Intervention de Rodolphe Saadé

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 20 juillet 2022 à 10h00
Audition de M. Rodolphe Saadé président-directeur général de cma cgm

Rodolphe Saadé, président-directeur général de CMA CGM :

C'est un grand honneur de m'exprimer devant la représentation nationale. Comme vous l'avez souhaité, mon propos visera à clarifier la situation, les enjeux et les perspectives du secteur de la logistique. Je le ferai à partir de l'exemple et de l'expérience d'une entreprise française et familiale qui, en moins de cinquante ans d'existence, est devenue le leader mondial du transport et de la logistique, couvrant toute la chaîne du premier au dernier kilomètre.

Son succès a une histoire, qui croise l'histoire d'une famille, de la France et de la mondialisation. Cette histoire, c'est celle de la CMA CGM. Elle peut vous aider à comprendre comment la France pourra, à l'avenir, garder sa place au premier rang de l'économie mondiale.

Le succès de notre groupe repose sur un principe très fort : l'investissement. C'était déjà le coeur de la vision que portait le fondateur de notre compagnie, mon père Jacques Saadé, lorsqu'il a fui la guerre au Liban pour venir s'installer en France. J'avais 8 ans. Mon père a choisi Marseille, car cette ville lui rappelait Beyrouth. Nous devions y rester quelques semaines ; nous y sommes depuis plus de quarante-quatre ans.

Car Jacques Saadé a fait le pari d'investir en France. En septembre 1978, il a créé la Compagnie maritime d'affrètement (CMA), avec une double intuition. D'abord une vision de l'avenir : Jacques Saadé était convaincu qu'avec la mondialisation, les échanges par voie maritime allaient se développer et que le conteneur y occuperait une place prépondérante. Pourquoi le conteneur ? Il avait découvert cette boîte métallique lors d'un stage aux États-Unis. L'armée américaine l'utilisait, pour acheminer son matériel au Vietnam. Jacques Saadé avait anticipé son immense potentiel, l'avenir lui a donné raison.

À cette anticipation s'ajoute l'ambition d'anticiper l'explosion future de la mondialisation. À sa création, la CMA comptait quatre collaborateurs et un seul et unique bateau en location, qui reliait Marseille, Livourne, Lattaquieh et Beyrouth. Aujourd'hui, nous comptons 150 000 collaborateurs, 570 navires, 580 entrepôts et 6 avions-cargos.

La CMA se développe en même temps que la mondialisation s'intensifie. D'abord sur le plan géographique en s'ouvrant à l'accès à de nouvelles zones, via le Canal de Suez en 1983 et trois ans plus tard vers l'Asie, ce qui nous a permis d'ouvrir, en 1992, notre premier bureau à Shanghai, presque dix ans avant l'entrée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de cette Chine dont mon père pressentait qu'elle deviendrait l'usine du monde. Ensuite, sur le plan capitalistique : en 1996, nous avons racheté et redressé la compagnie nationale CGM, héritière de la Transatlantique, avant de fusionner pour donner naissance au premier armateur français. En 2005, avec le rachat de Delmas, CMA CGM est devenu le numéro trois mondial du transport maritime par conteneurs.

Dans un secteur où les profits sont cycliques, l'entreprise a toujours maintenu le cap de l'investissement, dans les moments favorables comme dans les moments difficiles. D'un côté, entre 2000 et 2008, portés par notre croissance annuelle de près de 20 %, nous avons étendu notre réseau commercial et nos lignes maritimes en couvrant 420 ports sur les cinq continents. D'un autre côté, lorsque la crise de 2008 a frappé l'ensemble de l'économie mondiale et particulièrement le secteur des échanges, notre groupe a bien évidemment connu de grandes difficultés. Mais alors que beaucoup pariaient sur notre dépôt de bilan, nous avons tenu bon notre objectif d'investissement, en faisant entrer au capital de notre compagnie à la fois un groupe industriel familial turc, Yildirim, et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) devenu depuis Bpifrance, qui nous accompagne encore aujourd'hui, conserve une participation symbolique de 3 % et un siège à notre conseil. Lorsque les échanges mondiaux ont repris, notre groupe était en mesure d'entamer une nouvelle phase de son histoire.

