Intervention de Valérie Metrich-Hecquet

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 septembre 2022 à 11h00
Audition de Mme Valérie Metrich-hecquet candidate proposée par le président de la république aux fonctions de directrice de l'office national des forêts

Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée aux fonctions de directrice générale de l’Office national des forêts :

– Après trente-cinq années de service public, je considère que le fonctionnaire doit apporter une expertise objective et indépendante – c’est, me semble-t-il, ce qui caractérise les personnels de l’ONF –, mais que la décision appartient à l’élu, détenteur de la légitimité populaire, a fortiori quand ce sont les communes qui sont propriétaires. Je m’engage, si je suis nommée, à être à l’écoute des élus, des associations, mais également des personnels.

Le directeur par intérim et les équipes de l’ONF ont déjà beaucoup travaillé avec les communes forestières sur la convention en cours d’élaboration. Ce doit être le point de départ d’une coopération renforcée. Je m’engage à faire en sorte que la convention soit vraiment le fruit d’un travail commun.

Le nouveau comité d’audit que j’ai évoqué sera, je le crois, très utile pour donner, en s’appuyant sur la comptabilité analytique, une information fiable, objective, transparente et vérifiable aux élus. Je m’engage à faire en sorte que cette information soit fournie en toute honnêteté.

La forêt privée est un sujet de préoccupation. Les événements climatiques viennent renforcer le constat posé dans le rapport de 2019. Les incendies ne connaissent pas la limite entre forêts privées et forêts publiques. Il est tout à fait souhaitable de renforcer les partenariats avec la forêt privée. À mon sens, France Bois Forêt peut être un cadre de discussion.

Des partenariats me semblent pouvoir être développés dans deux domaines en particulier. Le premier concerne le partage des recherches et des innovations dans la stratégie d’adaptation au changement climatique : l’ONF ayant l’avantage d’être présent sur l’ensemble du territoire national, il peut faire des expérimentations à certains endroits et les porter au bénéfice de toute la forêt française. Le second concerne la gestion forestière : des initiatives telles que les chartes forestières du territoire ou les plans de développement de massifs forestiers sont très utiles, par exemple dans la lutte contre les incendies ou les crises sanitaires, la politique cynégétique ou le choix des essences.

Depuis quinze ans, l’État a constamment abondé le budget, avec une contribution supplémentaire de 80 millions d’euros. Les crédits affectés aux missions d’intérêt général (MIG) ont doublé en cinq ans. L’ONF a reçu 50 millions d’euros pour le renouvellement forestier dans le cadre du plan de relance. En outre, il est indiqué dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) que toute mission nouvelle ou extension de mission doit être financée à coût complet par son commanditaire. En tant qu’autorité de tutelle, j’apprécie ces différents éléments comme signifiant une non-application des réductions d’effectifs sur les MIG ; j’ai bien l’intention de faire de même si je suis nommée directrice générale.

Les événements de l’été ont révélé la fragilité de la forêt française, appelant à une prise de conscience. Sans doute faut-il mettre un accent particulier sur les moyens consacrés à la gestion adaptative de la forêt française, privée comme publique. D’ailleurs, la Première ministre en a fait l’un des trois premiers enjeux de la planification écologique. C’est, me semble-t-il, un signal encourageant.

Si je suis nommée, je m’emploierai, comme les ministres de l’agriculture et de l’écologie l’ont demandé, à fournir avec les équipes de l’ONF une évaluation la plus objective possible des missions nouvelles et des moyens nécessaires. Ensuite, le politique fera son choix.

M. Laurent Somon. – Les documents qu’édite l’ONF sont toujours très positifs pour le développement des territoires. Mais il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Par exemple, la forêt de Crécy, qui figure parmi les plus gros massifs des Hauts-de-France, rencontre d’énormes difficultés pour que l’ONF s’associe véritablement à son projet de développement touristique. Comment allez-vous réorganiser le dialogue, en particulier avec les communes forestières, qui se sentent abandonnées ? Y aura-t-il une transparence des moyens financiers alloués ?

M. Daniel Gremillet. – L’ONF, qui est une belle entreprise, a besoin d’une patronne ou d’un patron pour donner une direction à son personnel. Pensez-vous avoir la capacité de maintenir la présence territoriale des agents de l’ONF, qui, par exemple dans les Vosges, a permis la maîtrise des incendies de forêt ? Par ailleurs, estimez-vous être en mesure de valoriser les grumes et les coproduits dans nos territoires, notamment dans le contexte actuel de tensions sur l’approvisionnement énergétique et en bois ?

