Intervention de Gilbert Bouchet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 septembre 2022 à 15h00
Projet de loi autorisant la ratification du traité entre la république française et la république italienne pour une coopération bilatérale renforcée — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gilbert BouchetGilbert Bouchet, rapporteur :

Ce traité, plus connu sous le nom de traité du Quirinal, a été signé le 26 novembre 2021 au palais du Quirinal, résidence officielle du président italien, par le président de la République française, M. Emmanuel Macron, et le chef du Gouvernement italien, M. Mario Draghi, en présence du président italien, M. Sergio Mattarella. Il faut souligner le rôle déterminant que ce dernier a joué au plus fort des tensions diplomatiques que nos deux pays ont connues, ainsi que celui nos ambassadeurs respectifs, M. Christian Masset et Mme Teresa Castaldo.

Les tensions ont été nombreuses au cours des dernières années. Pour ne parler que des plus récentes, au printemps 2018, l'arrivée au pouvoir de l'alliance entre la Ligue, parti d'extrême droite, et le Mouvement 5 étoiles, a fait naître des narratifs antiélites et antieuropéens, voire antifrançais. Le summum de la crise a été atteint lorsque, en janvier 2019, le vice-président du Conseil, M. Luigi Di Maio, du Mouvement 5 étoiles, a apporté son appui au mouvement des gilets jaunes. L'ambassadeur français, M. Christian Masset, a été rappelé en France le 7 février 2019. Ce n'était pas arrivé depuis 1940, lorsque Mussolini a déclaré la guerre à la France !

Encore récemment, l'avis de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, rendu le 29 juin 2022, défavorable à la mise à exécution des demandes d'extradition de dix anciens militants d'extrême gauche pour fait de terrorisme, a fortement ému l'opinion publique italienne. Les propos tenus par le Président de la République française et l'annonce d'un pourvoi en cassation par le Parquet ont eu un fort effet d'apaisement en Italie, à quelques jours seulement de la ratification du présent traité par le Sénat italien.

À l'été 2019, la constitution d'une nouvelle coalition, composée du Mouvement 5 étoiles et du Parti démocrate, puis l'arrivée de Mario Draghi à la présidence du Conseil en février 2021, ont permis de relancer le processus du traité du Quirinal.

Les excellentes collaborations bilatérales entre la France et l'Italie, soutenues par différents secteurs de la société civile, ont également contribué au rapprochement, aboutissant à la signature du traité le 26 novembre 2021.

Les domaines de coopération prévus par le traité sont particulièrement étendus. Ils concernent les affaires étrangères, la sécurité et la défense, les affaires européennes, les politiques migratoires, de justice et les affaires intérieures, la coopération économique, industrielle et numérique, les droits sociaux, le développement durable, l'espace, l'enseignement et la recherche, la culture et la jeunesse et, enfin, la coopération transfrontalière.

Les objectifs de coopération sont précisés et déclinés de manière plus opérationnelle dans une feuille de route révisable chaque année en fonction de l'évolution des priorités et de l'environnement international et européen. La première version de cette feuille de route a été signée en même temps que le traité.

Plusieurs mécanismes de consultation et de coopération sont prévus par le traité afin de développer une culture administrative commune et des habitudes de consultation qui favoriseront l'émergence d'un réflexe franco-italien. Ce rapprochement sera favorisé par les formats de consultation réguliers inscrits dans le traité pour tous les domaines.

La mise en oeuvre du traité est assurée par un comité stratégique paritaire à l'échelon des secrétaires généraux des ministères des affaires étrangères. Le traité prévoit un certain nombre d'espaces d'échanges, au niveau interministériel et administratif.

Par exemple, à l'échelon gouvernemental, il est prévu la relance du Conseil franco-italien de défense et de sécurité, un forum de concertation économique, des réunions bilatérales annuelles entre différents ministres, un dialogue sur les transports. De plus, chaque trimestre, un membre du gouvernement de l'un des deux États prendra part au conseil des ministres de l'autre État.

À l'échelon administratif, plusieurs instances de concertation thématiques sont prévues, par exemple en matière de migration et d'asile ou de sécurité intérieure, ainsi que l'échange de fonctionnaires.

Pour les sociétés civiles, le texte prévoit notamment la création d'un Conseil franco-italien de la jeunesse et la mise en place d'un service civique franco-italien.

Ce réflexe franco-italien trouvera également une traduction à l'échelon européen.

Le traité prévoit dans son article 3 que les deux États présenteront des positions communes à l'échelon européen, notamment sur le recours à la majorité qualifiée étendue ou l'adoption de nouvelles règles budgétaires. La feuille de route fait d'ailleurs expressément mention de la révision du pacte de stabilité.

Le sujet de la réforme de la politique européenne migratoire et d'asile a fait l'objet de négociations plus soutenues. Un compromis a été trouvé en faisant référence à une « réforme en profondeur et une mise en oeuvre efficace de la politique migratoire et d'asile européenne ».

En outre, le traité prévoit un volet parlementaire. Dans son préambule, le texte reconnaît « l'importance et la vitalité de la coopération entre leurs Parlements respectifs, et le rôle que la diplomatie parlementaire joue dans les liens entre leurs pays ». Les deux États souhaitent « la renforcer à travers des formes de coopérations permanentes, notamment entre leurs commissions respectives ». L'Assemblée nationale et la Chambre des députés ont d'ailleurs déjà conclu un protocole de coopération le 29 novembre 2021.

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