Intervention de Jean-Pierre Moga

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 juillet 2022 à 8h40
Bilan de la politique de la ville — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre MogaJean-Pierre Moga, rapporteur :

Le contexte dépeint par mon collègue est absolument critique.

Pour autant, l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Cette atteinte est un enjeu d'intérêt national. L'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, en étant issu, ne doivent donc pas être opposés aux énergies renouvelables, car l'enjeu est in fine de décarboner au maximum le système électrique. De plus, la sobriété énergétique doit être activement promue.

L'énergie nucléaire est une source d'énergie décarbonée à soutenir, un atout dont nous disposons. C'est un levier de souveraineté, avec 61,4 GW de capacités. C'est aussi un levier de transition énergétique, ses émissions ne dépassant pas 6 grammes de CO2 par kilowattheure (kWh). C'est un levier de compétitivité économique, avec 3 200 entreprises et 220 000 emplois. C'est enfin un levier de rayonnement européen, la France étant le premier exportateur d'électricité, avec un solde de 43,1 TWh.

L'hydrogène bas-carbone est également un vecteur énergétique d'avenir à promouvoir, complémentaire de l'énergie nucléaire. Il est indispensable pour remplacer les énergies fossiles, dans l'industrie ou la mobilité notamment, et pour stocker l'électricité. Dans ce contexte, la stratégie française prévoit 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs d'ici à 2030, et la stratégie européenne 40 GW. De plus, un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) soutient quinze entreprises françaises dans ce domaine.

Lors du discours de Belfort, le 10 février dernier, l'exécutif a annoncé la prolongation des réacteurs actuels au-delà de 50 ans, la construction de 6 EPR et l'étude de 8 autres. De plus, il a confirmé le soutien budgétaire au nucléaire, dont un SMR (Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire), et à l'hydrogène, prévu par les plans de relance et d'investissement. Ces annonces sont tardives et insuffisantes : il faut construire plus d'EPR et de SMR qu'annoncés, les construire plus vite et surtout les assortir de moyens budgétaires et humains.

Pour relancer l'énergie nucléaire et promouvoir l'hydrogène bas-carbone, nous formulons donc dix propositions réunies en trois volets.

Le premier volet vise à rétablir un nucléaire attractif, au centre de la décarbonation.

Pour concrétiser la relance du nucléaire, nous souhaitons le replacer au coeur de la planification énergétique nationale. Tout d'abord, nous proposons de remplacer l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans notre production d'électricité d'ici à 2035 par un objectif de maintien à plus de 50 % d'ici à 2050. De plus, nous suggérons d'introduire des objectifs de décarbonation de l'électricité, d'utilisation de matières recyclées et de déploiement des électrolyseurs d'ici à 2030. Nous souhaitons aussi sanctuariser, dans cette planification, les projets de R&D. Enfin, nous appelons à la révision immédiate de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui prévoit la fermeture des réacteurs nucléaires, ce qui est incohérent avec la relance du nucléaire, et qui se focalise sur l'hydrogène industriel, ce qui est moins ambitieux que la loi « Énergie-Climat » !

De plus, nous appelons à faire aboutir la relance du nucléaire. Parmi les scenarii de RTE, le scenario « N03 », qui prévoit un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, est pour nous un minimum à atteindre. La construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR, proposée dans ce scénario, doit être consacrée dans la loi quinquennale !

Pour autant, nous sommes conscients des limites du scenario « N03 » : d'une part, la prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans n'est pas acquise sur le plan de la sûreté ; d'autre part, la consommation d'électricité pourrait croître davantage, dans le scénario de réindustrialisation (+107 TWh) ou la variante hydrogène (+ 121 TWh). Selon RTE, jusqu'à 3 EPR pourrait être nécessaires si cette prolongation n'était pas possible et 9 en cas de réindustrialisation. Compte tenu de ces incertitudes, nous demandons au Gouvernement de remettre une étude sur la construction éventuelle de ces autres EPR, d'ici à la loi quinquennale. Quel que soit le scénario retenu, nous appelons à ce que les enjeux de sûreté et de sécurité nucléaires soient intégrés en amont, pour rétablir la « marge » attendue par l'ASN. De plus, nous plaidons pour que les meilleurs standards environnementaux soient appliqués aux nouveaux réacteurs, par le biais d'un plan d'actions.

En outre, nous appelons à un plan financement robuste de la relance du nucléaire. Sur les financements privés, la « taxonomie verte européenne » assimile l'énergie nucléaire à une énergie de transition et non durable, présente des délais contraignants, et n'intègre pas les activités du cycle ou de maintenance : ces verrous doivent être levés. Sur les financements publics, le groupe EDF ne peut financer seul la construction de nouveaux réacteurs. Le Gouvernement doit présenter un modèle de financement robuste, prévoyant son appui substantiel, dès la loi quinquennale. Dans l'immédiat, les crédits consacrés à l'énergie nucléaire doivent être relevés, car ils ne représentent que 0,45 % du plan de relance et 3,30 % de celui d'investissement. Il en est de même pour le budget des opérateurs de recherche. Enfin, l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas carbone peuvent être mieux intégrés à certains dispositifs de soutien : je pense au « bac à sable » réglementaire, au contrat d'expérimentation et aux certificats d'économies d'énergie (C2E).

Autre prérequis, nous souhaitons mobiliser les pouvoirs publics sur la question de la formation, de la simplification et de la territorialisation. D'une part, un chantier de simplification des procédures est attendu : il faut accélérer la construction des réacteurs, et notamment les phases préalables, en laissant inchangés les règles de sûreté et de sécurité nucléaires, le droit de l'environnement et les compétences locales. D'autre part, un plan d'attractivité des métiers et des compétences est crucial. Pour ce faire, il faut replacer la science et la technologie au coeur de la politique éducative et favoriser la mixité et la diversité. Un objectif d'au moins 30 000 emplois, nécessaires à la construction des six EPR, mérite d'être consacré. Au-delà, le Gouvernement doit remettre une étude sur les besoins en formation induits par la relance complète du nucléaire, dès la loi quinquennale.

Enfin, un dialogue territorial est attendu : les consultations préalables sur ces six EPR et la stratégie énergétique doivent être achevées sans délai ; un appel national à manifestation d'intérêt, à l'attention des collectivités volontaires, doit être lancé sur les autres projets ; enfin, le site de Fessenheim doit être soutenu, en résolvant les difficultés liées au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), en réalisant les projets de reconversion, dont le technocentre, et en répondant aux demandes locales formulées dans le cadre de la relance du nucléaire.

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