Autrefois, pour les communes et les propriétaires privés, l’activité forestière, c’était des recettes ; désormais, ce sont des dépenses. Êtes-vous ouverte à des expérimentations de déconcentration, voire de décentralisation des missions et moyens de l’ONF, en lien avec les régions ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Les données statistiques des douanes publiées en 2021 montrent un record historique des exportations vers la Chine des grumes de chêne bénéficiant du label « Transformation UE ». Cela constitue une moins-value pour les scieries françaises, en plus d’être une aberration écologique. Qu’envisagez-vous pour y faire face ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Vous avez vu combien les attentes sont fortes. Je me réjouis du profil qui est le vôtre ; vous êtes presque candidate « interne ». Il y a un besoin de rétablir la confiance – je suis ravi que vous ayez employé ce terme à plusieurs reprises – avec les agents et les collectivités locales.

Pouvez-vous nous certifier que si le modèle de prévention du risque incendie du Sud-Est est étendu à de nouveaux territoires, l’État mobilisera bien les moyens nécessaires – vous avez déjà plus ou moins répondu par anticipation – et que la compensation sera effective ?

M. Franck Montaugé. – Pensez-vous qu’il soit possible de faire face aux enjeux stratégiques auxquels l’ONF est confronté en réduisant les moyens et les effectifs, comme cela a pu être le cas par le passé ?

Comment appréhendez-vous les indispensables apports de l’ONF à la prévision et à la maîtrise à terme des mégafeux ? Quels moyens supplémentaires estimez-vous nécessaires ? Vos précédentes fonctions vous ont-elles permis de signaler au Gouvernement les insuffisances chroniques des moyens octroyés à l’ONF ?

Vous avez parlé d’un contrat État-ONF « consensuel ». Êtes-vous certaine que ce « consensus » prenne en compte l’avis des personnels et de leurs représentants ?

Mme Amel Gacquerre. – Les missions de l’ONF, qu’il s’agisse de gestion des forêts publiques ou de prévention des risques en milieu naturel, doivent être accomplies en partenariat avec les collectivités concernées et leurs élus. Or, d’après les remontées du terrain, les relations entre la direction de l’ONF et les collectivités sont tendues : manque d’information et de transparence, absence de communication des études d’impact, etc. Vous souhaitez remettre de l’ordre dans la gouvernance de l’ONF ? Tant mieux.

Par ailleurs, le malaise social, lié à la réduction des effectifs, perdure au sein de l’ONF. Quel est votre point de vue sur la gestion des ressources humaines ?

Mme Patricia Schillinger. – Des forêts intactes et anciennes, comme celle qui se situe aux portes de Sarrebruck, en Allemagne, ou celle de Białowieża, en Pologne, sont des réservoirs essentiels de biodiversité. Croyez-vous à ce type de projets en France face au dérèglement climatique ? Dans vos futures fonctions, vous devrez avoir des relations avec vos homologues européens. Pouvez-vous nous préciser votre vision à cet égard ?

M. Christian Redon-Sarrazy. – Nous constatons à la fois la fragilité des écosystèmes forestiers et les fortes attentes sociétales. L’équation est quelque peu difficile à résoudre. Quelles sont vos propositions en matière de recherche et développement ?

Nous entendons vos engagements sur la protection des forêts et la défense contre les incendies. Mais, encore une fois, les moyens mobilisés sur le terrain ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.

M. Serge Babary. – Je souhaite évoquer la situation de l’ONF en Corse, où 150 000 hectares de forêt sont soumis au régime forestier, dont 50 000 pour la collectivité de Corse et 100 000 pour les communes. La direction territoriale de Corse connaît une situation tout à fait particulière. Malgré plusieurs tentatives infructueuses, et bien que le transfert des forêts soit prévu par la loi du 22 janvier 2002, aucun cadre conventionnel n’a été établi sur les relations entre la collectivité de Corse et l’ONF. La réduction globale des effectifs de l’ONF a largement impacté sa direction territoriale corse, passée de 103 agents en 2003 à 76 agents.

