Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 septembre 2022 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2023- Audition de Mm. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et gabriel attal ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics

Bruno Le Maire, ministre :

Je suis très heureux de vous retrouver avec Gabriel Attal pour vous présenter ce premier budget du nouveau quinquennat, le sixième de notre majorité.

L'objectif de ce projet de loi de finances est de tenir l'équilibre entre la protection de nos compatriotes et de nos entreprises face à l'inflation et le nécessaire rétablissement de nos finances publiques, avec comme objectif un déficit public ramené à moins de 3 % en 2027.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, les incertitudes n'ont jamais été aussi grandes : je pense aux conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie, aux difficultés économiques de nos principaux partenaires et aux incertitudes politiques au sein de la zone euro.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler la très bonne résistance de l'économie française. Le taux de croissance devrait atteindre 2,7 % au cours de l'année 2022, les créations d'emplois restent dynamiques, la consommation des ménages se maintient et l'investissement des entreprises reste solide. C'est ainsi que nous maintenons notre prévision de croissance à 1 % pour l'année 2023.

La priorité va à la lutte contre l'inflation, qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, à hauteur de 6 %, contre une prévision de 4 % pour 2023.

Nous avons adopté une stratégie singulière de protection des ménages au sein de la zone euro. Dès l'automne 2021, nous les avons préservés de l'augmentation des prix de l'énergie : nous avons gelé les prix du gaz, plafonné l'augmentation du prix de l'électricité à 4 % et contenu l'inflation à un niveau le plus faible parmi les pays de la zone euro.

Nous maintiendrons ce bouclier tout en l'adaptant progressivement : les prix du gaz et de l'électricité augmenteront de 15 % au début de l'année 2023. Cette hausse s'élèverait à plus de 100 % si nous suivions les prix du marché, ce qui serait intolérable. Ce bouclier représente un coût de 16 milliards d'euros - 11 milliards d'euros pour le gaz et 5 milliards d'euros pour l'électricité - inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023. Cette somme représente un coût net : il convient de retrancher au coût brut de ce dispositif, beaucoup plus élevé, la somme de près de 20 milliards d'euros, correspondant aux prélèvements sur les énergéticiens.

À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de rappeler que nous n'étions pas favorables à des taxes exceptionnelles sur les superprofits, des taxes ordinaires et permanentes pesant sur les profits de toutes les entreprises. En revanche, nous entendons récupérer la rente dont bénéficient les énergéticiens.

Nous protégeons également nos compatriotes en privilégiant le travail qui paie. Nous avons décidé de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu (IR) du montant de l'inflation, soit 5,4 %. Ce faisant, nous évitons à tous les contribuables soumis à cet impôt de payer davantage, même si leurs revenus augmentent. Le revenu disponible après impôt restera le même. Tel est l'objectif de notre politique économique : faire en sorte que le travail permette de vivre dignement. Il est essentiel de protéger de l'inflation nos compatriotes qui travaillent, en particulier ceux des classes moyennes.

Nous voulons aussi protéger les entreprises. Chacun a pris conscience que l'arrivée des factures d'énergie inquiète les chefs d'entreprise. Le tarif régulé de l'électricité est maintenu pour les très petites entreprises de moins de 10 salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros : les hausses de prix seront contenues à 15 %.

Pour toutes les autres, nous avons demandé à la Commission européenne d'établir des critères plus simples afin de renforcer les aides accordées aux entreprises qui sont exposées à la concurrence internationale et qui souffrent de la flambée des prix de l'énergie. Le critère de 3 % de consommation énergétique dans le chiffre d'affaires de l'entreprise doit être adapté afin que l'année de référence ne soit pas 2021, mais 2022 ou 2023. Avant la crise, la part de l'énergie dans les chiffres d'affaires de nombreuses entreprises représentait 1 ou 2 %. Celles-ci ne sont donc pas éligibles aux dispositifs d'aide, alors que le coût de l'énergie représente désormais une charge pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires. Il est indispensable de revoir le mécanisme.