Ainsi, nous avons pu affermir notre place de leader en rachetant certains de nos concurrents asiatiques comme, en 2015, le Singapourien NOL, devenant par là même le leader entre l'Asie et les États-Unis. L'année suivante, nous avons signé avec des armateurs asiatiques, Ocean Alliance, un accord de partenariat à long terme afin de partager l'espace à bord des navires et opérer des bateaux plus grands, ce qui renforce à la fois notre compétitivité et notre solidité face aux aléas du marché.

Lorsque j'ai pris la direction générale et la présidence du groupe en 2017, ma priorité a été d'anticiper les évolutions de la supply chain. J'ai alors décidé de nous diversifier dans la logistique et d'offrir à nos clients une solution complète, qui couvre l'ensemble de leurs besoins. Nous avons ainsi racheté le groupe suisse, CEVA Logistics, douzième mondial, qui propose notamment du transport aérien, routier, ferroviaire et de l'entreposage. Ma première décision a été de rapatrier cette entreprise en France, à Marseille, où nous avons créé 200 emplois supplémentaires, et progressivement redressé CEVA pour en faire un leader mondial de la logistique.

Nous avons également cherché à renforcer chacun de ses métiers par des rachats ciblés : la société d'entreposage américaine Ingram, reconnue pour la logistique de l'e-commerce, en 2021, puis Colis Privé, pour couvrir le dernier kilomètre. Tout récemment, nous avons racheté en un temps record le transporteur automobile Gefco à son actionnaire russe, ce qui nous a permis de faire revenir Gefco sous pavillon français et de sauvegarder plus de 10 000 emplois, dont 3 500 en France.

Enfin, nous avons étendu nos activités au fret aérien, en créant l'an dernier notre propre division CMA CGM Air Cargo. Nous avons acquis nos propres avions-cargos : quatre Airbus A330 et deux Boeing 777. Deux autres sont en commande, ainsi que quatre Airbus A350. Nous avons également développé une alliance stratégique et commerciale avec Air France-KLM pour mutualiser les soutes de nos avions. C'est un secteur crucial pour offrir de nouvelles solutions expresses à nos clients dans le contexte de tensions actuel. Et nous avons choisi de devenir leur actionnaire à hauteur de 9 %, ce qui fait de nous le numéro un du fret aérien européen et le numéro quatre mondial. Le développement du fret contribuera à leur redressement.

Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur les tensions qui frappent actuellement les chaînes logistiques mondiales, car elles sont riches d'enseignements pour l'avenir. Notre secteur a connu des tensions inédites ces deux dernières années sous l'effet de la crise sanitaire, de la forte reprise économique qui a suivi les confinements et, dans une certaine mesure, de la guerre en Ukraine. Elles se sont traduites par certaines disruptions des chaînes logistiques et par des difficultés d'approvisionnement pour les entreprises.

Revenons à février 2020 : avant la mise en place du premier confinement, le commerce international a connu un fort ralentissement. La plupart des entreprises, notamment en France, avaient soit fermé leurs portes, soit fortement ralenti leur activité. Nous avons ajusté nos capacités, en ralentissant nos navires et en jouant sur le levier des navires affrétés pour réduire nos capacités, à l'exception - je tiens à le souligner - des outre-mer, où tous nos services ont été maintenus, même si nos navires n'étaient pleins qu'à 65 %.

Dès le quatrième trimestre 2020, la demande en transport est repartie avec vigueur. Les politiques des différents gouvernements ont soutenu la consommation. Privés de déplacements, les consommateurs se sont reportés sur l'achat de biens manufacturés, principalement en provenance d'Asie. La pandémie et la digitalisation ont favorisé le boom de l'e-commerce - une tendance de fond -, intensifiant les flux logistiques mondiaux. Les volumes du marché ont ainsi fortement augmenté en 2021 : +12 % au global, +10 % sur le marché Asie-Europe, +18 % sur le marché transpacifique, +16 % sur le marché transatlantique. Personne n'avait anticipé la forte reprise qui a suivi le premier confinement.

L'industrie maritime a certes réagi rapidement et CMA CGM plus encore : depuis le début de la crise sanitaire, nous avons augmenté nos capacités de 18 %, contre 8 % en moyenne pour le secteur. Nous avons renforcé nos infrastructures par de nouveaux terminaux - FMS à Los Angeles, Abu Dhabi, Alexandrie, Beyrouth et dernièrement Nava Sheva à Bombay -, acheté ou commandé 137 navires la même année et fait entrer en flotte plus de 500 000 conteneurs en 2021.