Des actions me paraissent prioritaires : réaffirmer le rôle de l’ONF aux côtés des propriétaires dans l’application du régime forestier et assurer une animation renforcée auprès des communes forestières et de la collectivité de Corse ; proposer des cadres opérationnels réglementaires, voire législatifs, sur les conséquences du transfert des forêts domaniales à la collectivité de Corse ; améliorer l’offre de services de l’ONF et rechercher des financements pour des actions en lien avec les enjeux nationaux et locaux particuliers.

M. Rémi Cardon. – Je souhaite vous interroger sur l’usage et l’entretien des chemins forestiers gérés par l’ONF. J’ai rencontré vos équipes gérant la forêt de Crécy dans la Somme et des maires riverains : ils semblent en désaccord.

L’ONF, avec un budget en déficit, ne peut pas entretenir les chemins forestiers pour d’autres pratiques que l’exploitation du bois. Or les forêts constituent des atouts pour les territoires ; les collectivités voisines et leurs habitants ont besoin et envie d’autres pratiques, qu’il s’agisse de tourisme ou de transit routier – ce qui peut être discutable s’agissant d’une forêt. L’accessibilité à la forêt doit faire l’objet d’un travail de collaboration avec les élus. Dans le cas de la forêt de Crécy, j’ai eu l’impression que ce n’était pas le cas. Chacun se renvoie la balle.

Quelle est votre vision de l’entretien des chemins forestiers et de leur mise à disposition ? Les collectivités territoriales ont aussi une vocation économique et d’aménagement du territoire. Comment mettrez-vous en place des espaces de dialogue avec les collectivités sur ces points essentiels ?

Sans entrer dans la caricature, on voit que, étape par étape, on ferme les accès routiers à la forêt de Crécy, ce qui est mal compris par les riverains handicapés ou vieillissants qui ont des difficultés à marcher.

M. Bernard Buis. – Gestionnaire de 11 millions d’hectares de forêts publiques, l’ONF commercialise plus de 35 % des volumes de bois sur le marché français. S’agissant de la régulation du bois et de son prix, l’ONF ne semble pas être un acteur suffisamment performant et efficace. Quels changements pensez-vous apporter pour améliorer cette régulation ?

M. Franck Menonville. – L’ONF subit de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques dans le Grand Est, ainsi que des diminutions de postes dans les territoires. Sa gestion des ressources humaines empêche la continuité du service et l’appui aux communes. Les besoins sont colossaux pour renouveler les essences, régénérer la forêt et l’adapter. On a besoin de stabilité du personnel dans les territoires.

Depuis quelques années, les missions de l’ONF se diversifient et s’étendent et les collectivités territoriales constatent une démobilisation dans les missions régaliennes de l’ONF, au profit d’autres missions.

Je voudrais appuyer la demande formulée par Daniel Gremillet d’une expérimentation d’une politique plus régionalisée de l’ONF, en particulier dans le Grand Est.

Mme Viviane Artigalas. – Ne pensez-vous pas que l’ONF a un rôle pédagogique important à jouer envers le grand public qui fréquente la forêt ? Les moyens sont-ils suffisants sur le terrain pour remplir ce rôle ? Les parcs nationaux l’assumaient avec beaucoup de volontarisme, mais la baisse de leurs effectifs les a contraints à réduire considérablement leurs actions en ce sens.

M. Daniel Salmon. – L’ONF subit des coupes claires dans ses effectifs depuis longtemps. Madame, vous avez fait partie du cercle décisionnaire qui a conduit cette politique. Assumez-vous cette austérité ? Quelle est votre vision de l’avenir des effectifs de l’ONF ? Pensez-vous être la personne qui pourra ramener la confiance à l’ONF, ainsi qu’entre cette dernière et les communes forestières ? Comment maintenir l’équilibre entre biodiversité, puits de carbone et production de bois ?

– Beaucoup d’entre vous semblent préoccupés – légitimement – par l’évolution des effectifs de l’ONF, surtout dans les territoires. Les moyens budgétaires de l’établissement sont globalement confortés. Pour certaines missions, ils augmentent même. Cela étant, le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit une réduction de 475 équivalents temps plein (ETP).

Nous sommes à un moment particulier où les incendies font prendre conscience de la fragilité de la forêt. Certes, les personnes éclairées en avaient pris conscience bien avant, mais l’ensemble de la société vient de le faire.

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