Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 septembre 2022 à 11h10

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier :

rapporteure. – J’en viens maintenant à la violence au sein des établissements scolaires. Dès 2001, le rapport du Sénat faisait apparaître que l’école n’était plus un sanctuaire.

Cette violence est en légère augmentation dans les établissements du secondaire sur les six premiers mois de l’année, par rapport aux deux années précédentes. En 2020-2021, au moins un incident grave a été déclaré dans les deux tiers des établissements du second degré. La violence scolaire se manifeste principalement par des atteintes aux personnes, qui représentent huit incidents sur dix.

L’école primaire, bien que moins sujette à la violence, n’est aujourd’hui plus épargnée. Surtout, la moitié des violences contre les enseignants sont désormais commises par des élèves. Cette violence au primaire se ressent également dans les enquêtes de victimation. Pour la première fois, une telle enquête a été menée auprès d’élèves de CM1-CM2 en 2020-2021 : quatre élèves sur dix signalent avoir été victimes de violences verbales, d’ostracisme ou de vol et 23 % ont déjà eu peur de venir à l’école à cause de la violence.

Certes, tous ces faits ne relèvent pas d’une infraction pénale. Mais ils convergent vers un sentiment général partagé dans plusieurs auditions : un rajeunissement de l’âge des délinquants.

Se pose alors la question de la prise en charge des élèves violents. Chaque année, entre 70 000 et 81 000 élèves du second degré sont exclus temporairement ou définitivement de leur établissement.

L’exclusion d’un élève de son établissement scolaire peut constituer un facteur supplémentaire de décrochage. Il ne s’agit nullement de remettre en cause cette sanction, qui s’inscrit dans une échelle graduée et constitue la réponse appropriée à certaines situations. Toutefois, l’élève exclu doit être pris en charge, d’une part pour que la sanction soit comprise, et d’autre part afin qu’elle ne participe pas à sa rupture avec sa scolarité.

Certaines collectivités territoriales, en lien avec les établissements scolaires et les associations locales, ont mis en place un programme de prise en charge de l’élève, lors de sa période d’exclusion temporaire. La réussite de ces partenariats repose sur une triple condition : une prise en charge rapide du jeune, des partenaires efficaces et la collaboration des parents. Le principe de ces dispositifs doit être généralisé pour permettre un accompagnement systématique du jeune exclu temporairement.

Je tiens à rappeler l’existence de la mesure de responsabilisation, au sein de l’Éducation nationale, qui peut, dans certains cas, représenter une alternative intéressante à l’exclusion. L’élève doit participer, en dehors des heures d’enseignement, à des activités ou à l’exécution de tâches à des fins éducatives. Par exemple, l’élève accompagne pendant plusieurs heures les agents de service dans leur travail d’entretien et de réparation – dans le cas d’une dégradation de biens -, ou encore est accueilli par le SDIS (service départemental d’incendie et de secours) s’il a déclenché sans raison un signal d’alarme. Il s’agit bien d’une sanction de l’éducation nationale, distincte de tout contexte judiciaire et notamment des travaux d’intérêt général. Elle peut permettre de faire comprendre à l’élève les conséquences de ses actes.

Deuxième défi pour l’éducation nationale : faire face à la problématique des poly-exclus. En cas d’exclusion définitive, la continuité pédagogique doit être assurée. La réaffectation de l’élève doit être la plus rapide possible, tout en s’assurant d’une perspective de nouveau départ pour l’élève : accessibilité de l’établissement, mais aussi absence de jeunes issus de bandes rivales, notamment en Île-de-France.

Il existe des dispositifs relais au sein de l’éducation nationale, qui se déclinent sous trois formes : les classes relais, les ateliers relais et les internats tremplins. Nous avons entendu des propos mitigés sur ces dispositifs, notamment les classes et les ateliers relais qui accueillent des décrocheurs scolaires. Ceux-ci ont en effet été qualifiés de « parenthèse enchantée » pour le jeune décrocheur : des classes à très petits effectifs, une pédagogie bienveillante, des enseignants spécialisés. Mais l’accueil de quelques semaines dans ces structures est insuffisant et même illusoire pour permettre de combler les lacunes d’un élève en grande difficulté scolaire. Son retour en classe « classique » est alors brutal. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’un même élève fasse plusieurs séjours dans un dispositif relais au cours de l’année scolaire – preuve de son manque d’efficacité pour raccrocher le jeune à une scolarité classique.

Mais pour les élèves hautement perturbateurs ou poly-exclus, les internats tremplins – le troisième type de dispositifs relais – peuvent constituer une piste intéressante : l’accueil y est souvent plus long qu’en dispositif relais classique. Par ailleurs, ils permettent d’éloigner le jeune de son environnement habituel de scolarisation et de vie. Enfin, l’internat tremplin bénéficie d’un encadrement renforcé grâce à la présence d’un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Celui-ci permet d’avoir une approche différente de celle de l’éducation nationale.

La circulaire de 2019 relative au plan de lutte contre les violences scolaires fixait l’objectif de disposer d’au moins un internat tremplin par académie à l’horizon 2022. Cet objectif n’est pas atteint. Au contraire, leur nombre a été réduit de neuf à huit.

Nous proposons donc de prévoir, dans chaque académie, au moins un internat tremplin ou des places dédiées dans des internats classiques, pour une prise en charge des élèves poly-exclus. Cela implique également une augmentation du nombre d’éducateurs de la PJJ intervenant sur ces dispositifs. Je rappelle d’ailleurs que la circulaire de 2019 sur la prévention et la prise en charge de la violence scolaire fait de la PJJ un partenaire de premier plan de l’éducation nationale. Sur le terrain, l’effectivité de ces partenariats varie fortement. De manière générale, ils semblent perfectibles pour de nombreuses personnes auditionnées.

Nous recommandons donc d’instaurer une prise en charge systématique de tout élève exclu temporairement de son établissement scolaire, dans le cadre d’un partenariat associant l’établissement, les collectivités territoriales et les associations du territoire.

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