux et à cet égard, un vrai changement de culture doit être opéré.

Il faut également associer les ETI à la diplomatie économique, comme le fait très bien l'Allemagne. J'attends toujours que l'ambassadeur de France, à l'instar de l'ambassadeur d'Allemagne, fasse le tour du monde avec nos entreprises pour clamer que la France est une formidable porte d'entrée de l'Europe !

Je partage ce qui a été dit sur l'entrée de la Chine dans l'OMC, mais malheureusement il n'y a pas que la Chine. Au Brésil, tout est fait pour que les produits importés ne soit pas compétitifs localement. Notre entreprise y a perdu de l'argent pendant des années, jusqu'à ce que nous rachetions une entreprise brésilienne. Dans les échanges internationaux, il n'y a aucune réciprocité : l'Europe est complètement ouverte à l'importation des produits du monde entier, mais elle est loin d'avoir le même accès à de nombreux marchés.

Il y a enfin des enjeux d'attractivité. L'ambassadrice du Canada, où nous avons une usine, fait le tour du monde avec les différentes provinces pour expliquer aux entreprises françaises que le Canada constitue une excellente porte d'entrée pour les États-Unis. Il faudrait être un petit peu plus agressif commercialement.

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