Par ailleurs, nous estimons que le critère de l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) négatif durant trois mois est absurde : cela revient à condamner les entreprises, qui ne peuvent faire face à une telle situation. Nous avons demandé que celui-ci soit remplacé par une baisse de bénéfice durant un mois.

Enfin, j'ai demandé le doublement du plafond des aides d'État que nous pourrions apporter à ces entreprises, afin qu'aucune d'entre elles ne soit contrainte à la fermeture en raison de la flambée des prix de l'énergie. Nous avons d'ores et déjà obtenu que la révision du cadre des aides d'État intervienne non pas au 1er janvier 2023, mais bien dans le courant du mois d'octobre pour que les entreprises bénéficient de ce soutien le plus rapidement possible.

Enfin, nous aidons les collectivités locales, via un fonds d'un montant de 430 millions d'euros créé, avec votre aide, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Notre objectif consiste également à transformer notre économie pour rétablir nos finances publiques et garantir la baisse de la dette publique, alors que les taux d'intérêt augmentent. Nous gardons la même stratégie : la réduction des dépenses, le soutien à la croissance et les réformes structurelles.

Concernant les dépenses, nous sommes sortis du « quoi qu'il en coûte ». Celui-ci était approprié pour lutter contre les conséquences du covid-19, mais il constituerait une faute économique dans la lutte contre l'inflation, qu'il ne ferait que nourrir. Nous devons abandonner les dispositifs transversaux au profit d'aides ciblées. Ceux qui critiquent le manque d'ambition du projet de loi de finances pour 2023 en matière de réduction des dépenses publiques sont les mêmes qui réclamaient d'apporter un soutien à toutes les entreprises, quelles que soient les circonstances. Je ne vise pas les sénateurs présents aujourd'hui ; je réclame de la cohérence.

Par ailleurs, maintenir une croissance forte suppose de continuer à soutenir la compétitivité de nos entreprises et la politique de l'offre. Nous confirmons la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Dans un esprit de responsabilité, cette réforme sera menée en deux temps, en 2023 et en 2024, pour un montant total de 8 milliards d'euros. La trajectoire de suppression de la CVAE sera inscrite dans ce projet de loi de finances afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux chefs d'entreprise.

La croissance repose également sur l'innovation : nous inscrivons 6 milliards d'euros d'engagements au titre du plan France 2030.

Enfin, une stratégie crédible de restauration des finances publiques suppose d'engager des réformes structurelles. Dans un pays comptant près de 400 000 emplois non pourvus, il me paraît légitime de durcir les règles de l'assurance chômage.

Il me paraît également nécessaire de mener la réforme des retraites en vue de son application dès l'été 2023 afin de financer notre modèle de protection sociale sans augmenter les impôts. Lorsque je compare la France aux autres nations développées, je constate que notre pays réussit partout, mais que le volume global de travail est insuffisant dans notre pays. Le taux d'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans est inférieur de 20 points à celui de l'Allemagne par exemple. Cela entraîne une perte de compétences, de savoir-faire et d'expérience.

Ce projet de loi de finances concrétise notre détermination à accélérer la transition écologique. Je reconnais cependant que les sommes importantes allouées au bouclier énergétique ont un impact sur la qualité du budget vert. Nous devons faire mieux dans les mois qui viennent. Les crédits de MaPrimeRénov' s'élèveront à 2,5 milliards d'euros. Quelque 1,3 milliard d'euros seront consacrés au verdissement du parc automobile et 1,5 milliard d'euros seront versés au fonds destiné à aider les collectivités territoriales à faire face au changement climatique.

Je tiens à souligner une décision politique majeure : la France renonce pour la première fois aux assurances crédit-export pour tous les projets liés aux énergies fossiles.

Enfin, ce budget reste conforme aux engagements pris en matière de finances publiques. Nous souhaitons que l'augmentation des dépenses en volume reste cantonnée, toutes administrations confondues, à hauteur de 0,6 % durant le quinquennat, contre 1 % au cours des dix dernières années et 2 % pendant les vingt dernières années. Nous ralentissons l'accroissement en volume de la dépense publique. Mais il est toujours possible de mieux faire : toutes les propositions de réduction des dépenses des sénatrices et des sénateurs seront examinées avec le plus grand intérêt.

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