 
        – Concernant la question des mineurs face aux écrans, plusieurs actions sont en cours. La loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet, permet de veiller aux dispositions prises par les équipementiers. L’Arcom mène la campagne « Enfants et écrans » et des campagnes de signalétique, tandis que le site « jeprotegemonenfant.gouv.fr », déployé avec l’Arcep et le Gouvernement, permet d’informer les familles sur les dispositifs de contrôle parental et la problématique de protection des enfants par rapport aux écrans. Il s’agit d’un axe constant de notre institution. Nous éduquons aussi les enfants aux médias, notamment grâce à notre convention avec l’Éducation nationale, qui va être actualisée pour embrasser l’ensemble de nos compétences, en particulier en matière de régulation des réseaux sociaux. Une éducation à l’utilisation citoyenne de ces réseaux est essentielle, tout comme une sensibilisation au plus tôt à la lutte contre le piratage.
Nous avons élargi les missions de nos représentations en région, pour que celles-ci travaillent mieux avec les recteurs et avec les médias locaux. Nous développons les actions de formation des enseignants et nous mettons à leur disposition des modules sur notre site.
Grâce au DSA, nous avons la chance, sur notre continent européen, de voir la Commission européenne inventer un modèle protecteur de régulation des réseaux sociaux. Le texte est ambitieux et complexe, les enjeux de mise en œuvre sont immenses. La Commission va devoir se doter de nouveaux outils : un nouveau service est en cours de création et il faudra organiser la gouvernance de ce règlement européen. Je vois une première difficulté : les problématiques de contenus illicites sont d’une grande sensibilité au niveau national. Nous rencontrerons des difficultés à articuler les préoccupations nationales et le fait que le dispositif soit géré à l’échelon européen. La deuxième difficulté tient à la nature de la régulation. Concernant les programmes des chaînes de télévision, nous pouvons appliquer la loi très rapidement, mais, pour ce qui concerne les réseaux sociaux, nous ne pouvons évaluer chaque contenu. La régulation systémique intrinsèque aux réseaux sociaux, voulue par le DSA, impose aux acteurs de se doter de moyens. La Commission pourra s’assurer, en collaboration avec les régulateurs nationaux, que ces moyens soient correctement mis en œuvre ; à défaut, elle pourra sanctionner. Des audits extérieurs seront aussi mis en œuvre et les acteurs devront donner accès, de manière transparente, à leurs algorithmes. Le texte va dans le bon sens, notre continent est pionnier, mais la mise en œuvre sera complexe.
L’Arcom a revu son organigramme, en créant une direction des plateformes en ligne, afin de gérer sa nouvelle compétence. C’est cette direction qui bénéficiera de nouveaux moyens – le service anglais analogue compte 300 agents. Nous avons aussi créé une direction de la création, qui mêle diverses missions : de la gestion des obligations de financement qui pèsent sur les acteurs de l’audiovisuel et sur les plateformes de vidéo par abonnement jusqu’à la lutte contre le piratage.
Quant à l’Arcep, je constate que l’idée d’une fusion ne vous effraie pas, mais digérons déjà la première. Nos relations avec cette institution sont excellentes, tout comme avec les autres autorités administratives indépendantes (AAI), avec lesquelles nous nous réunissons régulièrement. Nous aurions tort de nous opposer à l’Arcep, alors que notre dialogue et notre collaboration sont excellents.
Pour France médias monde et Radio France, la phase d’appel à candidatures est en cours. Nous allons ensuite publier les candidatures recevables et les projets stratégiques. Puis les candidats seront publiquement auditionnés. Les deux critères fixés par la loi de 1986 sont l’expérience et la compétence ; nous statuerons au plus tard le 15 janvier, avant le renouvellement de notre collège.
Monsieur Assouline, la loi de 1986 ne me semble pas tout à fait obsolète, car les principes qui la fondent, et qui défendent le pluralisme, restent d’une actualité brûlante. Cette loi a deux faiblesses : modifiée plus de 80 fois, elle a perdu en lisibilité. Un premier travail de codification serait très utile, et une refonte complète pourrait être envisagée… mais, bon courage !
J’ai cru sentir que vous opposiez l’Arcom et l’Arcep. Je souhaite m’inscrire en faux avec l’idée selon laquelle il y aurait une autorité vertueuse, l’Arcep, et une qui le serait moins, l’Arcom.
