Intervention de Roch-Olivier Maistre

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 septembre 2022 à 9h30
Rapport annuel d'activité du conseil supérieur de l'audiovisuel csa pour l'année 2021 – Audition de M. Roch-Olivier Maistre président de l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique arcom

Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :

– C’est extrêmement serré. De plus, nous ne pourrions statuer sur cela qu’après que les Autorités de la concurrence, européenne et nationale, se seront prononcées.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Qu’est-ce qui pourrait amener l’Arcom à ne pas renouveler l’autorisation de M6 ?

– Gardons-en pour la prochaine fois : je gère un collège, comprenant des personnalités fortes et je ne saurais parler à sa place !

S’agissant de TF1 et de Canal+, il s’agit d’un différend purement commercial. Ces acteurs professent la liberté du commerce et de l’industrie, très bien : que le marché fasse ses preuves ! Ce qui est inacceptable, c’est que le téléspectateur soit pénalisé. L’esprit de la TNT, c’est l’accès de tous les Français au signal, même dans les zones blanches. J’ai proposé aux acteurs un processus de médiation, ils ont préféré la voie du tribunal de commerce, après une première décision, une autre procédure est pendante à l’initiative de Canal+, la solution est à portée de main, les acteurs doivent se remettre autour de la table. À défaut, le législateur devra compléter le texte de loi. La loi prévoit que l’éditeur mette à disposition son signal, mais n’impose pas au distributeur de le diffuser. La question concerne en particulier la diffusion satellitaire. Il y a deux options. L’une était dans le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, mais n’a pas été adoptée. Il s’agissait de donner la compétence au régulateur d’adopter des mesures conservatoires le temps de la négociation. L’autre serait d’imposer au seul diffuseur satellitaire la reprise du signal. J’espère que la raison finira par l’emporter, mais je suis peut-être trop optimiste.

Mme Catherine Morin-Desailly. – Notre rapporteur a été notre porte-voix face à l’incompréhension suscitée par les deux avis divergents émis sur la fusion entre TF1 et M6. Je respecte les autorités indépendantes, mais je ne comprends pas. Il me semble que les règles sont aujourd’hui inadaptées à la concurrence des plateformes et cela vaut pour d’autres secteurs. Le bénéficiaire de cette situation est le marché publicitaire et non les éditeurs de programmes. C’est une vision très court-termiste.

S’agissant de votre réorganisation : nous envisagions un rapprochement avec l’Arcep, où en êtes-vous, comment travaillez-vous avec cette autorité, ainsi qu’avec la Cnil et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), car la cyberpornographie et le harcèlement relèvent de la cybersécurité.

Comment vous projetez-vous en matière de moyens pour l’année qui vient ?

Sur le volet relatif aux nouvelles compétences et à la régulation des plateformes, vous avez évoqué le bilan de la loi « Infox ». L’ensemble de cette commission s’était opposé à ce texte, dont le Conseil constitutionnel avait invalidé certaines dispositions. Pensez-vous que le DSA vous permettra d’améliorer la régulation des plateformes ? À mon sens, nous sommes en deçà sur la publicité ciblant les jeunes enfants ainsi que sur l’évaluation indépendante des algorithmes.

Concernant la lutte contre la surexposition des enfants aux écrans, notamment les moins de 3 ans, avez-vous les moyens de lancer une campagne d’information ? Comment vous y prenez-vous ?

Enfin, le moment approche du renouvellement ou de la réception de nouvelles candidatures à la tête de France médias monde et de Radio France. Dans le respect de l’indépendance de votre autorité, quels seront vos critères ?

M. David Assouline. – On commence à toucher à la difficulté de réguler le paysage audiovisuel quand tout le monde considère que les règles sont obsolètes. Si tout le monde s’accorde pour considérer que la loi de 1986 relative à la liberté de communication n’est plus adaptée, ce n’est plus possible. C’est ce qui s’est passé avec les différences d’appréciation sur la fusion entre TF1 et M6.

La révolution numérique a déplacé les cadres, mais aucune des règles de concurrence n’a changé et l’ADLC les applique de manière impitoyable, alors que vous-même semblez être plutôt dans une démarche d’interprétation. Or tout le monde savait que, dès lors que TF1 et M6 fusionnaient, ce ne serait pas en cédant les autres petites chaînes de la TNT que le pluralisme et la diversité allaient être défendus. L’exercice devenait donc difficile.