Nous avons particulièrement veillé à trouver des solutions à nos clients en France, ce dont témoigne la progression de nos volumes à l'import : +30 % par rapport à 2019. Pour y parvenir, nous avons affrété trois navires supplémentaires à l'approche des fêtes de fin d'année pour le marché français.

Vous le voyez : nous avons répondu rapidement et fortement à la crise, mais dans des conditions aussi difficiles, nous ne pouvons être tenus pour seuls responsables des dysfonctionnements constatés. D'abord, parce que l'ajustement entre les capacités et la demande a pris du temps. Ensuite, nous avions beau augmenter nos capacités disponibles, la capacité dynamique réelle plafonnait, particulièrement pour la filière du conteneur, en raison du temps d'immobilisation des navires de commerce. On estime qu'en 2021, la congestion a absorbé à elle seule 17 % des capacités mondiales.

Mais les transporteurs maritimes ne détenaient qu'une partie de la solution. Ce sont en réalité les infrastructures terrestres, notamment portuaires, qui ont été saturées, avec un pic de congestion fin 2021 ou début 2022, selon les régions du monde : jusqu'à vingt jours d'attente à Los Angeles en janvier 2022, jusqu'à vingt-quatre jours à Seattle en décembre 2021. Il y a deux raisons à cela : des infrastructures portuaires sous-dimensionnées et des pénuries de main d'oeuvre, parfois conjoncturelles dans le cas des dockers mis en quarantaine à la suite de la crise du covid.

Je note depuis quelques semaines un ralentissement de la croissance : les stocks sont importants un peu partout dans le monde et la consommation faiblit. Certains évoquent une récession. Je parlerai plutôt d'un atterrissage en douceur ou de normalisation des flux, ce qui fera nécessairement baisser le prix du transport. Nous sommes soumis à la loi de l'offre et de la demande, à la hausse comme à la baisse.

De cette crise, on peut tirer les enseignements suivants, qui concernent les échanges mondiaux, mais qui engagent aussi la décision politique. Le premier me semble aujourd'hui appeler à certaines réformes. La résilience des chaînes d'approvisionnement passe par la mise en place d'infrastructures terrestres, notamment portuaires, plus adaptées et plus performantes. Il faut pouvoir gérer les pics de demande à terre également ! Je rejoins ainsi les conclusions du rapport remis par M. Vaspart, lorsqu'il était sénateur, qui préconisait que les ports français réfléchissent à leur avenir. Pour notre part, nous sommes prêts à y contribuer.

Le deuxième enseignement concerne la stratégie des entreprises. Les crises récentes, notamment la période de pandémie et la guerre en Ukraine, ont confirmé notre vision et la validité des choix opérés par notre groupe. Elles n'ont qu'accéléré des tendances que nous avions enclenchées. C'est parce que nous avions préparé l'avenir par nos investissements que nous avons pu, en cinq ans, passer de 37 000 collaborateurs en 2017 à 150 000 en 2022 et tripler notre chiffre d'affaires, de 21 milliards à 56 milliards de dollars.

Tout au long de son histoire, notre groupe a souvent été décrit de façon variable, tantôt vu comme trop endetté, tantôt comme trop profitable. La vérité est qu'il a toujours investi : le fil conducteur de son histoire, comme de son succès, ce sont les investissements ! Nous réinvestissons 90 % de nos bénéfices. Ainsi, nos bénéfices d'aujourd'hui sont le fruit de nos investissements d'hier ; ce sont aussi les germes de nos investissements pour demain !

Le troisième enseignement concerne le rôle que peut jouer un leader mondial français en période de crise. À cet égard, je souhaite rappeler combien notre engagement a été exemplaire tout au long de la crise issue de la pandémie et mettre à l'honneur la mobilisation de toutes les équipes du groupe CMA CGM.

Conscients que le leadership s'accompagne d'une grande responsabilité, nous nous sommes collectivement mobilisés, dès les débuts de la crise sanitaire, pour les populations fragilisées. Nous avons acheminé plus de 800 millions de masques vers la France en deux mois et nous avons donné plus d'un million de masques aux structures sanitaires de différents pays : France, États-Unis, Liban, Algérie, Côte d'Ivoire, Nigeria, Mauritanie, Sénégal et Cameroun. Avec Action contre la faim et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), nous avons distribué des kits sanitaires à 5 000 personnes sans-abri, ainsi que de la nourriture pour les jeunes enfants et nourrissons. À Marseille, avec la Banque alimentaire, nous avons offert six tonnes de denrées à 12 000 familles et nous avons mené de nombreuses autres actions.