M. David Assouline. – L’Arcep, elle, applique des règles strictes.
– Monsieur le sénateur, nous appliquons des règles très strictes. Je ne peux vous laisser dire cela. Notre collège statue en toute indépendance et applique la loi. Je vous mets au défi de savoir ce que nous aurions décidé sur le changement de contrôle des groupes évoqués, puisque nous n’avons pas statué sur ce point. Par définition, vous ne pouvez pas connaître la position de l’Arcom sur le sujet.
Chaque fois que nous avons des décisions difficiles à prendre, la loi reste notre boussole, non l’air du temps. Avant tout, la loi demande de préserver le pluralisme ; c’est ce que nous aurions fait si la fusion avait eu lieu.
Nous sommes les avocats du service public en matière audiovisuelle, qui est un élément d’équilibre de cet écosystème. Nous sommes attachés à un financement pérenne, pour donner de la visibilité à ces entreprises qui sont très complexes et difficiles à gérer. Nous aurions souhaité que la suppression de la taxe d’habitation soit anticipée, en réformant la redevance, par exemple sur le modèle allemand qui favorise une assiette large. Ce n’est pas le choix qui a été fait ; le Parlement, souverain, en a décidé autrement.
D’ici à 2025, il faut engager une réflexion sur les missions et l’organisation de l’audiovisuel public. Nous sommes convaincus qu’il faut plus de convergence entre les entreprises. Le service public y gagnerait, notamment pour proposer une offre de proximité plus riche face aux acteurs privés, une offre numérique plus homogène et une stratégie publique vers les jeunes plus construite. Ma seconde conviction est que nous ne pouvons laisser la main aux entreprises, sans quoi les choses n’avanceront pas. Une réflexion sur le pilotage de cette convergence est donc nécessaire.
L’Arcom est intervenue dans le cas de CNews, et nous interviendrons chaque fois qu’un manquement sera constaté. L’institution a quarante ans d’exercice, la jurisprudence existe. Nous savons où se situe le curseur entre la liberté d’expression et les sanctions.
M. David Assouline. – Quand la quantité va-t-elle se transformer en qualité ?
– Les autorisations sont soumises à des échéances. Dans les critères de renouvellement des autorisations, une phase de bilan est prévue sur l’exécution des conventions, notamment sur sanctions imposées par le régulateur. Néanmoins, nous appelons de nos vœux une adaptation du droit de la régulation, car le paysage se transforme. Les outils et les règles anti-concentration fonctionnent, mais nous devons aussi nous projeter vers l’avenir, par exemple vers le champ numérique. Votre rapport a fait des propositions, et les États généraux de l’information auront bientôt lieu.
Concernant les sites internet, je suis frappé du fait que le législateur soit intervenu il y a deux ans, avec la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ; depuis, aucun site n’a pris d’initiative pour se mettre en conformité avec la loi. Nous les avons mis en demeure, ils ont présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil d’État. À la suite de nouveaux constats de manquement, nous avons saisi de nouveau la justice, puis une nouvelle QPC a été déposée devant le tribunal judiciaire, qui statuera le 30 septembre ; elle sera peut-être transmise à la Cour de cassation. Ces acteurs feront flèche de tout bois. Cette industrie est puissante. Mme Mercier a fait adopter un amendement sur ces mises en demeure. Désormais, la balle est dans le camp de la justice. Nous verrons ce que la procédure de médiation va donner. Nous aurions souhaité que le tribunal bloque les sites, purement et simplement, car nous sommes convaincus qu’ils ne se mettront en conformité que sous la contrainte. Dans tous les cas, nous jouerons le jeu de la médiation.
En matière de sanctions financières, la difficulté est que les sites sont domiciliés à l’étranger, à l’autre bout de l’Union, à Chypre, au Portugal, en République tchèque. Les procédures sont très lourdes. Toutefois, la justice bouge, des enquêtes sont en cours et l’opinion publique évolue.
Le retard de déploiement de la radio numérique DAB+ est aussi lié à la pénurie de composants ; nous avons actualisé notre feuille de route et nous espérons toucher 50 % de la population d’ici à la fin de 2023, notamment dans les grandes agglomérations et le long des grands axes routiers.
Concernant les bouquets, le point de vigilance principal reste le mouvement de désintermédiation entre les éditeurs et les consommateurs.