Nous réclamons tous une nouvelle loi de 1986, même si nous ne sommes pas tous d’accord. Nous disons qu’il faut limiter les concentrations trop puissantes, par exemple. J’ai entendu le message du président de l’ADLC : il faudra réfléchir à la concurrence des plateformes étrangères. Nous devons soit décider de nous orienter vers leurs règles et de conférer leurs avantages à nos entreprises soit faire l’inverse et les forcer à adopter nos principes. Cette deuxième option a notre préférence.

J’attends que l’Arcom lance un cri d’alarme à ce sujet, car il lui devient difficile de réguler dans un cadre aussi obsolète.

Une polémique, mise en exergue par notre commission d’enquête, est née à propos de CNews, s’agissant de sa qualité de chaîne d’information ou de chaîne d’opinion. Vous avez signé une convention très claire avec elle, rappelant les obligations de toute chaîne d’information, notamment en matière de promotion de la diversité. Or vous avez condamné CNews à plusieurs reprises. Il serait bon d’informer le législateur, quand vous faites le bilan des infractions.

Le 17 mai dernier, Pascal Praud disait dans son émission que « Éric Zemmour avait mis au cœur de la société française, de sa campagne électorale, ces sujets-là. On les a développés sur cette antenne. On avait parfois envie de défendre cette identité française, ses mœurs, ses coutumes, ses habitudes. » Cette prise de position en faveur des idées d’un candidat à l’élection présidentielle est donc défendue publiquement. Les amendes sont-elles suffisantes pour dissuader les chaînes de se transformer en tribune d’opinion ? Comment agir ?

Le financement de l’audiovisuel public est assuré par une portion de TVA pendant deux ans. Ce financement sera-t-il pérenne et stable ?

Mme Monique de Marco. – La mission de la délégation aux droits des femmes a fait des propositions pour encadrer l’industrie pornographique.

Premièrement, elle propose à l’Arcom de prononcer des sanctions administratives avec des montants très dissuasifs et d’imposer aux sites pornographiques l’affichage d’écrans noirs tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié. Vous dites que vous bloquez des sites, mais nous demandons des sanctions beaucoup plus importantes.

Deuxièmement, elle demande que les préconisations de l’Arcom soient renforcées : il faudrait assermenter ses agents, pour qu’ils puissent constater les infractions commises par les sites qui autorisent leur accès aux mineurs ; la procédure actuelle est longue et n’est pas assez réactive.

Que pensez-vous de ces deux propositions ?

M. Julien Bargeton. – La feuille de route 2020-2023 prévoit le déploiement de la radio numérique selon la norme DAB+, qui a pris du retard à cause du covid. Pourriez-vous détailler ce point ?

Les offres de service de communication audiovisuelle enregistrent une baisse de 11 %. Nous sommes très en deçà des chiffres de 2019. Un tel changement est-il structurel ou conjoncturel ?

Mme Céline Brulin. – Nous aurions besoin d’une réflexion de grande ampleur sur le sens et sur les objectifs de l’audiovisuel public, avant de prendre des décisions sur son financement. Se pose la question de sa pérennité financière, mais avant tout celle de son indépendance. Examinez-vous d’ores et déjà des pistes pour la garantir ?

Les délais sont très contraints pour les nouvelles autorisations de fusion, pourraient-ils être allongés ? Si ce n’est pas le cas, nous aurons le sentiment que, concernant TF1 et M6, tout était déjà ficelé.

Les ordres de grandeur d’investissement dans les grilles de programmes, entre d’une part TF1 et M6 et d’autre part Netflix, n’ont rien à voir. Nous pouvons imaginer toutes les fusions possibles, comment faire le poids face à Netflix ?

M. Bernard Fialaire. – Comment s’articulent les niveaux de compétence pour le European Media Freedom Act (Emfa) ?

Pour la protection des mineurs, les mises en demeure ne suffisent pas. Qu’en est-il de l’éducation des jeunes aux médias et à l’information ?

Les télévisions locales participent du pluralisme. Le seuil anti-concentration est passé de 12 à 19 millions d’habitants. Est-ce suffisant ?

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