Aujourd'hui encore, face à l'inflation, CMA CGM a montré son esprit de responsabilité, portant une attention particulière en France aux outre-mer, aux PME et au pouvoir d'achat des consommateurs. Nous avons été le premier transporteur maritime, en avril 2021, à geler les tarifs de fret « spot » pour les outre-mer et, en septembre 2021, pour la métropole. Depuis l'été dernier, nous avons réservé des capacités à tarif réduit - près de 500 conteneurs par semaine - pour les PME exportatrices françaises. Nous ne transportons ni blé, ni pétrole, ni gaz : notre impact sur l'inflation est donc très faible ! Selon une étude réalisée par Barclays en janvier dernier, le coût du transport ne représente en moyenne que 4 % du coût d'un produit. Il faut donc garder le sens de la mesure dans ce qui est demandé à notre secteur.

Parce que nous sommes un groupe engagé, nous avons toutefois proposé de nous-mêmes de diminuer le coût de certains transports pour aider les consommateurs français. Nous avons annoncé fin juin une baisse de 500 euros par conteneur pour toutes les importations dans les DOM-TOM ainsi que les importations en métropole de quatorze principaux distributeurs français. Cette baisse sera effective à compter du 1er août pour une durée d'un an. Nous voulons toutefois être sûrs que cette mesure profite aux consommateurs, voilà pourquoi nous avons demandé aux services du ministère de l'économie d'évaluer son impact. Enfin, deux marchandises sur trois importées en France dans des conteneurs ne le sont pas par nos soins. Cela signifie que les autres compagnies maritimes doivent, elles aussi, être mises devant leurs responsabilités.

L'exemplarité d'une entreprise n'est pas, pour moi, un idéal abstrait, mais une façon d'être utile aux autres et au monde. J'ai toujours voulu que nos bénéfices soient utiles, tant à notre transformation et aux valeurs que nous portons qu'à la France.

En faisant le choix de réinvestir nos profits dans le développement du groupe, nous avons construit, depuis la France et en France, un leader mondial du transport et de la logistique. Alors que nous n'y réalisons qu'une faible partie de notre chiffre d'affaires, nous avons toujours assumé une responsabilité particulière vis-à-vis de la France. Nous avons notamment oeuvré à y développer l'emploi : nous avons doublé nos effectifs en France en cinq ans.

Notre groupe est par ailleurs soumis, d'une part, à l'impôt sur les sociétés classique pour nos activités logistiques et portuaires, d'autre part, à une fiscalité européenne à travers la taxe au tonnage. Ce système d'imposition a permis de maintenir en Europe de grandes compagnies maritimes et les emplois associés et de contrer la montée en puissance des compagnies asiatiques. Il est donc crucial pour nous que la France nous aide à maintenir un jeu à armes égales entre prestataires européens.

Par notre histoire, nous avons aussi un profond ancrage dans le territoire, à Marseille, où se trouve notre siège social, où nous employons le tiers de nos salariés français - plus de 3 000 personnes - et où nous générons 5 000 emplois indirects. Afin de promouvoir l'innovation et l'esprit entrepreneurial, nous y avons ouvert en 2018 un incubateur de start-up, Zebox, qui se développe aussi à l'international - en Amérique, dans les Caraïbes et en Afrique. Et nous y ouvrirons en 2024 un centre d'innovation et de formation, Tangram, pour inventer le transport et la logistique durables de demain avec d'autres grands groupes, des start-up et des chercheurs. Enfin, notre fondation d'entreprise aide plus de 75 associations, à Marseille comme au Liban et nous avons créé avec Aix-Marseille Université une chaire médicale autour de l'oncologie et de la neurologie.

Vous le voyez, l'ancrage local est pour nous le vecteur d'un engagement humaniste mondial. Malgré sa taille, notre groupe est resté profondément humain, sans doute parce que nous savons que les échanges entre les êtres nourrissent aussi les liens.

C`est d'abord vrai dans l'entreprise : pour nous, la richesse humaine de nos équipes est notre plus bel actif. Pour l'encourager, nous pratiquons une politique de redistribution active. En 2021 à la suite des très bons résultats obtenus par notre activité maritime, nous avons accordé à tous nos employés de cette division dans le monde deux mois de salaire supplémentaires, auxquels se sont ajoutées des augmentations et primes représentant 11 % de la masse salariale et un intéressement équivalent à deux mois de salaire pour nos collaborateurs français. Le mois dernier, face à l'inflation, nous avons décidé d'allouer à tous nos collaborateurs en France touchant jusqu'à deux fois le SMIC une prime de 4 500 euros.