Je souhaite aussi, comme pour le DSA, saluer l’initiative européenne qu’est l’Emfa. Le texte s’est beaucoup développé, il est aujourd’hui beaucoup plus ambitieux, mais sa mise en œuvre sera aussi difficile, car il embrasse aussi bien les médias audiovisuels que la presse écrite, qui chérit farouchement son indépendance – nous ne pouvons que la soutenir. Les règles entre pays sont très différentes. La France dispose d’un corpus de textes très avancés en matière de règles anti-concentration ou de protection de la presse, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. L’acceptation d’une règle supranationale par tous les acteurs de l’Union sera difficile. Enfin, en matière de gouvernance, un conseil de régulation indépendant sera nécessaire, mais la Commission semble trop présente dans le texte. Une régulation des médias ne peut être qu’indépendante. Le débat au Parlement européen sera riche.
Le seuil anti-concentration pour les télévisions locales vient d’être modifié par le Parlement, laissons-le vivre. Dans tous les cas, préservons le pluralisme du modèle des télévisions locales, avec des chaînes comme celles développées en régions par BFM, d’autres, articulées à la presse quotidienne régionale, d’autres, encore, totalement indépendantes, en lien avec les conseils régionaux, et les chaînes du service public.
La déontologie des journalistes est une question récurrente, très délicate. Dans son article 13, la loi de 1986 ne flèche, concernant notre contrôle, que les personnalités politiques ; mais restons prudents, car nous ne défendons jamais assez la liberté d’expression.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation de nos crédits de 1,8 million d’euros, afin de recruter 15 nouveaux collaborateurs ; cela nous convient, si une étape supplémentaire de recrutement reste possible en 2024.
L’indépendance de l’audiovisuel public revêt plusieurs aspects. L’Arcom nomme les dirigeants des chaînes. Nous donnons un avis sur tous les textes qui concernent le service public, sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM), sur son application et sur le respect des cahiers des charges des sociétés publiques ; ce travail est utile pour que le Parlement puisse exercer son contrôle. Enfin, je ne serais pas choqué si l’Arcom rendait un avis sur les moyens de l’audiovisuel public avant le débat budgétaire – nous connaissons bien l’ensemble des acteurs –, à l’image de ce que fait le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur l’ensemble du projet de loi de finances. Nous pourrions ainsi éclairer le débat parlementaire.
Mme Toine Bourrat. – L’Arcom dispose d’une nouvelle compétence, la lutte contre les contenus haineux en ligne. Vous avez déployé une CyberTaskForce en juillet dernier contre les violences numériques et vous menez un travail de signalétique. Pouvez-vous préciser le contenu de ces actions, et sont-elles suffisantes pour proposer une réponse ferme et rapide ?
Mme Laure Darcos. – Le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, dit décret Smad, rencontre des difficultés de mise en œuvre. Les plateformes sont soumises à de simples obligations déclaratives. Comment l’Arcom peut-elle contrôler les données de visionnage, de téléchargement et d’écoute, et ainsi la répartition des obligations entre cinéma et audiovisuel ?
Vous est-il possible de nous communiquer les montants investis en pré-achat et en achat en 2021 pour Netflix, Amazon et Disney ? Correspondent-ils aux montants prévus ? Nous attendons de ces acteurs qu’ils participent effectivement au financement du cinéma.
M. David Assouline. – Je souhaite simplement faire une mise au point.
J’ai dit très exactement que les lois de la concurrence sont strictes, et qu’elles peuvent être appliquées sans marge d’interprétation trop importante. Quant à la loi de 1986, elle est obsolète dans de nombreux domaines, notamment en matière audiovisuelle et numérique ; dès lors, ces principes offrent une plus grande marge d’interprétation. Je ne parlais pas d’indépendance de votre jugement, monsieur, mais je conteste effectivement vos interprétations, notamment quand vous disiez qu’un géant devait exister, sans que cela nuise à la pluralité des médias.
– Je conteste votre conclusion, je n’ai jamais dit cela. J’ai dit qu’il était normal que des groupes s’adaptent au contexte économique et aux évolutions du marché, et ensuite que le pluralisme, dès la première heure, serait respecté et que la régulation s’appliquerait, de manière collégiale. Je n’ai jamais dit que cette opération avait vocation à se faire.