Je représente le Sénat au conseil d'administration de l'AFD, et suis donc quelque peu juge et partie, puisque j'ai régulièrement à voter sur les résolutions qui nous sont proposées par le directeur général de l'AFD. Je souhaite simplement apporter mon témoignage.
La croissance de l'AFD a été évoquée. C'est aux environs de 2012 que le Gouvernement a demandé à cette agence de développer un rayonnement beaucoup plus important, si possible mondial. L'AFD n'a fait qu'exécuter cette demande.
Souvent, aussi, elle doit faire face à des allers-retours dans les décisions politiques. Ainsi, en Afghanistan, les coopérants français ont fait un travail exceptionnel et ont obtenu des résultats exceptionnels - y compris pour redonner une place aux femmes dans la société, dans le travail. J'avais été m'en rendre compte sur place. Or, du jour au lendemain, la décision a été prise de se retirer de ce pays. Dans ces cas-là, l'AFD est bien obligée de gérer les conséquences des décisions politiques.
Je pense qu'il ne faut pas opposer la politique des dons et celle des prêts. Au fond, ce ne sont que des moyens, au service de l'objectif suprême qu'est la lutte contre la pauvreté. Dans certains cas, le don est indispensable, mais il a vite ses limites, compte tenu de la situation financière de la France. Dans d'autres cas, c'est le prêt qui permet d'atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté, j'ai pu également le constater sur place.
La meilleure solution pour faire reculer la pauvreté et faire arriver le progrès social, c'est le développement économique. On le voit dans de nombreuses régions où l'agence est intervenue : là où nous avons financé des créations d'entreprises, de la formation, de la création d'emplois, les problèmes sociaux reculent aussitôt et il y a moins de problèmes de santé, les petites filles sont scolarisées...
Il n'y a donc pas d'opposition à faire entre les dons et les prêts ; les ratios, les pourcentages entre les progressions des uns des autres n'ont pas beaucoup de sens, au fond. Ce qui compte, c'est que nous parvenions, dans les pays où nous intervenons, à contribuer au recul de la pauvreté.
Certes, je ne suis pas le seul, dans cette assemblée, à m'être occupé de ces sujets au sein d'un gouvernement. Je veux simplement témoigner du fait que l'agence est en permanence obligée de s'adapter aux décisions politiques.
L'AFD est aussi une entreprise, qui ne peut continuer à jouer son rôle social que si elle est en bonne santé. Nous n'avons pas évoqué sa santé financière, pourtant indispensable pour qu'elle continue à faire reculer la pauvreté. Je ne suis pas l'avocat du directeur général sortant, qui n'en a d'ailleurs pas besoin, mais je souhaite souligner la complexité de l'action de l'AFD, dans un monde particulièrement compliqué, comme on le voit ces jours-ci aux Nations-Unies. Les différents rapports de force sont en train d'évoluer entre les États démocratiques et ce que l'on appelle les États autoritaires, ce qui rend certaines interventions de l'AFD plus difficiles en raison des critères de gouvernance. Gardons-nous donc de confondre les relations avec les États et les relations avec les peuples, dans des pays où il y a de grandes souffrances.
Je suis chef d'entreprise et je sais que le très rapide développement d'une entreprise pose toujours des problèmes. Mais il vaut mieux avoir à résoudre ce type de problèmes que ceux que poserait la décrépitude d'une institution. J'aimerais que la France n'ait que des problèmes liés à l'augmentation de notre activité économique ! Nous allons vers une stabilisation autour de 12 milliards d'euros.
Le directeur général sortant est-il le mieux placé pour continuer à diriger cette activité et gérer le franchissement d'un nouveau seuil ? Je pense que son expérience, sa disponibilité et sa très grande connaissance de l'agence, ainsi que le fait d'avoir géré les deux premières phases, sont autant d'atouts. J'ai toutefois souligné au sein du conseil d'administration de l'AFD que le problème social devait faire l'objet d'une attention particulière. La coopération et le développement, c'est un état d'esprit, et cet état d'esprit requiert une bonne atmosphère au sein de l'agence.