Ancrés dans le territoire, forts de notre humanité, nous sommes aussi engagés pour la protection de l'environnement dans lequel nous opérons, et sans lequel nous ne pourrions poursuivre notre développement. Si les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pour nous des indicateurs de gestion essentiels, nous faisons, depuis longtemps, de la transition énergétique un objectif de notre transformation.

En ce domaine aussi, nous avons été pionniers. Nous avons été les premiers à décider qu'aucun de nos navires ne passerait par la route du Nord, ouverte certains mois de l'année en raison de la fonte des glaces - d'autres nous ont suivis. Nous avons aussi été les premiers à développer des navires propulsés au gaz naturel liquéfié (GNL), qui sont depuis devenus un standard pour notre industrie. Nous en avons déjà 29 en service, ils seront 77 d'ici quatre ans.

Nos investissements dans la recherche et notre engagement dans la transformation durable du groupe nous ont permis de développer l'usage du GNL. Grâce à lui, nous pouvons supprimer la quasi-totalité des émissions de particules fines et réduire de 20 % nos émissions de CO2. Bien sûr, le GNL n'est qu'une énergie de transition. Mais la technologie que nous avons développée nous aidera à utiliser bientôt le biométhane et le méthane de synthèse, qui nous permettront de réduire, pour l'un, d'au moins 67 % nos émissions de CO2, pour l'autre, jusqu'à 80 % de nos émissions.

Mais ces carburants n'existent pour l'instant qu'en quantités très faibles et leurs filières de production doivent être renforcées. J'ai donc décidé de créer une division Énergie et nous avons signé plusieurs partenariats sur le sujet. Avec Engie, par exemple, nous allons investir dans des sites de production de biométhane et de méthane de synthèse, en France notamment. Parallèlement, nous avons aussi passé commande de navires propulsés au méthanol.

Nous travaillons au sein du groupe à décarboner l'ensemble de nos autres activités - transport routier et aérien, logistique -, mais nous voulons aussi contribuer à forger un élan collectif qui fasse une vraie différence. Voilà pourquoi nous avons créé en 2020 une coalition regroupant dix-sept grandes entreprises internationales. Nous travaillons ensemble sur douze projets concrets : de l'électrification du transport au projet de production de biométhane liquéfié, en passant par le développement d'un biocarburant à partir de déchets de bois.

Nous devons continuer collectivement à identifier toutes les solutions pour parvenir au « net zéro » et les mettre en oeuvre rapidement. Cet engagement pour une transformation durable est crucial selon moi pour l'avenir de notre groupe, mais aussi pour la pérennité de notre secteur. L'exemplarité doit donc être une recherche d'action à toutes les échelles, par tous les moyens, avec toutes nos parties prenantes.

En conclusion, la crise issue de la pandémie n'a pas fait naître de nouvelle situation, mais elle a révélé ce qui était latent. Pour notre entreprise, elle a accéléré les orientations stratégiques en cours, sans modifier notre engagement de fond : nous n'avons cessé de nous développer en réinvestissant la quasi-totalité de nos profits dans le développement de notre entreprise pour offrir de nouvelles solutions à nos clients et accélérer notre transition énergétique. C'est ce que je qualifierais de « bénéfice utile ». C'est bien cette politique de réinvestissement dans l'entreprise qui explique notre formidable développement et qui légitime notre position de leader.

Pour notre pays, la crise a été l'occasion d'une salutaire mise en garde : le transport et la logistique sont des activités et des outils stratégiques pour un pays. Pour renforcer la compétitivité et la souveraineté de la France dans le secteur portuaire et logistique, il est nécessaire de mettre en place, avec les pouvoirs publics, un plan d'investissements ambitieux. Nous sommes prêts à y travailler avec vous.

Envisager à la fois le devenir de CMA CGM et celui de la France, tel a été le coeur de mon analyse, telle est aussi l'ambition à laquelle je suis fier d'oeuvrer. Depuis sa fondation, notre groupe familial porte haut les couleurs de la France et de ses valeurs dans la mondialisation. Y contribuer aussi par ces quelques pistes est un grand honneur.

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